S’il fallait recenser la concentration des conteurs  qui font cramper de rire leur entourage en Haïti, les autorités en charge seraient tout simplement débordées. Chaque famille transporte comme une tare un oncle, une tente, un frère, un père, une petite sœur qui performe en faisant rire la galerie. Pourtant, le genre comique n’a été exploité que dans des rares exceptions: Langlichat Débordus, Alcibiade, Tonton Bicha, font  exception à la règle par leur méga influence, car le domaine du rire, pourtant très prometteur, a toujours demeuré à l’état végétatif, de façon générale. Personne au paravent n’avait pensé à rentabiliser cette ressource naturelle sur une grande échelle. Ce qui revient à dire que le Québec n’a pas la prétention de nous apprendre à RIRE, mais nous permet de gérer avec éloquence le potentiel de notre humour. Et pourquoi ne pas convertir le SENS DE L’HUMOUR EN GROS BON SENS…

Les aptitudes propres à l’humour et à la drôlerie sont faciles à déceler. Une mémoire phénoménale, un sens d’observation aigu, l’aisance de jongler avec des demi-vérités, et bien sûr, une renonciation totale à la timidité. Selon moi, voilà le profil d’un humoriste: celui qui a le pouvoir de tirer avantage de n’importe quelle situation…

HaHaHaiti, quel beau spectacle! Particulièrement bénéfique pour Haïti ! Avis d’un spectateur.

Comme tout le monde, j’ai entendu circuler, au début du mois de janvier 2013 un projet d’instauration d’une École de l’humour en Haïti, parrainée par l’École  nationale de l’humour de Montréal et le Festival Juste pour rire. Malgré les avis divergents, les  commentaires  peu optimistes, j’ai instantanément acquiescé  à l’idée, espérant qu’on puisse organiser l’humour haïtien et enfin  le rentabiliser. Personnellement, je ne pouvais pas espérer un meilleur encadrement que le Québec en tutorat, un secteur dans lequel les organisateurs règnent en maîtres et excellent année après année à travers un concept gagnant: JUSTE POUR RIRE.

L’École Nationale de l’Humour de Montréal en tenue de service

Il y a lieu de croire que l’alliance axée sur le développement du domaine de l’humour en Haïti est sérieuse. Les autorités des deux pays sont déterminées à rentabiliser leurs efforts. La liste des promoteurs et collaborateurs en charge du projet est impressionnante. Madame Louise Richer, Directrice de l’École Nationale de l’Humour,  le porte-étendard du projet, le célèbre écrivain, Dany Laferrière, le Consul Général d’Haïti à Montréal, Monsieur Justin Viard, une des têtes pensantes du projet, sans oublier la cohorte d’artistes participants qui ont déjà fait leur preuve. Rappelons que le Ministre des Relations internationales, Jean-François Lissée était présent. Son allocution visant son support moral et économique a fait écho autant que la remarque de  Dany Laferrière faisant un rapport direct entre le nom de famille du ministre et le principal point d’intérêt d’un auteur. ’’LISEZ’’ À l’impératif. C’est ce que souhaite tout écrivain a-t-il lancé à la blague…

Chaque  artiste supporteur réuni  sur le podium du spectacle-bénéfice, le dimanche, 21 juillet 2013, au  Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts, représentait une tête d’affiche d’envergure: Rachid Badouri, un animateur hors pair, l’incorrigible Anthony Cavanagh, invité surprise, l’audacieuse Dorothy Rhau, l’exubérant Mike Ward, le surprenant Eddy King, sans oublier  Adib Alkhalidey, Gabriel D'Almeida Freitas, qui ont fait leur place dans le cercle de l’humour québécois.

Au Québec: l’expérience des bonnes recettes d’humour approuvée

Faut-il nommer toutes les émissions de variétés à succès pour convaincre les septiques de cette  société enjouée ? Tout comme  la prédisposition comique des artistes, il faut une certaine propension à l’humour des spectateurs. Les québécois sont en grande majorité des adeptes du rire. La production de plusieurs séries télévisées-cultes témoigne de l’offre et de la demande. Casse-tête avec Daniel Lemire, Rira bien  (André Montmorency et Paul Houde), la petite Vie, Un gars et une fille, Surprise  sur prise (Marcel Béliveau),  Les parlementeries,  Peut contenir des rachids, Dieu Merci, Piment Fort, la Fin du monde est à sept heures, les bye bye traditionnels de fin d’année. Ce n’est qu’un petit bilan exhaustif d’un gigantesque répertoire de l’humour québécois. Les vrais accros de l’humour ne comptent plus le nombre de leurs idoles respectifs.

Le reflet d’une histoire de réussite

 Un simple Festival International de l’Humour instauré à Montréal en 1983 est transformé en industrie de l’humour, répartie en Musée de l’humour, L’école Nationale de l’humour qui génère le Festival Juste pour Rire intimement lié aux comédies du théâtre Juste pour Rire, un événement annuel incontournable.

 Il s’agit ici de citer en reconnaissance des personnalités emblématiques d’un réseau de performance: Gilbert Rozon, le dirigeant du Festival Juste pour Rire; Guy Laliberté, patron du Cycle du Soleil;  René Angelil, gérant de la Star planétaire Céline Dion. Trois gestionnaires du Show bisness  représentant donc des icônes  de la réussite  du Québec, ayant la main heureuse. Pour toutes ces raisons, la perspective d’une initiative de mentorat est généreuse, d’une part, et ne peut être que bénéfique pour Haïti d’autre part.

L’humour québécois: est-il de nature contagieuse ou tapageuse?

Pour faire école dans  quelque domaine que ce soit, cela sous- entend un vaste champ de connaissances et d’expériences. Les consommateurs, pour leur part, ont tout intérêt à approfondir le sujet, s’ils veulent cerner  toute la complexité qui en découle. Pierre Desproges, avait-il raison d’avancer: ’’On peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui.’’  Comment interpréter cette pensée venant d’un humoriste téméraire! On peut  obéir à l’action de rire en toute liberté, tout en faisant attention au niveau de tolérance des autres.

À bien y penser, l’humour québécois s’apparente à l’action de jeter constamment de l’huile sur le feu. Chose curieuse, les humoristes ont particulièrement cette manie de s’acharner sur les personnalités qu’ils tiennent en estime. D’ironie en satire, de moquerie en raillerie, leurs victimes n’y échappent pas. À titre d’exemple, une grande partie de la carrière de Claudine Mercier, une redoutable humoriste, est basée sur le dos de Lise  Watier, femme d’affaires et personnalité du monde  de la beauté et de l’esthétique!

Il n’en demeure pas moins vrai que ces artistes ne sont pas insensibles aux questions existentielles qui concernent leur profession. D’ailleurs, plusieurs sont souvent en proie à des scandales, suite à leur prestation. En 2009, la journaliste Michelle Coudé-Lord  s’est résolue à leur  soumettre plusieurs questions relatives à une circonstance de dérapage. Et voici ce que Rachid Badouri a émis par rapport au choix de ces sujets:

Quels sont les sujets les plus délicats?

R. Pour moi, la religion, les handicapés, et tous les sujets qui font d’innocentes victimes.

Guy Nantel a répondu ceci quant à la question suivante:

As-tu déjà été victime de censure?

R. Moi, ceux avec qui je collabore sont avertis... Je parle de tout, laisse-moi juger. Si un de vos commanditaires fait l’actualité, j’en parlerai. Je n’ai pas de tabous. Aux diffuseurs, je leur dis, laisse-moi le dire et tu décideras si tu le gardes ou pas. Les diffuseurs prennent trop souvent pour acquis que les gens n’aimeront pas ça. Et ça leur prend quatre plaintes pour penser que la planète est contre toi. Faut pas virer fou non plus. Pour le Bye bye par exemple, ce n’est pas le plus grand de l’histoire, mais pas pour réclamer la peine de mort pour les humoristes qui l’ont fait.

L’humoriste Laurent Paquin témoigne pour sa part d’une expérience fort encombrante.

Un sujet que vous regrettez ou qui a reçu l’accueil inverse de ce que vous espériez? 

R. Un sketch sur la cigarette. Ma partenaire de scène arrivait costumée en cigarette pour me tenter de recommencer de fumer. Elle ne pouvait même pas dire son texte tellement le public la huait. «Va t’en, laisse-le tranquille...» Les gens n’acceptaient pas que la cigarette essaye de m’envoûter. On l’a fait deux soirs et on a dû abandonner. Impossible de livrer le texte.

Sentez-vous plus de pression depuis le dernier Bye bye?

Mike Ward se prononce.

R. L’humour est tellement populaire au Québec que même les gens qui n’ont aucun sens de l’humour nous écoutent. Quand tu attires un public trop large, c’est sûr que tu vas avoir du monde qui ne comprend pas tes gags. L’humour ce n’est pas fait pour tout le monde. Si tu es le genre de personne qui se choque facilement, quand tu me vois à la télé, s’il vous plaît, change de poste.

Difficile d’être humoriste a-t-elle demandé à Franck Dubosc?

R. On ne peut pas rire de tout et tout est une question de timing. J’éviterai un sur les avions, s’il vient d’avoir un écrasement, comme c’est le cas avec ce Boeing d’Air France. Je penserai aux familles. Mon but est de divertir, pas de choquer. Stéphane Rousseau et moi avons trouvé le bon ton, je crois. Et le public ne s’ennuie pas. Tout se fait dans un respect mutuel. Il faut éviter de faire des bêtises et d’aller trop loin.

L’humour c’est important dans une société?

R. Le rire soigne, fait du bien. Nous devons être des libres penseurs et être responsables. Nous sommes de grands garçons, à nous de savoir quand on doit s’arrêter. Et le public nous le rappelle très vite quand nous ne sommes pas drôles. Au fait, on doit sagement apprendre à se censurer et s’assurer qu’à la fin les gens auront ri, beaucoup ri et ne seront pas choqués.

On peut retenir de l’élite de l’humour du Québec l’agilité et la dextérité d’exploiter à maintes occasions des sujets sensibles, de façon si intelligente, dictée par leur talent naturel qu’elle parvienne à attirer en dépit de la témérité de leur humour absurde, burlesque, humour noir, cynique, souvent même méchant, un immense capital de sympathie du public.

Parmi les irrésistibles, on compte: Jean Lapointe, Clémence Desrochers, Yvon Deschamps, Dominique Michel, Denise Filiatraut, André-Philippe Gagnon, Stéphane Laporte, Daniel Lemire, le groupe Rock et Belles Oreilles, Gilles Latulipe, Claude Menier et Serge Thétrault, Lise Dion, Pierre Légaré, Claudine Mercier, François Morency, Marie-Louise Pilote. Le groupe Sangain, Stéphane Rousseau, Anthony Kavanagh, Rachid Badouri, Laurent Paquin et tant d’autres.

En ce qui concerne  toutes ces figures dominantes, leurs admirateurs redoutent toujours qu’elles soient sur la liste noire, lorsqu’elles abusent de la liberté de parole. Pourtant, elles ne cessent d’élargir leur audience même dans leur parfaite insoumission.

A l’extrême gauche: Jorj, un ingénieur conteur. Il évolue autant en solo qu’en groupe. Ses partenaires sont Kako et Ashley, avec lesquels il forme un trio nommé KAJ.-  Cynthia vêtue de couleur orange est médecin, comédienne (Les monologues du Vagin). Récemment orpheline de père, elle retient le cirque funéraire comme sujet de sa prestation à Montréal.-  Christina Guérin au centre, est comédienne. Elle se penche sur les noms et les prénoms haïtiens. Au bout à droite, Jean Samuel André, le plus jeune de l’équipe qui affiche sa hardiesse  en ne ménageant rien ni personne à partir de ses observations.

Une performance de pro sur l’estrade montréalaise

Les quatre pionniers sélectionnés préalablement par la directrice de l’École nationale de l’Humour, Madame Louise Richer, lors de sa visite à Port-au-Prince, ont fait bonne figure sur les planches du Théâtre Maisonneuve.

Un message d’humour respectif a été livré sans l’enveloppe encombrante de la compétition, ce qui a donné une dimension de prestance et de distinction à chacun des humoristes. Un élément subtil pouvait permettre de mesurer leur potentiel de messager. Leur espace d’évolution était décoré de quatre formes symbolisant la PERLE, dérivée du  slogan: Haïti, Perle des Antilles.Les images de chacun des humoristes décrivent une ambiance d’étonnement, de questionnement, de revendication et d’émerveillement.

Un événement exempt de rumeurs: des constats.

Parmi les manifestations de mobilisation et de sensibilisation, rattachées à la promotion du développement culturel et économique de la République d’Haïti, on se souviendra de cet événement  comme étant couronné de succès. D’une part, le public a répondu en grand nombre. Et d’autre part, les artistes ont fait valoir leur talent; tout cela, grâce à la compétence et l’expérience convergées des organisateurs.

 Source des propos: Journal de Montréal. Une soirée de l’envergure de HahaHaïti ne s’organise pas sans relationniste. Jean-David Pelletier, directeur des relations de presse à Juste pour rire, et Mérès Weche, responsable de la Section culturelle et communication du Consulat, ont contribué au succès de l’événement.

 

Ce qu’il faut savoir  des quatre artistes

	Parmi les six interprètes qui assuraient la prestation de la populaire pièce MONOLOGUE DU VAGIN (PAWOL CHOUCHOUN)1, Cynthia Jean Louis en faisait partie. Une empreinte d’audace à caractère social, compte tenu de la profession initiale de la jeune dame en médecine. On peut prédire qu’elle fera école à travers les choix de ses sujets de combat.
	Christina Guérin évolue dans le domaine théâtral depuis sa prime jeunesse. Protagoniste de premier plan de la série culte: Woy! les voilà! Elle  est devenue, par la force des choses, une enfant de la radio, des scènes et de la télé.  D’après ses propos, lors d’une entrevue après sa performance le 21 juillet dernier, elle a l’intime conviction que l’humour est sérieux comme métier.
	Jean Samuel André le plus jeune des humoristes a misé gros, en affichant une personnalité que la critique a vite fait de qualifier d’arrogance. Si ses observations et remarques persistent à être aussi pointues, on ne tardera pas à le cataloguer parmi les humoristes à tendance intello. Sa déclaration concernant la forme géographique du Québec lui a valu le grand titre de la BLAGUE DU JOUR au quotidien La Presse.
	Jorj Wapkonn de son nom de scène, est avant tout un ingénieur électrique. Doté d’une remarquable énergie électrisante sur scène, homme de collaboration, il forme un trio avec deux autres artistes, dont Kako, un conteur vedette dans le domaine de l’humour. De plus, il est partenaire d’affaires avec son alter ego Christina Guérin. Les deux humoristes gèrent également une boîte de Publicité.

Note

1. LES MONOLOGUES DU VAGIN FAIT PLACE À «PAWÒL CHOUCHOUN»
   En primeur à Montréal!!! Version haïtienne: 70% en français et 30% en créole.
    
   Auteur: Eve Ensler –Adaptation et mise en scène: Florence Jean Louis Dupuy (Fondation Fabienne Colas, dans le cadre de l’événement Haïti en Folie Juillet 2009)

 

Viré monté