Potomitan

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Le parti pris de l'eau

José Le Moigne

Photo F.Palli.

Comment fait-on
pour oublier
la naissance d’un cil
dans le printemps des yeux

Pour mesurer
le vol sacré de l’hirondelle
d’un été à un autre

La chanson aigre-douce
chantée à contre-jour
par une femme noire
dont le parfum persiste

Je dirais à l’enfant
le tranchant de l’éclair
l’appel fou des sirènes
l’inquiétude d’un mot

Les fontaines moussues
l’écluse du lavoir
le rire des blanchisseuses

Les rues surtout
boueuses comme il se doit
dans ce pays mouillé
où l’on m’a déposé

Arasées et bâties
les prairies à jacinthes
les talus gaéliques
les carrières d’ardoises

Hissés par la lumière
le tutoiement des cannes
l’orgueil des totems
les anthuriums

Jour après jour
dans la prunelle des agoutis
les longues barques du passé
pénètrent à contre-jour

Mais la pluie
la pluie dit qu’il ne se passe rien
dans tout ce qui l’entoure

Nerveuse et bondissante
avec cette élégance
que l’on accorde parfois
aux bêtes du désert

Lovée comme un petit serpent
dans un bris de lumière
tu dors

De jour comme de nuit
comme des guerriers Massais
la sagaie à la main

Avoir grandi
dans un moignon de ville
à quémander sous les persiennes
la suite de l’histoire

Ne pas déranger l’ombre
mais donner acte à la lumière
de ce bain qu’elle se donne
dans l’échancrure des manguiers

Qui t’aime
de temps en temps tu te révoltes
tu fais des trous dans l’arbre
tu reçois le soleil

L’encre fraîche cueillie
au petit jour
dans la rosée des mots
ces riens que l’on entend

Tu ne vis pas de rêves
à petits pas
tu inventes l’espace
l’innocence te vas

Inondé par la mer
le lieu de toute force
amendant le sommeil
la tendresse d’un signe

Avec nous
dans des colonnes d’ombre
l’enroulement tardif
d’une vipère d’eau

©José Le Moigne
Poèmes du sel et de la terre
Éditions l’Arbre à paroles

anis

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