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Antoinette Prudence

Antoinette

Antoinette Prudence, directrice de la Roman Catholic Education Authority à Rodrigues, est décédée, hier (1. avril 2007), à l'hôpital Nehru où elle avait été transférée, de l'hôpital de Rodrigues après y avoir été admise en milieu de semaine, suite à un malaise cardiaque.

Âgée de 54 ans, née le 26 septembre 1952, Mlle Prudence avait été nommée, voici deux ans, à la tête de l'organisme régulateur de l'éducation catholique à Rodrigues, cela constituant une des activités de cette concitoyenne aux engagements multiples.

Après ses études primaires et secondaires à Rodrigues, Antoinette Prudence est admise, en 1970, au Teachers Training College, en vue d'une formation pour être institutrice, métier qu'elle pratiquera pendant quelque sept ans. Des années plus tard, elle prendra avantage des formations diplômantes proposées, à la Réunion, à l'initiative de Raoul Lucas, en partenariat avec l'université Paris VIII. Cela lui vaudra une licence en sciences de l'éducation.

Catholique convaincue, Antoinette Prudence est d'abord remarquée au sein de l'action catholique de l'enfance. Au début des années 80, elle est sollicitée par le siège international du mouvement en vue d'être sa secrétaire internationale, poste auquel Mlle Prudence remplace, d'ailleurs, une autre Mauricienne, Joceline Minerve.

Revenue à Rodrigues, Antoinette Prudence s'y engage dans divers mouvements de la société civile rodriguaise, dont au Centre Carrefour dont elle fut la fondatrice, ce qui lui vaut, en 1990, d'être nommée présidente du Rodrigues Local Council, regroupant diverses ONG et, à cette époque, seule instance délibérative dans l'île.

Sollicitée, après l'arrivée au pouvoir de l'alliance Ptr/MMM, pour être ambassadrice de Maurice à Paris, avec accréditation à l'Unesco, Mlle Prudence décline cette offre, faisant savoir qu'elle considère que sa place est à Rodrigues. Membre du High Powered Committee sur la réforme des collectivités locales, institué sous le premier gouvernement Ramgoolam, sous la présidence de Vishwanaden Sooben, Antoinette Prudence est également sollicitée, en 2000, pour participer, avec l'ex-juge Robert Ahnee, aux travaux de préparation de l'autonomie à Rodrigues. À ce titre, elle accompagne M. Ahnee à Trinidad, en vue d'y étudier le fonctionnement de l'Assemblée régionale de Tobago.

Hommage a mon amie d’enfance
Antoinette Prudence

George de Lamare

Antoinette et George

Ce fut notre ami commun Pierre Argo qui, comme moi a une grande admiration pour Antoinette, fut le premier à m’informer de la tragique nouvelle. Il était alors Dimanche vers 11 hrs du soir (heure de Sydney). Une soudaine tristesse s’est tout de suite emparée de moi au point, je n’ai presque pas dormi ce soir la… des questions qui me hantaient: mais pourquoi tu as du partir si tôt Ken?  Alors que le pays a encore besoin de toi? Toi la seule personne a Rodrigues qui inspire le respect et l’admiration de tous. Toi qui as étamé un parcours sans faute dans le combat pour  la justice sociale.

C’est bien grâce a toi que Rodrigues est sortie de son isolement non seulement à travers un travail d’apostolat si louable, mais aussi dans le domaine éducatif dans le sens le plus large du terme, l’éducation populaire Le Centre carrefour est comme une petite université de réflexion à Rodrigues, si bien animée grâce à ton intellect établit dans un esprit de partage de connaissance. En plus tes interviews étaient également une occasion pour passer ton message et transmettre ta vision du monde.

Ton engagement fut non seulement social mais socialisante en établissant une société civile forte Rodrigues, devançant de ce fait l’ile Maurice sur ce plan. Les éloges qu’on fait Gilbert Ahnee à ton égard ne fut pas des moindres en te proposant comme la première femme, Rodriguaise ou Créole, à la position suprême de Présidente de La République de Maurice. Mais te connaissant, par humilité tu l’aurais refusé tout comme  tu as refusé le poste d’ambassadrice de Maurice en France, préférant te consacrer à ton peuple, un peuple qui a tant besoin d'être guide au delà des considérations politiques partisanes.

Antoinette, ma chère compatriote, c’est bien grâce à toi que les mauriciens de tous bords et autres étrangers ont su respecter et comprendre qu’il y a des valeurs sûres a Rodrigues, alors que les politiciens de Rodrigues se baignent dans la course au pouvoir, dans la corruption et la vengeance. Ce n’est pas pour rien que les personnalités de l’Eglise, journalistes et politiciens de Maurice, à travers leurs éloges démontrent  que tu étais la Rodriguaise par excellence, voir la grande dame de la République de Maurice, Rodrigues, Galéga  comme l’a souligne Marcel Jolicoeur. Je sais en plus que partout ou tu es passée par tes missions,  visites ou autres réunions à travers le monde entier, chacun a été éblouit par ta sincérité, lucidité et dévouement pour une cause juste, à œuvrer pour un monde meilleure… où la petite île Rodrigues trouverait sa place.  Le peuple de Rodrigues ne cessera de pleurer ton départ trop prématuré, car ce pays plus que jamais a besoin de toi, dans ce moment de consommation et de mondialisation, avait encore besoin de toi pour les aider à affronter les défies et les dangers de dérive qui ont déjà fait surfaces a Rodrigues. Au pire de la crise politique à Rodrigues, beaucoup de regards étaient tournés vers toi pour sauver le pays, ce qui t’as valu un autre éditorial du Mauricien.

Le pays a encore besoin de toi à  un moment ou le danger de recolonisation de Rodrigues pourrait réapparaître, malgré toute ta lutte pour l'évolution.  Plus que jamais Rodrigues a besoin d’une société civile forte, que tu as initiée, à un stade ou Rodrigues doit impérativement retrouver son cœur et ses valeurs pour ne pas continuer à déverser dans l’adultère et la délinquance moderne.

Ton dernier souhait, que tu as exprime au premier ministre lors de son passage a Rodrigues, a été que le peule de Rodrigues retrouve son unité après les déchirements politiques…: Que ce souhait se traduise dans une volonté de réconciliation par les acteurs politiques de Rodrigues, que l’ingérence des politiciens de Maurice ne viennent plus exacerber cette division, que les institutions se respectent, que les fonctionnaires se mettent au service du peuple, que la pauvreté recule et que Rodrigues redevienne une île prospère, simple, calme, accueillant, ou l’honnêté prime et que le pays ne soit pas contaminé par la corruption et par tous les maux qui viennent d’ailleurs, que les politiciens de Rodrigues cessent de rassembler à ceux de Maurice…. Que ta volonté soit faite Antoinette!!!

Antoinette et moi

Les liens, qui me relient a Antoinette Prudence, remontent à très loin dans mon enfance, quand son père Léon et mon père George étaient tous deux “overseers” dans le département de L’Agriculture dans les années 50 et 60 sous la direction de Mr Philip Hotchin. Mon père me disait que Léon Prudence était un homme intelligent, ils aimaient bien discuter autour de leurs “grogs”, qui duraient toute la nuit du samedi ou les dimanches après-midi. Je n’étais alors comme Antoinette qu’un gamin et on se lia d’amitié. Puis je l’ai retrouvée à l'école Ste Famille RCA à Lataniers ou  Ma Mère  de la Délivrance était la maitresse d’école. Parmi les profs il y avaient Lise Gontran, Mary AhKang, Claudine AhYan, Harmonique Plaiche, Eugene Gontran, Dickon Collard, Achille Perrine, Lelio Meunier, George Ah Kiav, Claudino Bègue, Alain Elysée, Jacquelin Templin, Lorraine Gontran, Therese Biram, Ruth Biram-Roussety, Amelie Grandcourt entre autres…   Quand je suis venu habiter à Port Mathurin, on s’est perdu de vue pendant 3 ans et, en un certain Janvier 1964, on s’est retrouvé au Collège St Louis ou nous étions dans la même classe. Alors qu’elle adorait le latin, moi pas du tout, alors que j’étais fort en maths, elle était très calée en maths. Pour la SC elle obtient 2 en anglais, chose qui étonna plus d’un à cette époque, même le fameux Père Farelly, ce vieux prêtre qui faisait bien rire Antoinette à cause de ses méthodes anciennes.

Nos chemins se séparent encore une fois, elle partit pour le TTC et on se reverra bien plus tard dans un autre contexte. C’était l’heure pour combattre les méthodes Duvaliennes. Alors que j’étais engagé dans la politique, elle était plus pour une réflexion sur un projet de société et l'avenir pour Rodrigues. Nous étions d’accord sur un point, il fallait libérer Rodrigues. Sa politique à elle passait par ses engagements dans le social et l’église. Sa politique était d'être au service, elle pensait qu'il fallait pousser l’éducation pour libérer d’abord le peuple de l’ignorance. Nous avions une même philosophie et vision pour Rodrigues mais à chacun ses moyens et méthodes. Bref elle était au dessus de la politique partisane et de slogans creux, voyant plutôt la politique comme un outil au service du peuple pour faire avancer tout développement humain. C’est ainsi qu’elle accepta de présider le premier Island Council où elle fera toutefois connaissance avec la machinerie lourde du gouvernement, du red taping.

Elle me racontait comment les fonctionnaires de Maurice (et mauriciens) lui mettaient les bâtons dans les roues. Elle fit alors connaissance avec la résistance et les coups bas. Néanmoins ce fut un début, même timide, de la dévolution mais qui débouchera par la suite sur la loi établissant le RRA.  L’histoire retiendra son combat pour la libération, sa dévotion et sa participation dans le processus menant à l’autonomie de Rodrigues. Je suppose comme tout Rodriguais, qu'Antoinette espérait voir triompher cette autonomie et surtout de ne pas perdre les acquis. Pour avoir discuté avec elle à chacune de mes visites à Rodrigues, je sais qu’elle s’attendait que l’histoire de Rodrigues ne se termine pas avec une autonomie, qui est encore dictée par Port-Louis.

Kan la grin may mor

Gilbert Ahnee

Antoinette

Dans son témoignage, envoyé au Mauricien, pour exprimer son admiration envers Antoinette Prudence, Mario Jolicœur "inculture" un verset des évangiles dans le contexte rodriguais. Plutôt que "si le grain ne meurt", il écrit: Bizwin ki la grin may mor pou ki lezot zepi sorti ek gayn boukou la grin may. Un témoignage parmi d'autres.

En 2005, le gouvernement MSM/MMM d'alors annonça son intention de choisir une femme pour les fonctions de président de la République. Le Mauricien suggéra, alors, que si nous recherchions une femme d'exception, ce pourrait bien être Antoinette Prudence. Et que la citation qui suit soit notre hommage renouvelé à la disparue.

Paru dans notre édition du 3 mai 2005: "Il nous faut, peut-être, aller plus loin que la simple désignation d'une femme au poste de présidente de la République. Outre la reconnaissance du rôle des femmes dans notre société et de l'enjeu de civilisation que cela honore, nous pourrions profiter de cette échéance pour également illustrer, tout à la fois, 1) l'importance des engagements au sein de la société civile; 2) un consensus républicain bipartisan et 3) la parfaite intégration au sein de notre République de ses diverses composantes territoriales.

"Admettons que nos deux principaux blocs, ceux susceptibles de compter au moment du prochain choix pour la présidence, soient d'accord pour désigner une femme. Il va sans dire qu'elle devra être crédible, avec suffisamment de réalisations à son actif pour établir que ce n'est pas uniquement à son identité sexuelle qu'elle doit cette position éminente à la tête de l'État. De telles femmes existent. Mais il est de surcroît possible de penser qu'il y a aussi, au sein de notre corps citoyen, une femme susceptible de faire l'unanimité parmi les principaux dirigeants des deux bords politiques. Et si cette femme exceptionnelle, cette personnalité de premier plan était choisie, ce serait également la communauté de destin de Maurice et de Rodrigues qui serait affirmée […] cette personne a une histoire, un passé, une riche expérience internationale. Un nom aussi : Antoinette Prudence.

"Outre ses engagements sociaux à Rodrigues qui parlent d'eux-mêmes, outre ses années de service à la tête d'un mouvement international d'apostolat au sein de l'église catholique, Mlle Prudence a également été choisie, par le précédent gouvernement travailliste, pour faire partie de la Commission Sooben sur la réforme des administrations locales, cela avant d'être choisie, par le gouvernement MSM/MMM pour contribuer à la définition du projet d'autonomie à Rodrigues. Elle fut également sollicitée par le gouvernement MSM/MMM pour être ambassadeur de Maurice à l'étranger, offre qu'elle déclina pour pouvoir se consacrer à son action sociale de formation dans son île.

"L'humilité est une vertu. Antoinette Prudence la possède en pleine mesure. Mais l'occasion était trop belle: quitte à provoquer les sourires moqueurs du cynisme politique, l'enjeu que représente une présidente de la République méritait bien qu'on impose quelques limites à une humilité de pareille qualité".

Merci d'être passée chez nous.

Gilbert Ahnee

Témoignages-Décès d'Antoinette Prudence

Antoinette prudence

Le Premier Ministre:
"Une grande dame qui savait allier sérieux, humilité et rigueur"

"Avec le décès d'Antoinette Prudence nous perdons une grande dame qui savait allier le sérieux, l'humilité et la rigueur", a déclaré le Premier ministre, Navin Ramgoolam. "Elle était une personne d'une grande générosité et a contribué à l'avancement de Rodrigues et de Maurice", dit-il.

"Je l'ai rencontrée à Rodrigues lors de ma récente visite dans l'île. J'ai été touché par sa rigueur morale, son dévouement au travail social et à l'avancement du peuple de Rodrigues", a dit Navin Ramgoolam

"Lors de notre rencontre, elle avait insisté que le fait qu'il est extrêmement important que la population rodriguaise retrouve son unité après les élections générales régionales", a souligné le Premier ministre.

Cardinal Margéot:
"Une grande chrétienne"

"Antoinette nous a quittés rapidement, en plein travail pour l'Église et pour son pays. Elle aimait Rodrigues et ses compatriotes rodriguais".

"Elle était une grande chrétienne. Elle s'était donnée à l'action catholique auprès de l'enfance et devint même présidente internationale du mouvement de l'Enfance. C'est ainsi qu'elle était bien connue à Rome. Le pape Jean-Paul II l'avait nommée membre de la Commission internationale des laïcs".

"Elle a été constamment sollicitée pour entrer dans la politique active où des postes de très hauts niveaux lui furent proposés. Elle préféra œuvrer à la base et pour l'action catholique, en fondant avec le père Adrien Wiehé, Carrefour, un mouvement féminin de formation, mouvement culturel et social".

"Antoinette avait une personnalité riche, un jugement sûr et un rayonnement immense sur son pays".

Cassam Uteem:
"Sa disparition appauvrit le pays"

"Elle était pour moi une grande dame qui symbolisait la nation rodriguaise. Elle n'a cessé d'œuvrer pour un développement à visage humain de Rodrigues. J'ai eu des consultations avec elle lorsque j'avais mis en place le Comité sur la pauvreté. Rodrigues faisait partie de nos priorités dans le combat contre la pauvreté. Nous avions beaucoup discuté du problème mais elle était tellement prise par d'autres responsabilités qu'elle m'avait suggéré de faire appel à sa sœur pour faire fonctionner la branche rodriguaise de ce comité. La dernière fois que je l'ai rencontrée, c'était juste avant les élections à Rodrigues. Elle avait à cœur le bien-être de la population rodriguaise et la situation l'inquiétait beaucoup. Avant d'aller rencontrer le Premier ministre pour lui parler de la situation dans l'île et pour lui faire certaines suggestions, elle voulait donc discuter avec moi. La République perd en elle une très grande dame et sa disparition appauvrit le pays. Je présente mes condoléances à la famille".

Paul Bérenger (leader du MMM):
"Personnalité extraordinaire et absolument sincère"

"En rentrant hier après-midi de Madagascar, j'apprends qu'Antoinette est morte. Cela m'a pris complètement par surprise et m'a énormément bouleversé. Elle était devenue une bonne amie. C'était une personnalité extraordinaire, absolument sincère dans son engagement et elle s'est mise au service de Rodrigues toute sa vie. Trop peu de gens savent, par exemple, qu'après les élections de 1995, Navin Ramgoolam et moi-même lui avions proposé le poste d'ambassadeur à Paris et auprès de l'UNESCO. Elle nous avait demandé quelques jours de réflexion, puis elle est revenue vers moi pour dire qu'elle était très honorée mais qu'elle préférait rester au service de l'île Rodrigues. C'est typique d'elle et cela démontre toute sa sincérité et son amour pour Rodrigues. C'est une très grande perte pour Rodrigues et c'est une grande âme qui s'en va. J'exprime toute ma sympathie à sa famille".

Jimmy Harmon (Centre de Formation de l'Education catholique):
"Bien assise dans ses convictions"

" e l'ai rencontrée pour la première fois en 1995, à Madagascar, lors d'une conférence organisée par Raoul Lucas, sur le projet de l'Université de l'Océan Indien. Ce qui m'a frappé d'abord chez elle, c'est sa discrétion et sa simplicité, mais ses interventions ne laissaient personne insensible. Elle était bien assise dans ses convictions et pertinente dans ses propos. En tant que catholique engagée, je la voyais comme une contemplative dans l'action .

Myriam Narainsamy (amie):
"Battante, sur tous les fronts"

Myriam Narainsamy, ancienne infirmière d'Etat et engagée dans le social est effondrée. "Je perds une grande amie. Elle nous a quittés si brusquement et c'est très dur pour tout le monde. Je suis restée à son chevet depuis son hospitalisation ici et je l'ai accompagnée jusqu'à son dernier souffle."

La grande amitié qui liait Mme Narainsamy à Antoinette Prudence date de l'année où celle-ci débarque à Maurice pour sa formation d'enseignante au Teachers Training College (aujourd'hui le MIE). Elles étaient voisines à l'époque. "Nous avons cheminé ensemble pendant ces trente dernières années. Nous avions les mêmes affinités et nous étions comme deux sœurs", confie Mme Narainsamy. De l'engagement de cette amie elle dira: "Elle était une battante et elle était sur tous les fronts. Elle a beaucoup œuvré pour les enfants, pour la famille, pour l'avancement de la femme rodriguaise et sans compter son combat en faveur de l'autonomie de l'île. Que ce soit dans le domaine professionnel ou sur le plan social, elle a travaillé avec son cœur. Elle est partie trop tôt car elle avait encore beaucoup à donner à Rodrigues et à la République de Maurice."

Michel Boullé (prêtre à Rodrigues de 1975 à 1986):
"Une personne exceptionnelle"

"C'est une personne qui avait une grande intelligence, très brillante et exceptionnelle même, je dirais. Elle était capable de remettre en question ses allégeances politiques et ecclésiales. Même si elle était très engagée au sein de l'Eglise, elle n'était pas un béni-oui-oui et elle était critique. Je crois que c'était là sa puissance et sa force".

Gilberte Chung (directrice du BEC):
"Jusqu'au dernier moment à fond dans son travail"

"Nous avons été informés de sa maladie en début de semaine mais personne ne s'attendait à ce qu'elle nous quitte aussi vite. Jusqu'au dernier moment, elle s'est donnée à fond dans son travail. La semaine d'avant, elle nous a envoyé le programme détaillé de la célébration des 100 ans de l'éducation catholique à Rodrigues et elle préparait cet événement avec beaucoup de soin. Son départ est une grosse perte pour l'éducation catholique mais aussi pour la communauté à Rodrigues. Nous allons beaucoup la regretter. Même si on dit que personne n'est irremplaçable, je crois que cela va être très difficile de la remplacer aussi vite. Nous présentons nos sympathies à la famille et à toute la population à Rodrigues."

Lysie Ribot (enseignante):
"Frappée par son intelligence vive et sa sagesse"

"J'ai beaucoup discuté avec elle, non pas en tant que syndicaliste mais par rapport au domaine du social à Rodrigues. La dernière fois que nous nous sommes vues, elle m'a fait part de sa préoccupation au sujet de l'augmentation du taux de grossesses précoces dans l'île. À chaque fois que j'ai eu l'occasion de lui parler, j'ai été frappée par son sens de l'écoute, son intelligence très vive et sa sagesse. Je lisais aussi attentivement les interviews qu'elle accordait à la presse. J'ai pu constater que le combat pour le bien-être des Rodriguais faisait partie intégrale de sa personne. Elle était très sensible à tout ce qui touche à l'éducation des jeunes Rodriguais et elle disait que sa plus grande bataille a été de faire prendre conscience aux parents rodriguais de l'importance de l'éducation de leurs enfants. Je ne doute pas une seconde que si elle était encore parmi nous, de par sa fonction de manager de la RCEA Rodrigues elle aurait grandement contribué à l'avancement et l'amélioration du secteur éducatif dans l'île."

Mario Jolicœur (CDMO):
"Une semeuse d'espérance"

"Je voudrais remercier Antoinette, grande Dame de la Republique de Maurice, de Rodrigues, d'Agalega et de Diego Garcia. Respectueuse de toutes les formes de convictions, pourvu quelle soient humanistes et ouvertes au dialogue, Antoinette m'a appris à dédramatiser la mort. Antoinette, semeuse d'espérance traduit l'évangile: "Bizwin ki la grin may mor pou ki lezot zepi sorti ek gayn boukou la grin may" ".

Raoul Lucas (La Réunion):
"Une perte inestimable"

"Le grand-départ d'Antoinette Prudence constitue une perte inestimable pour les siens, pour Rodrigues, son île, et pour toutes les îles indianocéaniques.

Femme de Foi, d'une Foi inébranlable et rayonnante en l'Homme, nous te saluons Antoinette!

"Tes combats à Rodrigues, à l'échelon des pays de l'océan Indien et plus largement au niveau international ont fait de toi une ambassadrice inlassable et convaincante pour un monde plus juste, plus solidaire, plus fraternel.

"Nous qui avons eu le bonheur à Rodrigues, à ton Centre, à Carrefour, au Rodrigues Local Council, au CAFOC, à la Réunion, avec l'université de Paris 8, à l'Université des Mascareignes, dont tu travaillais sur un projet de relance, de bénéficier de la fulgurance de tes avis et conseils et de ta totale disponibilité nous te disons Merci et Fidélité!

"Au nom de nombreux amis de la Réunion et de l'Université de Paris VIII et en mon personnel je présente à tous les tiens nos condoléances les plus vives".

Antoinette Prudence:
œuvrer pour Rodrigues jusqu’au dernier souffle

Antoinette Prudence est morte à 54 ans. Une vie passée à tenter de faire progresser son île. Par le biais de l’éducation et des démarches pour l’autonomie.

Rodrigues est en deuil. Marie Antoinette Prudence, 54 ans, très connue à Rodrigues comme à Maurice, a rendu l’âme aux soins intensifs de l’hôpital Jawaharlall Nehru de Rose-Belle vers 14 h 20 hier. Elle y avait été admise le mercredi 28 mars 2007.

Antoinette Prudence avait été faite Commander of the Star and Key par la République de Maurice dans le cadre de la célébration de l’indépendance. Elle avait été la présidente du Rodrigues Local Council en 1992 et en 1996, on lui avait même proposé d’être ambassadrice de Maurice à Paris. Mais elle avait décliné la proposition, souhaitant continuer à travailler pour Rodrigues. Elle faisait d’ailleurs partie d’une délégation dirigée par l’ancien juge Robert Ahnee, partie à Trinidad et Tobago en quête d’un modèle d’autonomie pour son île.

Pendant cinq ans, Antoinette Prudence avait été la secrétaire générale du mouvement international de l’apostolat des enfants à Paris. Elle était par la suite devenue présidente de cette même organisation à Rodrigues. Elle était aussi à la fois directrice du centre Carrefour et directrice du conseil d’administration et manager de la Roman Catholic Education Authority à Rodrigues. Elle avait débuté sa carrière dans le professorat dans les années 70.

Avant que le corps d’Antoinette Prudence ne soit rapatrié à Rodrigues aujourd’hui, une cérémonie religieuse présidée par l’évêque de Port-Louis, Mgr Maurice Piat, aura lieu à midi en l’église de St-Patrice, à Plaine-Magnien. Le jour des funérailles d’Antoinette Prudence n’a pas encore été fixé.

C’est dans la soirée de mercredi qu’Antoinette Prudence a été évacuée à Maurice par une équipe médicale venue la récupérer à Rodrigues. Lundi dernier, ayant eu une poussée de fièvre, elle s’était rendue au centre de santé de La Ferme où des soins lui avaient été prodigués. Elle était ensuite rentrée chez elle, à Papayes-Maréchal. Mais tôt le lendemain matin, elle devait de nouveau se rendre au centre de santé, se sentant toujours mal et étant prise de nausée.

“Mo pe al rod mo lavi”

Son état de santé devait empirer. Bien qu’étant consciente et pouvant marcher, il s’avère que son état nécessite une hospitalisation. Elle est donc conduite à l’hôpital Queen Elizabeth, à Crève-Cœur où elle est admise. La décision est toutefois prise, en raison de la détérioration de sa santé, de la faire évacuer à Maurice pour une hospitalisation d’urgence. Une équipe du Service d’aide médicale d’urgence, menée par le Dr Poorun est dépêchée à Rodrigues.

En raison de problèmes techniques, l’avion a décollé de la piste de Plaine-Corail vers minuit. Arrivée à l’hôpital Nehru, Antoinette Prudence a été admise à l’unité des soins intensifs. Elle devait succomber quelques jours plus tard à une septicémie provoquée par une infection pulmonaire.

Alors qu’elle prenait place à bord du vol d’Air Mauritius en partance pour Maurice, Antoinette Prudence avait dit cette phrase à ses sœurs Elianne et Marie-Paule: “Mo pe ale rod mo lavi.” Et elles ne l’oublieront jamais. Elles n’auraient jamais cru que c’était la dernière fois qu’elles la voyaient vivante. Dimanche dernier, relatent-elles, accablées, “li ti byen. Nou ti al lames ansam apre nou manze”. Antoinette était diabétique mais elle suivait son traitement et faisait son check-up médical.

Sa maladie a été très brève, confie Marie-Paule. Elle et sa sœur Elianne, 62 ans, sont hébergées chez une connaissance à Ville-Noire, Mahébourg. Elles regagnent Rodrigues aujourd’hui avec la dépouille d’Antoinette. Elles gardent de leur sœur le souvenir d’une femme qui s’est toujours dévouée pour sa famille comme pour la société rodriguaise. Elle était, disent-elles, amusante et avait bon caractère. Selon ses sœurs, “proze ki pa finn realize pou li se fet santan lekol katolik RCA dan Rodrig dan moi out”.

Antoinette Prudence était issue d’une famille de huit enfants: sept sœurs et un frère aîné, Rock. Son père, Léon, ancien contremaître du ministère de l’Agriculture, est mort depuis bientôt 37 ans. Sa mère, Elise, fêtera ses 94 ans le 15 novembre.

Née à Petit-Gabriel, Rodrigues, Antoinette Prudence a été élève à l’école primaire Sainte-Famille RCA, Latanier, Rodrigues. Elle a ensuite fait ses études secondaires au Rodrigues College où elle a obtenu son School certificate. Par la suite, elle s’est rendue à l’île de la Réunion où elle a décroché une licence en éducation à l’université de Paris VIII.

Homaz Antoinette Prudence

par Jean Rex Casimir

Rodrigues

Viré monté