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Le 10 mai commémoration de l'esclavage Tony Mardaye |
«La très grande majorité de nos concitoyens du monde issu de l'esclavage (Guyane, Guadeloupe, Martinique et La Réunion) est convaincue que l'histoire de la traite négrière, de l'esclavage et de leurs abolitions continue d'être largement ignorée, négligée, marginalisée. Ces concitoyens perçoivent cet état de fait comme un déni de leur propre existence et de leur intégration dans la République. Ils attendent de l'Etat, au-delà de tous les clivages, un acte symbolique fort et des actions, qui donnent un prolongement à la loi du 21 mai 2001.1»
Un rendez-vous important pour la communauté s'annonce. La date du 10 mai, est censée devenir importante, car il s'agira pour la République de rendre hommage aux victimes de l'esclavage et de la traite négrière, et par conséquent, d'endosser sa responsabilité dans cette tragédie qui a vu la déportation de millions d'hommes noirs, mais pas exclusivement2 vers les Amériques et l'océan indien en vue d'enrichir les siècles…
Ce jour solennisé, parce qu'il le sera, fait aujourd'hui l'objet de remous, de divergences au sein de la communauté d'Outre-mer. Car la commission en charge de proposer une date commémorative s'est trouvée prise sous les feux croisés des élus et des associations. Quoique prévisible, ce désaccord tend à prendre des proportions déroutantes.
Trois tendances se dessinaient quant au choix de cette date :
Celle des tenants du 27 avril, proposition émanant de l'AMEDOM et de la mairie de Paris, qui a fait l'objet d'un rejet sans commune mesure de la part des associations et des populations concernées, parce que le 27 avril évoquait dans la mémoire collective, le jour de l'abolition de l'esclavage de 1848, prise à l'initiative de Victor Schœlcher. Ce choix à notre sens, véhiculait des relents d'un paternalisme suranné, pas totalement désintéressé et fut donc rejeté. A la décharge de nos élus, il fallait reconnaître qu'ils s'appuyaient sur la loi n° 835500 du 30-06- 1983 pour motiver leur choix, stipulant que:
«le 27 avril de chaque année ou, à défaut, le jour le plus proche, une heure devra être consacrée dans toutes les écoles primaires, les collèges et les lycées de la République à une réflexion sur l'esclavage et son abolition.»
Dès lors, comment expliquer le décalage entre les élus et les populations, sinon que la proposition se contentait d'entériner un fait établit, une sorte de coutume républicaine instituée par cette loi. Les élus proposaient un choix de continuité, alors que dans cette affaire, il convenait peut-être de réactualiser le devoir de mémoire, en optant pour le choix d'une date plus fortement marqué et en rupture avec le passé colonial.
Les dates du 10 mai ou du 21 mai, correspondant respectivement à l'adoption et à l'entrée en vigueur de la: «loi tendant à la reconnaissance de la traite de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité» proposée et votée à l'initiative de la député guyanaise, Madame Christiane Taubira-Delanon, pouvaient parfaitement convenir et recueillir, une large approbation.
Mais voila, le «Comité Marche du 23» fort de la personne de son président Serge Romana, qui par ailleurs fut membre de cette même commission, avant de démissionner, faute d'avoir pu faire prévaloir sa vision et imposer le 23 mai, a lancé une pétition dans le but de faire pression sur la commission et forcer une décision en sa faveur. En vain.
Le Comité marche du 23 mai, a développé un argumentaire pour justifier son choix, dont un des points est le suivant:
«LE 23 MAI 1998, plus de 300 associations des Antilles et de la Guyane organisèrent une marche silencieuse à Paris. Ce jour-là, 40'000 personnes de toute origine se rassemblèrent pour rappeler à la Nation et au monde entier le souvenir des millions de victimes de la traite et de l'esclavage des nègres. En osant dire «nous sommes des filles et des fils d'esclaves», nous entreprenions de rétablir des liens filiaux entre notre génération et celle de nos aïeux. Cette journée est restée dans notre mémoire comme celle où, nous, descendants d'esclaves, «nous nous sommes levés pour eux» afin de rappeler leur existence et témoigner de leur souffrance. Ce jour-là restera celui où nous avons commencé à les restaurer dans leur dignité d'êtres humains, dans cette dignité qui leur était niée depuis plus de 300 ans.»
Remarquons: cette manifestation a un caractère métropolitain et on peut s'interroger quant à sa pertinence pour les populations d'Outre-mer, qu'est-ce que cette date peut bien représenter pour elles? RIEN.
Tout compte fait, quel pourrait être l'impact de l'initiative du «Comité Marche du 23» sur le choix du 10 mai, proposé par la commission au gouvernement? Si le nombre de signatures recueillies par la pétition de Romana s'avérait être conséquent, le risque est que le gouvernement repousse le choix de la date, décemment, le gouvernement ne saurait désavouer une commission, qu'il a lui-même instituée. Donc, comme veut l'habitude, en pareille circonstance, il ne prendra aucune décision. Et qu'est-ce que la communauté aura à gagner d'une non-prise de décision: RIEN.
Que chacun se fasse juge, quel est le plus important, plaire au Comité marche du 23 mai, ou obtenir une date commémorative afin de rendre hommage à nos ancêtres?
Il n'y a pas d'autres questions à se poser!
Si vous estimez que le plus important est qu'une date soit fixée, alors abstenez-vous de signer cette pétition, si vous l'avez déjà signée, alors rétractez-vous. Pensons à l'essentiel: NOUS.
Désormais le 10 mai doit devenir le jour où NOUS: «défendrons la mémoire des esclaves et l'honneur de leurs descendants».
Tony Mardaye
Notes
- Synthèse du rapport remis à Monsieur le Premier Ministre le 12 avril 2005.
- Article 1er:
La République française reconnaît que la traite négrière transatlantique ainsi que la traite dans l'océan Indien d'une part, et l'esclavage d'autre part, perpétrés à partir du xve siècle, aux Amériques et aux Caraïbes, dans l'océan Indien et en Europe contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes constituent un crime contre l'humanité. Loi n° 2001-434, du 21 mai 2001.
Commentaire
J'ai trouvé votre article très pertinent. Je suis également fatigué des querelles intestines de notre communauté afro-antillaise quant au choix de cette date commémorative. Toutes ces divergences ne font que décrédibiliser notre démarche. Il est déjà formidable que nous ayons obtenu la reconnaissance de ces 400 ans d'esclavage comme crime contre l'humanité bien qu'il soit aberrant d'avoir attendu tant de siècles pour que le monde regarde de façon responsable et honnête ce pan de son histoire. Peu importe la date à laquelle nous célébrons cette abolition, il est certain que tout un chacun pourrait donner des dizaines d'arguments pour l'une ou l'autre.
L'important est que cette commémoration occupe dans notre actualité la place qui lui revient et qu'elle soit l'occasion de réfléchir et d'agir ensemble contre toutes les formes de discriminations qui aujourd'hui encore, privent des millions de frères et soeurs, d'une vie décente.
Plutôt que s'entredéchirer pourquoi ne pas créer une forum contres toutes les formes d'esclavage traditionnelles et modernes qui se tiendrait sur plusieurs jours. Cela permettrait de travailler sur le fond et une observation précise des résultats des efforts accomplis pour les éradiquer en un rendez-vous international et annuel.
Sur potomitan
- Communiqué de presse de l'AMEDOM, 28 février 2005.
- 23 Mai - Journée Nationale - De l'esclavage Colonial - Des Victimes - Du Souvenir Comité 23 mai 1998.
- Petition : Pour nous c'est le 23 mai.
- Démission de Serge Romana - Conférence de presse le 05 avril 2005.
- Pour nous, plus que jamais, c'est le 23 mai !
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- Le Comité Marche du 23 Mai 1998 a organisé six conférences historiques dans le cadre du choix d'une date commémorant, en France métropolitaine, le martyre des esclaves nègres.