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Rythmes, couleurs et nuances
dans l’œuvre picturale de
Jean Salomon André

5e Accord (Mon Coup de Coeur Esthétique)

Par Marie Flore Domond

 

Le CEGEP de Saint-Laurent:
Tremplin du vernissage
D’un ancien étudiant
Jean Salomon André
Témoigne
De son appartenance, de sa fierté
Et de sa reconnaissance

«Dieu écrit droit avec des lignes courbes.»
(Auteur anonyme)

 

 

Assotor 2012

assotor

La Semaine Québécoise des Rencontres Inter-Culturelles au Cégep de St-Laurent a eu lieu, du 29 septembre au 4 octobre 2013. Et ce n’est pas par pur hasard que cette date entourant l’événement figurait sur le calendrier du peintre Jean Salomon André comme exposant exclusif. Jean Salomon André y a décroché un diplôme en Lettres, avant d’entamer des hautes études en Arts visuels à l’UQAM.

L’actuel résident torontois est venu partager sa passion avec le personnel de l’établissement, ainsi que le grand public qui était convié. L’immense hall d’entrée était orné en solo de ses oeuvres datant approximativement de 2005 à 2013.

Le devoir d’un graphiste consiste, en partie, à protéger la propriété intellectuelle de sa clientèle, ce qui n’empêche pas à Jean Salomon André d’arborer l’idée du savoirfaire intellectuel, artistique et technique redistribué. Deux actions importent dans cette initiative: faire appel à la RECONNAISSANCE, en donnant suite, et faire preuve de GÉNÉROSITÉ de l’être, en donnant au suivant; ce qui traduit bien l’aspiration de la TRANSMISSION.

Alors que le principal intéressé était retenu à une interminable séance de questions, un jeune étudiant en Sciences de la nature voulait savoir si les œuvres venaient directement d’Haïti. Je lui ai répondu que l’artiste d’origine haïtienne est un ancien étudiant tout comme il l’est à présent. A la différence qu’il était dans le domaine de la création, une discipline autre que les mathématiques et la physique, qui sont des sciences exactes. En échange, j’ai eu droit à un beau sourire d’acquiescement.

Jean Salomon André fait partie des artistes qui ont du mal à rompre le pont avec les pionniers, leurs prédécesseurs, leurs précurseurs, bref, ancêtres et mentors. Il a d’ailleurs lancé un avis de recherche concernant un de ses professeurs qui lui avait enseigné la peinture à ses débuts; il s’agit de Georges Dupuis et Raoul Dupoux, et le second est connu comme l’illustrateur d’un des ouvrages de la géographie d’Haïti. Jean Salomon André attribue son succès d’aujourd’hui à tous les enseignants qui ont progressivement forgé son parcours favorable. A cet effet, l’artiste caresse un ambitieux projet de rédemption, visant à constituer un temple de la renommée pour les bâtisseurs distingués de la culture haïtienne, tels que Monsieur Dupuis qui, pourtant demeurent méconnus, quand ils ne sombrent pas tout bonnement dans l’oubli.

Inspirations et codes de la subtilité

A l’issue de l’exposition individuelle de l’artiste Jean Salomon André, cinq tableaux ont été sélectionnés en raison de leur interdépendance, notamment les éléments iconographiques qui les lient. A première vue, ASSOTOR décrit le décor ordinaire d’un couvert à caractère folklorique, tandis que l’artiste affirme une révélation qui va au-delà du visuel. Je suis parvenue à découvrir les codes cachés des cinq créations à coup de curiosité et de questionnements:

Monsieur Salomon, vous nous signalez que cette pièce en particulier a fait l’objet d’impressions très élogieuses de la part d’un critique d’art. En ce qui me concerne, je la trouve particulièrement surchargée d’éléments. Existe-t-il une raison spécifique à cela?

Justement, les quatre tableaux que je vous nomme par ordre de création sont d’inspiration transcendantale: ASSOTOR, INITIATION, RARA et RÊVE. Effectivement, vous avez vu juste. De nombreux éléments qui ont rapport au rassemblement et à la communication s’y trouvent. Un des éléments majeurs, le tambour Assotor, comme vous le savez, est un instrument africain qui servait d’outil de communication entre les nègres marrons. Ensuite, le lambi, la cloche, le sifflet, l’asson, la lampe, le gobelet, la bouteille de grog, le plateau à pain, la tasse, autant que la cafetière, représentent un ensemble d’objets associés au regroupement, la concertation, le ralliement, la manifestation, en somme, la rencontre de la masse en quelque sorte. Cependant, si le tambour projette un élément majeur de la pièce, ce n’est pas l’idée principale que je voulais émettre. Il y a un élément dominant mais subtil. J’irai même jusqu’à dire que l’élément en question prédomine. Il s’agit de la figure féminine. Le visage de la créature reflète doublement sur plusieurs accessoires quand on y porte une grande attention. Je voulais exprimer ainsi toute l’importance de la femme dans la culture haïtienne; car la femme joue un rôle protecteur et de conservation de la culture.

Pour moi, il n’y a pas de doute, c’est le sens vivant de l’œuvre, mais qui se manifeste en expression muette au yeux du public…

INITIATION est une copie d’un tableau original que j’avais réalisé en 1987. L’œuvre étant perdue, c’est donc grâce à la photo initiale que je l’ai reconstituée.

Malgré la tonalité qui se répète dans les éléments, la pièce a été créée à partir d’une sombre histoire d’abus sexuel qui résulte d’un règlement de compte à l’égard de l’agresseur qui subit une justice punitive. C’est le rituel funéraire qui est décrit dans cette scène.

 

Initiation 2013 

Initiation
RARA m’a valu le prix du jury: EXCELLENCE EN ACRYLIQUE au Festival des Beaux-Arts de Mont-Carmel à Niagara Falls, Ontario Canada, au mois d’août 2013. Les nombreux commentaires suscités par ASSOTOR et INITIATION n’ont pas suffi à freiner mon élan sur la thématique de L’AFFLUENCE interprétée par certains observateurs tout comme vous en terme de MULTITUDE. Il me restait encore des choses à exprimer à ce sujet.L’idée d’une force de création à travers une production locale m’a effleuré l’esprit. Par contre, plusieurs concitoyens m’ont reproché la toile de fond représentant le drapeau bicolore rouge et bleu. Selon certains, noir et rouge devraient s’imposer comme étant le drapeau authentique d’Haiti. À ce débat historique, je m’inscris en faux en tant qu’artiste. Je demeure fidèle aux symboles qui m’interpellent comme les éléments rassembleurs; le bleu du ciel d’Haïti auquel je rêve chaque jour, le rouge qui symbolise le sang de nos héros, le sang des disparus sous les décombres du dernier tremblement de terre de mon pays natal et la FEMME.., La femme qui doit faire face à tous ces assauts pour survivre et faire vivre des fois toute une tribu malhereusement sans laquelle le pays ne va nulle part.

Rara 2013 

Rara

J’ai reçu RÊVE, en guise de carte de souhaits, cette année, à l’occasion de la fête des mères; une photographie du tableau. Que représente cette œuvre pour l’artiste?

Rêve

Rêve 2013

À vous de me dire Flore, ce qu’elle vous a inspirée, à sa réception!

C’est la vertu nourricière que vous voulez sans doute exploiter. La fécondité à travers la Nature où la femme est le complément, une sorte de prolongement. La représentation de la bouche qui se multiplie sans oublier le sein, l’eau et l’arbre fruitier…

C’est une bonne, interprétation tout de même. En réalité, ce tableau est le résultat d’une pensée qu’a relatée un de mes enseignants. «LA FEMME EST ESSENCE, CONSTANCE ET SUBSTANCE.» A mes yeux, c’est un idéal. C’est un souhait pour toutes les femmes de la terre de trouver leur reconnaissance, de trouver les moyens pour une émancipation saine qui leur permettrait de vivre leur vie dans la quiétude, le confort et la sérénité.

Le 5e accord

Le 5e accord

Le 5e ACCORD, est un coup de coeur qui m’a conduit vers une interprétation complètement erronée. Alors que j’y voyais un teint automnal, l’artiste m’a contredit de façon nette: «Et pourtant! C’est la couleur du cuivre que j’ai voulu mettre en relief. Il fait partie d’une série que j’entame pour rendre hommage à la musique haïtienne et particulièrement à Pierre André, mon oncle qui fut un grand saxophoniste et qui m’a offert à 15 ans le premier manuel du dessin et de la peinture en provenance de l’École Universelle de Paris. Et je suis fier, jusqu’à cette date de pourvoir le garder dans ma bibliothèque et je m’en sers encore quand je travaille à titre d’instructeur.»

Il y a également l’aspect concurrentiel qui n’est pas négligeable en raison de la position des instruments. Est-ce le piano par sa dimension qui prédomine, ou la guitare qui se tient à la verticale? Dans ce cas, la trompette, la clarinette autant que le saxophone peuvent se disputer leur empire… Il revient au public de justifier tout cela.

Je vous félicite pour votre beau travail Monsieur l’artiste.

De façon personnelle, pour pouvoir mettre en lumière l’esprit du disparu, je pense qu’il serait mieux qu’ils lui laissent la place mais cela devrait se faire dans une mélodie suave même avec des instruments d’harmonie. Moi, je suis honoré de votre présence madame Domond.

Cégep de St-Laurent

boule

 Viré monté