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à Francesca Palli |
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Paradis terrestre par Pierre Maxo. © Espaceloas
nous faut-il autres chants pour menacer le temps que refusent nos vieux secrets et rêves d’adolescents pleins d’amour et de sons fondus dans la folie des rues d’hommes et de paons amusés aux pas d’esthètes engourdis dans la foulée des vents qui se taisaient.
il faut à la plénitude du poème un alphabet docile
des alphabets blessés quelque part sur une île
des femmes et des hommes épuisés par les bielles du dimanche
et des consonnes complices de mes dix doigts bagués
je dis la faim de mon exil et la douleur de la veuve effrayée
dans les nuits
afin de soulager la solitude de tout ce qui vient de toi
les chants d’un monde indéfinissable
de longs poèmes à publier malgré le visage silencieux du poète
et aussi malgré les oiseaux fiancés du jour accompli
malgré l’enfant qui rit et les feuilles qui sourient
les chants de mon poème qui a le sourire triste et habile
de tels sermons déficitaires d’un homme qui se cherche parmi les vivants
de ce qui me vient de droit
haute posture de poèmes allongés
filin et jeux de mots habillés de morphèmes
de l’éloquence sans que la nuit n’enlève ses prières aux forçats
les îles dans la nuit souffrent-elles de vagues indéfinies
de paramètres d’intensité à la blessure du mensonge
de gros mots consolateurs des infidèles
de tout ce qui vient de toi
courriels indéchiffrables dans la mêlée des dieux en fleurs
tout ce qui me vient de toi
quelques mauvaises nouvelles de famille en déroute
deux consolations d’ombres fraternelles
quelques mots d’usure dans une lettre d’outre-mer
rivages retentissants de ma dernière solitude
ne faut-il pas à la vie la mort des hommes et des anneaux oubliés
des rêves redoutés au fond d’un grand charnier
des maladresses répétées au rouet de l’anonymat
l’alphabet originel dans la complicité de chaque crépuscule
si je cherche davantage les hommes et les femmes de chaque continent
à chaque silhouette d’ormes
jusqu’aux aisselles tristes du dormeur
c’est pour s’emparer des rêves sans os
et de tout ce que la nuit dit au matin
de tout ce qui a été déposé au fond d’un grand tiroir
dans l’insoupçonnable geste d’une étoile accompagnée du vent
de tels gestes perdus dans le silence et dans les voiles du temps
ô temps maquillé au ressui de l’ombre
ô rêves durs comme la faim
puisque je n’aime point raconter et que ma poésie propose la liberté en mots
des peuples des savanes et du sable
dans l’allongement des feuilles et des arbres de vie
puisqu’il faut à notre amitié d’outre-mer
un alphabet docile et les mots de tous les jours
afin de décompter nos aventures et nos vieux rêves apprivoisés
imaginons les hommes et les femmes que je cherche
afin de mémorer le temps des alliances et des amours
les hommes dans la nuit des vivants
les femmes près du lit des enfants
et nos cœurs doubles au seuil de l’étonnement
jusqu’au fond des valves débonnaires
jusqu’à l’épanouissement du poème dressé
en long archange de mots
souligneront la géométrie des cathédrales
et des mois pénitents à venir
Château Audoin,
Montréal-Nord, 21 novembre 2005