Kaz | Enfo | Ayiti | Litérati | KAPES | Kont | Fowòm | Lyannaj | Pwèm | Plan |
Accueil | Actualité | Haïti | Bibliographie | CAPES | Contes | Forum | Liens | Poèmes | Sommaire |
Breizh eo ma bro |
Au bout du chemin creux
quand lassé de la boue
tu aspires à marcher
dans l’herbe des prairies
tu vois que le printemps
ne te protège plus
Sur un poème de Paul Vincensini
J’habite une île
Intime et solitaire
Où chaque parole dite
A valeur d’adage
Bouquets de lait
boutons d’or
fleurs de Marie
le busard engourdi
en haut de son poteau
ne veille que d’œil
sous son faîtage de genets
la Bretagne s’étire
comme une nappe d’autel
Ce ne sont pas les douleurs
grandes ou petites qui sont muettes
c’est l’hiver
c’est le froid
la course de l’araignée
qui file sous le meuble
c’est le vent qui se plaît
à masquer les étoiles
J’ai trop trahi le vent
pour parler à la place
des hommes de mon pays
Pourtant je sais
leurs épaules fatiguées
par le poids de l’argile
leurs paupières délavées
par les vapeurs de tourbe
leurs pas épais de naufrageurs
Qui ne s’est pas frotté
à la mystique sauvagerie
des montagnes d’Arrée
ne peut parler de l’âme
Pour Fanny
Je regrette parfois
le temps des processions
des grandes troménies
et des pardons fervents
L’envolée
des bannières
les vagues de dentelles
les jonchères qui dansent
à même le poussière
ce permanent miracle
qu’on appelle l’enfance
Je voudrais me repaitre
de la tendresse oblique
des talus millénaires
un peu blessé sans doute
par les épines d’or
des ronces et des genets
mais sensible pourtant
à l’oiseau qui se glisse
à la césure de la pluie
Au bout du compte
pareil à l’araignée
qui tisse le silence
à l’angle de sa toile
je n’ai pas fait de choix
J’ai remonté l’aber
de pierre en pierre
jusqu’à la source
et je me suis noyé
Je n’écris pas le jour
j’écris de croix en croix
pas celles de la vie
mais celles des chemins
qui portent sur leurs bras
alanguis de lichen
l’élan de foi naïve
des hommes de ma terre
qui mêlaient leurs prières
à celles des talus
tant étaient proches encore
les idoles gauloises
Mon orgueil se limite
à celui des fontaines
des croix votives
et des chapelles solitaires
Je suis comme la terre
abasourdie d’étoiles
une prière fendue
où l’océan pénètre
Je me suis arrêté
sur le bord de l’aber
à regarder le fleuve
renaître dans la vase
Pèlerin chimérique
aux désirs incertains
j’ai ignoré la mer
et ses fausses invites
José Le Moigne
Plourarc’h
15 mai 2019