Potomitan

Site de promotion des cultures et des langues créoles
Annou voyé kreyòl douvan douvan

Clément Magloire Fils ou SAINT-AUDE

Saint-John Kauss

Clément Magloire Saint-Aude, né à Port-au-Prince (Haïti) le 2 avril 1912. Il est le fils légitime de feu Clément Magloire, fondateur du journal Le Matin, et le demi-frère (aîné) de Frank Magloire, l’ex-directeur du quotidien Le Matin.

Saint-Aude a publié trois recueils de poèmes: Dialogue de mes lampes (1941), Tabou (1941), Déchu (1956). Il a également écrit un roman: Parias (1949) et deux récits: Ombres et reflets (1952) et Veillée (1956).

Une rétrospective de ses oeuvres poétiques (60 pages) parut en France, en 1970, aux Éditions Première Personne avec des illustrations de Wifredo Lam, Hervé Télémaque et Jorge Camacho. Une autre rétrospective de ses œuvres complètes parut en 1998 chez Jean-Michel Place à Paris. Plusieurs études académiques ont été consacrées à l’œuvre du poète, et en 1988, le Prix Deschamps, à titre posthume, lui a été décerné.  Il est mort le 28 mai 1971.

TABOU – (extraits)

I
Ceci n’est pas la légende
Qui m’émeut, mou,
Au tombeau du chinois

Dans la tente de l’aède
Dort l’or de ma lampe

Me pèsent, en ce monde, mon grimoire
Et aussi mes cils vieux

Si, délié du ton,
Long plus que mon ombre,
Aux miroirs du mage
Je confonds l’éclat et le silence,
Je suis ici pour cinq,
Et ne m’a
L’amorce de l’humus.

II
Je me connais cistre et caduc
Emmuré dans ma face-hostie !
Louanges qui de sourires mirages
A l’avenir sur des cierges et de l’ardeur !

Pas de dieu, pas de lieu
Où lire les merveilles.
Je suis du rang
L’effet, le reflet.

Mon miroir, sur le plomb du siècle,
Homologue l’enjeu des vieux lords.

Mon chien avance
Vers l’étendard de ma mort
Lue au sel de mes cils.

III
Hors des bandelettes de mon soleil désuet,
Suis-je l’interprétateur des siècles,
Le vent sculpté du centaure ?

Je descends, déraciné et répété
Sur un cheveu préfacé de mes doigts.

Et comme douillet de frissonner
Où va, paix, mon cœur.

IV
Au galop des veilleurs muets,
Eux, inclinés, glacés,
Chastes de vivre
Aux phares des dentelles !

Amer qui naît strict à l’éloge
Et vous veut, esprit,
Boutonnées et gelées.

V
Épars à l’écho multiplié,
Cérémonieux dédoré,
Verbe du temps et du désir,
C’est ici infléchi, négligé,
Aux vertiges lacés, délacés,
Le luxe ponctuel des prophètes
Sans liens sans pôles sans sommeil.
                                            (Tabou)

 

DÉCHU – (extraits)

I
Par mes routes trépassées…
Bonne route pèlerin…

II
Aux exploits du poète las
Mon vitrail disloqué
Aux rails de la mélodie

Pour ma belle fille naufragée
Tel l’harmonica du voyou !

Vers l’araignée fêlée
Des stances moissonnées

Sur le buvard aveugle
De mes talents éteints

III
Angélique et dents glacées de Milady
My lady amiga mia…

Quel limon des nausées,
Hors de l’encrier couronné,

 

La Tanagra danse
Au lambeau des minuits inclinés

IV
Dolorès à mes cils inquiets,
L’émoi, l’eau du poème

Déclamations et douces comme elza

Le dialogue 41
Plus indolent qu’Elisa Breton

Majuscules haut perchées
Aux pôles de mes lampes

Veuf, et d’un vain souci
Au halo de mon lamento

V
Poème du prisonnier,
Au glas des soleils remémorés

Crécelles ensevelies
Sur le cœur du pèlerin

VI
Voici mon linceul découronné,
La jactance du bal
Au galop de l’Antinéa
Gantée de mon idéal

L’étoile du mendiant
Entend le souffle de ma mort

VII
Dernier lied,
Pâles amours solennelles…

Derniers feux

Dernier jeux

Pour mon guignol
A mon trépas écarquillé
Sue les quais du silence

                         (Déchu)

 

 

 

  • SAINT-AMAND (Edris): Essai d’explication de «Dialogue de mes lampes», Fardin, Port-au-Prince, 1975;  Mémoire, Port-au-Prince, 1995.
     
  • SAINT-AUDE (Magloire): Dialogue de mes lampes (suivi de) Tabou et Déchu, Première Personne, Paris, 1970; Dialogue de mes lampes et autres textes (œuvres complètes), Jean-Michel Place, Paris, 1998.

 

4.1.2012

Viré monté