Potomitan

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Commémoration du 24 décembre 1854
au monument de l'arrivée indienne
à Pointe-à-Pitre

Jean S. Sahaï

 

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Premier jour - Photo F.Palli

Nwélo! Nwélo! Qu'il est bon le divin'enfant! Tel fut sans doute le cri de joie des planteurs euro-chrétiens de nos habitations cannières en ce Noël de l'an 1854. En effet, le 24 décembre de ladite année accostait à la darse de Pointe-à-Pitre le navire voilier "L'Aurélie" après une longue et périlleuse traversée océanique.

La cargaison de 314 paires bras de l'Inde qui en descendit allait se plier pour permettre de perpétuer l'exploitation de la canne en Guadeloupe, en remplacement du bois d'ébène qui avait 8 ans plutôt conquis sa liberté. En cette période de pois de bois, signalons pour la petite histoire qu'une quarantaine d'entre eux sera envoyée sur les habitations de Marie-Galante. Ce qui frappait mercredi dernier 24 décembre 2008 au monument de la Première Arrivée Indienne, c'était l'arc-en-ciel ethnique constitué par la petite foule venue marquer le 154è anniversaire.

Commémoration du 24 décembre 1854 Commémoration du 24 décembre 1854
Commémoration du 24 décembre 1854 Commémoration du 24 décembre 1854

Photos J.S.Sahaï

Descendants de bras d'ébène, de bois d'Inde, touristes et gens de tous brassages se côtoyaient, tant parmi les célébrants que la foule des passants qui marquaient l'arrêt, surpris par les sons et les couleurs qui faisaient vibrer un monument bien placé, mais quelque peu à l'étroit dans son enclos.

On ne fêtait pas une race, mais un apport, une culture, une foi, qui se partagent avec tous. Tous présents semblaient animés d'une même appréciation pour cette petite festivité pleine de signification qui a lieu chaque année depuis l'inauguration du monument le 23 Janvier 2005, retardée à cause d'un fait sismique en décembre 2004. Discours simple, M. Cheddie Sidambarom, maître de conférences à l'UAG, fait un rappel historique, nécessaire, car le détail de l'immigration indienne est toujours gravement absent de nos manuels scolaires. Pour pallier, la plaque du monument indique que 42.326 travailleurs de l'Inde arrivèrent à la Darse de 1854 à 1889, que parmi eux, 24.891 périrent, notamment de mauvais traitements, et que 9.460 retournèrent en Inde.

Pandit Elie Shitalou officie un rituel simple mais émouvant - lever de flamme, fleurs, fruits, benjoin au monument à la mémoire des ancêtres franchisseurs d'océans.  M. Maurice Mardivirin, frêle mais solide octogénaire canalien, chante un profond chant traditionnel en tamoul.  Les danseuses de l'association Padma de Petit-Canal exécutent, sur un enregistrement de musique traditionnelle indienne locale, des pas ancestraux heureusement préservés, de même que les danseuses traditionnelles d'Annick Ragouber.  Il est réconfortant pour tout un chacun de voir ici présentes cinq à six générations, et la communion de toutes les composantes pour honorer l'apport de l'Inde à notre culture pays, à la collectivité toute entière.

On aura vu en effet côte à côte un Eliézère Sitcharn, président des Amis de l'Inde, un Jaques Sidambarom, descendant direct de celui à qui les Indiens doivent leur sortie de l'apatridité, un Luc Reinette, une Evelyne Pauline, un Yvon Coudrieu, rescapé des dramatiques événements de 1967, la noble Madame George Tarer, représentant la municipalité, la presse, RFO... et de nombreux passants et touristes. Tous ont rehaussé de leur présence un événement dont la jovialité, l'esprit de famille et l'ouverture n'auront échappé à personne. Et c'est un front uni de tous grades et qualités qui s'est dirigé vers la mer pour y déposer non sans émotion, quelques fleurs et pétales. A travers l'espace et le temps c'est la reconnaissance de la Guadeloupe à ses enfants venus des océans lointains, saluée d'ailleurs aussitôt par un bref grain de pluie.

Quant à la "petite collation" qui a clos l'événement, pour employer l'humble mot de Fred Négrit, présentateur émérite de cette commémoration et Président du Centre Guadeloupéen pour la Promotion des Langues Indiennes, ce fut un délicieux régal de vadè, pannialon, loti... qui n'a laissé aucun palais indifférent.

Comme si Dieux et Déesses, en cette période de boire et manger, nous rappelaient que les papilles de la nation seront toujours garantes de son unité.

Premier jour - Photo F.Palli

 Viré monté