Pour tous ceux qui l’avaient connu durant plus de cent vingt années, il dût s’avérer incroyable qu’en 1965, on ait pu démolir un tel bâtiment pour en reconstruire un aussi laid que celui que nous connaissons aujourd’hui.
Construit vers 1840, cet édifice majestueux, à la façade ornée de subtiles colonnes toscanes, au fronton garni d’une fine frise dentelée, le toit couronné d’un campanile décoré d’une horloge et lui-même surmonté d’un clocher, ne manquait pourtant pas d’allure … Sans compter les magnifiques jardins aux arbres tropicaux qui séparaient le bâtiment de la rue, une grille splendide et d’un travail de ferronnerie qui n’eut d’égal que celui de la grille d’entrée du jardin des Pamplemousses, l’ancien Hôtel d’Europe, devenu Hôtel de ville de Port-Louis n’aurait jamais du disparaître.
Construit vers les années 1840, l’Hôtel d’Europe fut, avec l’Hôtel de l’Univers (quant à lui situé sur le site actuel du Mauritius Institute), l’ancêtre de notre industrie touristique. Dès 1848, lors des revendications autonomistes concernant l’élection d’une municipalité pour la ville, la plupart des réunions, dès lors qu’elles concernaient un nombre important de participants, se tinrent en cette demeure qui seule, possédait un salon suffisant.
Dès 1852, lorsque Louis Léchelle, premier Maire, déposa une demande d’achat de l’Hôtel du gouvernement par la municipalité, il s’avérait déjà que les problèmes d’espace préoccupaient l’édilité. Le gouverneur Macaulay Higginson, nullement hostile à cette idée initia des démarches auprès de la municipalité à seule fin que celle-ci acceptât d’amender son offre pour la rendre plus acceptable d’un point de vue financier. Elle refusa et le Conseil du Gouvernement finit par faire de même.
Le premier Hôtel de ville, situé à la rue du Rempart avait, depuis 1857, montré de nombreux signes de décrépitude. C’est dès 1861, que le Conseil municipal fut saisi d’une proposition pour la vente à la corporation, du fameux Hôtel d’Europe et des bâtiments attenants, pour la somme de 70'000 $. Le conseil, judicieusement, confia à l’architecte de la ville, Ernest Merle, ainsi qu’à Félix Target (père), ingénieur indépendant, la tâche d’évaluer les dits bâtiments. Leur rapport fut déposé devant le conseil le 12 juin suivant. Le comité des finances et celui des travaux publics, appelés eux aussi à faire connaître leur avis conclurent cependant à l’unanimité que la proposition devrait être rejetée du fait de la surévaluation du prix par le propriétaire, Martin-Moncamp et cie, comparée à celui préconisé par la commission Merle-Target. Le 17 septembre 1861, les discussions sur la proposition furent donc ajournées.
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Hôtel de Ville de Port-Louis. |
Cependant, dès 1864, le maire Hippolyte Lemière devait remettre la question sur le tapis, la nécessité de trouver un nouveau bâtiment devenant impérieuse. Durant les séances du 30 juin et du 4 juillet 1866, les comités des finances et des travaux publics eurent à nouveau une sérieuse proposition à étudier. Les nouveaux propriétaires Charles Salaffa et Ernest Jourde, mandataient le courtier E. Preaudet d’une offre pour la somme de 75'000 piastres aux conditions accommodantes.
Les quatre motifs suivants décidèrent cette fois la municipalité:
- Qu’il est convenable, sous plus d’un rapport, que l’Hôtel de Ville de Port-Louis soit situé, autant que possible, au centre de la ville;
- Que l’immeuble offert par M. Preaudet est dans cette condition et suivant les conventions, doit être dans un parfait état de réparations;
- Que comme commodité, cet immeuble présente des avantages qui ne se rencontrent pas facilement.
- Et qu’il est assez spacieux pour contenir les bureaux de la municipalité, ceux de la commission locale de santé, le matériel de nos établissements de travaux publics et des pompes à incendie et aussi notre bibliothèque.
Le prix devait être ramené à 60'725 piastres et le marché fut conclu le 9 août 1866. Seize années plus tard, la municipalité s’installait dans le vieil hôtel où eurent lieu les premières agitations politiques à revendication autonomiste. En septembre 1867, la municipalité se dotait d’un nouveau mobilier.
L’immeuble, détruit en 1965 et à une année près, ne put donc fêter la commémoration du centenaire de l’installation de la municipalité en son sein.
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