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Nous ne pouvons pas les nommer, les citer, car ils étaient sans nom. Ce furent des êtres dépossédés d’eux-mêmes, dépossédés de leur personne, de leur force de travail et bien souvent de leur vie.
Si nous ne pouvons les nommer, nous savons comment ils vivaient, nous devinons les affres qu’ils durent endurer, parce que nous les portons en nous, pas avec la même intensité, loin de là, il n’y a rien de comparable, mais ils nous ont légué leurs stigmates, et comme disait Aimé Césaire :
J’habite une blessure sacrée
J’habite des ancêtres imaginaires
J’habite un couloir obscur
J’habite un long silence…
Mais aujourd’hui, la parole nous est donnée et nous pouvons la serpenter, la plier à notre dire, et donner vie à nos ancêtres imaginaires.
Ce qui les caractérisait physiquement, outre d’être des Africains, c’est l’extrême maigreur. Ils étaient altérés par l’étisie due à la faim.
À cette faim qui les tiraillait jour et nuit, car les maîtres faisaient de ce poste de dépense des économies et ces économies leur permettaient de renouveler le cheptel humain tous les 7 ans, la durée de vie d’un esclave des champs.
Cheptel humain, ces termes peuvent froisser ou choquer, mais c’est ainsi qu’ils étaient vus par le droit, par le Code Noir, des biens meubles au commencement de l’esclavage et à la fin des immeubles par destination.
Cheptel humain, car le bois d’ébène partant des côtes de l’Afrique, débarqué aux Amériques, devenait des mulets de race.
C’est ainsi que les affiches et affichettes annonçaient leur vente.
«Des pauvres diables en haillons sortant des cales, des êtres hideux, maigres…», c’est ainsi qu’un homme d’église les décrivait. Ils étaient maigres, à cause des conditions du voyage «du passage du milieu» Ils étaient devenus maigres à cause d’une traversée qui s’éternisait, maigre car déshabiter de la vie, ils étaient maigres, une maigreur qui ne les quittera plus, quand bien même, ils passaient leur nuit à chasser les crabes car toute leur énergie tendait vers trouver de quoi se nourrir, nourrir les siens si tenté qu’ils purent concubiner et chasser la faim.
En effet, comme dit le poète, nous habitons une blessure sacrée, mais les ancêtres ne furent pas imaginaires, ils furent parce que nous sommes.
Nous n’habitons pas un long couloir obscur, car nos intelligences désormais l’éclairent.
Nous n’habitons pas un long silence, car notre voix retentit, parce que vous fûtes notre caisse de résonance.
Alors, hommageons nos ancêtres
Eia à vos mémoires !
Béliya pour les sans noms !
Nous nous souvenons !
Merci de m’avoir prêté attention !
Tony. Mardaye
23 mai 2009
Quelques images de la célébration
Photos de Jean Elisabeth Largitte.