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Douze entretiens avec
Saint-John Kauss
SECOND REGARD ET CRITIQUE
par Gérard Étienne
Photo Daniel Saint-Louis Moncton. |
D'ordinaire, les fossoyeurs de la textologie attendent l'aspect terminatif de la course, parfois inattendue, de la sombre voyageuse avant de livrer au public des faits ou des événements qui auraient marqué l'œuvre ou la vie d'un esprit génial. Une telle entreprise révèle automatiquement sa négation dans la mesure où elle exclut le principal témoin, le seul autorisé à authentifier les principaux courants littéraires ou philosophiques qui, à un moment donné, auraient nourri son esprit créateur. On connaît les travaux intellectuels lesquels, au cours des deux derniers siècles, nous livrent le résultat des recherches sur des données sous-jacentes à la production de grands écrivains. On aura toujours buté contre les mêmes difficultés, l'absence de preuves probantes permettant de justifier des hypothèses risquées. En Haïti, pays de mythes, il est impossible de situer, dans une perspective relativement objective, la vision du monde d'un écrivain. En témoigne, le cas de Jacques Roumain . A force de brasser des mythologies sur l'arrière-pays, on eût dit que pour les interprètes de son œuvre romanesque, Anaïse serait une déesse tombée du ciel insensible aux rapports maître-esclave dans une formation sociale aux séquelles de l'esclavage ; on eût dit que l'auteur de «GOUVERNEURS DE LA ROSÉE» serait un métis non marqué par la sémiosis féodale. Et pourtant. Des entretiens vigoureux avec l'homme auraient permis aux chercheur(e)s d'avoir comme inter-textes d'études toute une série de faits vécus qui auraient pu éclairer les facettes des productions de Roumain, facettes qu'entretiennent les travers et préjugés d'un groupe plus obsédé par le conditionnement du lecteur que par le dévoilement des témoignages au sens aristotélicien du terme.
C'est le défi intellectuel qu'a relevé la jeune et brillante journaliste Marie Flore Domond en soumettant à notre esprit critique ( non esprit de critique, nuances) une suite d'entretiens que notre producteur national Saint John Kauss lui a accordés. D'entrée de jeu, ces entretiens peuvent et doivent être considérés comme un monument où viennent se greffer les principaux éléments qui font de l'écrivain le plus brillant de sa génération. L'attribut sémique brillant n'est pas ici l'expression d'une énonciation qui renverrait à la prose de Bossuet. Non. C'est plutôt la jonction d'une intelligence rompue aux sciences appliquées et théoriques et en même temps à la créativité (sous forme littéraire) que Marie Flore invite à se mettre à nu, quitte à provoquer la colère des paresseux et des jaloux auxquels un tel hommage ne serait jamais rendu.
Dès les premières réponses aux pertinentes questions de Marie Flore Domond s'est opéré en moi un processus d'identification à une personnalité qui serait un Mage à un niveau métaphysique d'une approche de l'être humain. Ou plutôt, je me suis senti non pas complice d'un discours qui n'arrive pas toujours à faire découvrir l'être sous le poids des complexités, mais sujet d'une réciprocité d'immanence par un témoignage qui aura, au fil des pages, horreur de la mésinformation. Saint John Kauss va donc se démarquer de tous ces diplômés d'Études supérieures qui utilisant le langage comme un rétroviseur en utilisant les contrevérités qui produisent la violence intellectuelle, empêchant ainsi tout rapport d'intériorité avec celui qui, à un moment de son existence, privilégie l'exploration de l'humanité de l'homme. Ainsi pour la première fois, un scientifique (docteur en neurobiologie) va assumer la liberté de se dire, sans se poser des questions sur des phénomènes de réceptivité, la liberté, dis-je, c'est-à-dire cette force que rien ne peut détruire en nous et qui justement nous aide à structurer nos actions sous le règne de la foi transcendantale. C'est donc dépouillé de mon être second que, la main au visage, j'écoute Saint John répondre aux questions qui m'ont grandement surpris étant donné leur rôle dans l'archéologie scientifique et littéraire de l'écrivain. Plus que cela : on connaîtra désormais, dans ces premiers entretiens, le champ homogène d'une métaphysique qui serait un déterminant essentialiste au sens où elle refoule à l'arrière-plan du vécu ce qu'à défaut d'un autre terme j'appellerais des équations mathématisables. En d'autres termes, ce qui compte, c'est que le savant tient avant tout à présenter les matériaux du champ de la subjectivité comme les schèmes producteurs du processus complexe de l'univers subjectif. Résultat : il me prend à témoin de sa singularité qui échappe aux formes d'aliénation en situant les principaux axes dans une praxis ethnographique. L'écrivain, par exemple, m'invite à assister à son initiation mystique opérée à la suite d'une maladie surnaturelle et au foudroiement d'un mauvais sort dissimulé dans un livre. Pire : une calamité d'ensorcellement accompagnée de la disparition soudaine et inexpliquée (objectivement) de ses accessoires personnels. On suspecte tout de suite le vaudou en tant que force motrice des événements subis. Oui et non répondra un esprit qui reçoit du Mage une relation avec une religion que la réflexion critique placera par-delà ce que Merleau Ponty appelle dans SENS ET NON-SENS un compendium encyclopédique. Oui si et si seulement les procédés de guérison dérivent de connaissances empiriques non quantifiables. Non si les procédés d'extraction du corps des éléments invisibles téléguidés renvoient au mal absolu, à la sorcellerie, ce que rejette le savant tout au long de ses entretiens. Aussi contribue-t-il, sans le savoir peut-être, à mon initiation à la parapsychologie en me faisant comprendre que l'être n'est pas seulement soumis aux lois de la physique quantique, microscopique, atomique, mais également à une série de phénomènes qui, eux, s'inscrivent dans le champ hétérogène de la praxis. Et Saint- John Kauss d'affirmer : «Certains rituels propres à l'invisibilité de l'âme humaine et à la connaissance des «choses» sacrées associées aux sociétés occultes d'Haïti me furent confiées lors d'un transfert de pouvoirs.» Il ne saurait être question de soumettre à une démarche cartésienne les déterminants d'un édifice métaphysique. On se contentera de rappeler Agrippa, Paracelse, Papus, Eliphas Lévi, Stanislas de Guaita, Fulcanelli, autant de grands esprits dont l'œuvre dicte les fonctions essentielles de la parapsychologie.
Me voilà objectivement bien placé pour être sensibilisé à l'ontologie phénoménologique d'un moi qui se meut, à l'intérieur d'un territoire, découvrant ou vivant des réalités subjectivisées fondamentalement différentes de celles des amis appréciés, l ‘espace d'un matin à cause du transfert fréquent d'un père militaire. D'ordinaire une réalité peut être vécue ou bien comme une norme (prescriptive) ou bien comme une déviation inattendue qu'engendrent ses propres effets. Saint- John Kauss choisira le moment synthétique de l'alternative. A l'école (primaire, secondaire, universitaire) comme au sein de la famille, les témoignages de l'homme sont livrés avec un tel accent de sincérité qu'il m'est arrivé de lire deux fois une opinion sur la famille. Bien sûr que devant certaines questions, je m'attendais au jeu incohérent du clown, pris dans son propre piège. Que non ! John vise toujours la clarté de son homogénéité intérieure en décrivant ses parents non pas comme des réalités-autres de l'unité familiale, mais comme éléments intégrateurs d'une même vision du monde. On aura beau chercher des vides dans les ENTRETIENS qu'on se heurtera à la logique serrée de la vérité DE FAIT, c'est-à-dire à la sincérité d'un homme qui dit : «au nom de mes principes, je n'ai pas le droit de laisser à la postérité aucun fait à déchiffrer, aucun agent déstabilisateur du matériel de recherche. » D'où des réflexions d'une grande profondeur sur les machines littéraires et sur les pervers qui assassinent l'acte créateur. A une question de Marie Flore portant justement sur la notion de don, le savant laisse tomber : «Il n'y a pas d'œuvres plus marquantes que d'autres. Tout est une question d'inspiration et de sensibilité par rapport à l'œuvre. »Voilà mis en brèche le jugement des rédacteurs de comptes rendus sur une pièce littéraire qui serait soit supérieure, soit inférieure par rapport à d'autres. Dans cette perspective, les ouvrages publiés ne forment qu'un acte synthétique comme un roman qui serait, sémiotiquement, posé comme une phrase volumineuse. Chose curieuse, à côté du fait littéraire, le savant a quand même rappelé, grâce aux questions de Marie Flore ses études et recherches scientifiques. Pour un disciple de la parapsychologie, le sujet de sa thèse de doctorat représente une contribution non négligeable aux recherches scientifiques du Canada : «La régulation de la biosynthèse de l'orotate induite par les acides aminés ammoniagéniques» place Saint- John parmi les jeunes savants qui font honneur à la science en Amérique du Nord.
J'aurais assurément des pages à écrire sur la vision du monde et sur les morales régulatrices de Saint- John Kauss . L'énonciation serait si volumineuse que je risque de devenir l'actualisateur de la parole de l'autre. Je sens bien une contrainte extérieure s'exercer sur moi dans la mesure où je substitue la paraphrase à une démonstration. Je me contenterai d'affirmer une opinion qui pour moi ne sera pas dépassée tant qu'il y aura des Saints John Kauss qui abordent les thématiques à la base des productions littéraires (le pays, la famille, la femme, la mélancolie, la morale sociale, l'enfance, l'adolescence) à travers les prescriptions d'une humilité qu'on ne retrouve pas chez les écrivains de sa génération. Dans un mouvement textologique, chaque énoncé de Kauss constitue, en lui-même, une dissertation organiciste. D'où le croisement, dans les ENTRETIENS, de deux langages
a ) un langage de communication courante où les réponses à une question se font selon la rigidité d'un code et b) un langage de communication scientifique où les faits explicités ou interprétés s'organisent autour d'un dispositif scientifique.
Jugez-en par vous-même :
- Le Surpluréalisme est une démarche, une ouverture sur des quêtes de la pensée ayant pour origine la réalité vivante. (…) Le Surpluréalisme, en traçant des cheminements difficiles et suicidaires, n'est rien d'autre que l'itinéraire de l'existentialisme dans ses démarches spécifiques et ses rapports situationnels débouchant tantôt sur le doute et le choix, tantôt sur le silence et l'effroi face au panorama de l'horreur (Manifeste du Surpluréalisme).
- A mon avis, on est né poète. LE DEVENIR RELÈVE DE L'IMITATION. (nous soulignons).
- L'écriture existentielle n'est que l'approbation de la parole. Jusque dans la mort. C'est dans cette vision sombre de la mort que l'écrivain surpluréaliste évolue puisque l'expérience artistique devient interrogatoire de la vie par sa propre perspective de mort, par sa propre idée de disparaître, de mourir à un moment donné. ( Le manifeste ).
- L'art est un mot d'ordre et le thème : l'ordre ou non de ce mot. Le fil conducteur, c'est la manière dont il apparaît comme la crise de possession de l'autre et du monde.
- L'art surpluréaliste trouvera sa manière impérieuse dans la mimésis, à condition de l'arracher à ses bourreaux, ceux-là mêmes qui, se trouvant investis des prémisses issues des formalismes, des barrages, des mythes, se soldent par une exclusion du donné et du pensé et, par là-même, de l'authenticité. L'œuvre surpluréaliste qui est un texte opératoire sur lequel travaille l'écrivain en vue d'aboutir à l'art post-moderne.
Grâce à la psychosociologie, philosophie des systèmes et de la vie quotidienne, philologie, linguistique (créole), critique de littérature, Saint-John Kauss m'aura fait traverser tout le champ des possibles et des mythes avec cet art d'exposition si rare de nos jours devant les ravages du formalisme sur l'intellect. On aura beau chercher des contradictions internes au sein d'un mouvement phrastique, on en sort plutôt enrichi par la rigueur d'un esprit scientifique auquel se trouve superposé un système de créativité et de connaissances sur toutes les matières et disciplines que pratiquent les hommes et les femmes. Encore un peu, on lui demanderait de décortiquer son art de la compréhension tellement ses jugements sont posés avec une extrême lucidité. Sur le plan ontologique, ses réflexions témoignent d'une vigueur intellectuelle, sans failles. Répondant à une question relativement complexe de Marie Flore Domond, il laisse tomber :
«L'intelligence n'a pas de bases biologiques et de ce fait n'est guère quantifiable (…). La force divine et l'intelligence infinie sont à la base de toutes créations et manifestations.» Dans la même optique, son jugement sur Haïti révèle une telle objectivité qu'on le prendrait pour un disciple de Moise dont il apprécie le rôle d'exécutant (lire de médium divin).
Que reste-t-il à dire dans une préface qui n'est pas, en soi, une consécration (Saint- John Kauss est déjà connu dans le monde des lettre) mais le symbole d'un coude à coude fraternel de deux hommes exerçant le même métier? Que ce livre est appelé à jouer un rôle considérable dans l'histoire des idées en Haïti et au Québec et qu'il faudra un travail honnête, avec le même accent de vérité, avec la même dynamique scientifique, les mêmes connaissances encyclopédiques avant que soient dépassées les hyperopinions de Kauss sur les grands courants de l'existentialisme et des arts littéraires.
L'auteure du livre, Marie Flore Domond, a relevé un grand défi, celui d'amener un savant et un auteur de classe à dire toute la vérité sur des faits anthropologiques refoulés dans nos réseaux de préjugés et de clans. Ce qui donne au livre de Marie une dynamique historique, c'est qu'elle ne part pas de l'absolu, que chaque question posée au savant découle d'un certain nombre de connaissances dans la matière qu'elle entend couvrir. De plus, j'ai aussi noté une méthode combien scientifique de Marie Flore, celle de fixer les paramètres de ce qu'elle va accomplir. Par là son interlocuteur éprouve une certaine aisance à effectuer le déchiffrement de l'objectivité, non à tourner en rond autour d'une question dont la réponse exige l'exactitude. Je présente à Marie Flore Domond les plus chaudes félicitations d'un aîné qui lui souhaite de faire un bon voyage sur cette voie royale qu'à force de travailler elle aura elle-même construite.
Dr Gérard Etienne
SAINT-JOHN KAUSS
Poète honoraire, poète exemplaire
par Réginald O. Crosley, M.D.
Réginald O. Crosley. |
Les entretiens de Marie Flore Domond avec le poète Saint-John Kauss viennent combler un vide pour les lecteurs en les faisant traverser les dimensions intimes du monde de ce poète élu. Les critiques littéraires contemporains ne présentent plus au public leurs recherches sur l'homme et son environnement. Ils laissent ce travail aux biographes, aux journalistes ou aux auteurs eux-mêmes dans leurs autobiographies. Les douze entretiens de Domond nous donnent droit de cité dans le réel Kaussien. Et comme elle dit dans l'Avant-propos: "C'est l'expression sincère d'un nouveau besoin, une nécessité d'agglomérat."
Ici on voit l'homme de la naissance à l'âge adulte, dans les vicissitudes d'une société du Tiers-Monde tant dans sa famille et le milieu politique, face à l'exploitation des amis, des ennemis, que dans la compétition des condisciples en science, en littérature, en poésie, devant les coups bas des antagonistes, et enfin dans les feux d'artifice de récipiendaire de plusieurs prix de littérature et de science.
L'œuvre de Marie Flore Domond, elle même poétesse et écrivain, révèle au grand public ce que des lecteurs initiés dans la métaphysique avaient entrevu du mysticisme de Saint-John Kauss. C'est un mysticisme syncrétique englobant le shamanisme Haïtien et l'hermétisme judéo-chrétien, en ce qu'il a retrouvé la clef fondamentale de la pierre philosophale , la cascade des équations qui rend possible l'impossible.
L'un des entretiens met en évidence les dimensions multiples du poète, son hyperespace Afro-Haitien, sa réalité quotidienne et ses compartiments exotiques. Il est l'un des rares intellectuels Haitiens qui témoignent ouvertement de leur initiation dans l'univers parallèle d'Haiti. Il dévoile qu'il a été élevé à l'échelle de la maturité mystique et ceci comporte des épreuves à la façon des mystères de l'antiquité. A considérer sa préparation scientifique, on peut le considérer comme un néo-pythagoricien.
Un autre entretien nous fait pénétrer plus profondément dans la réalité alterne de Saint-John Kauss qui est un " multiverse ", pour reprendre le mot de Brian Greene dans son best-seller "The Elegant Universe." Saint- John Kauss éclaire pour nous la différence entre l'ontologie Vodou, la sorcellerie et la parapsychologie. Il ne faut pas les confondre bien qu'il existe des correspondances et des analogies entre ces catégories. Il avoue qu'il a eu recours à la métapsychologie pour se tirer d'embarras.
La confession monumentale de Saint-John Kauss dans ces entretiens est sa recherche de la pierre philosophale entre les années 1997 et 2003. Pour ceci, il s'est mis à l'école des Paracelse, Eliphas Lévi, Fulcanelli et d'autres mystiques savants de l'histoire. Cette pierre est l'acquisition d'un modus operandi qui permet de muter, de métamorphoser soi-même et l'environnement à volonté en modifiant la fréquence vibratoire de l'être. Ceci réclame un entraînement ardu. La physique contemporaine dans ses différentes catégories: quantum, relativité, théorie du chaos, théorie des cordes, théorie de la supersymétrie, théorie de la supergravité, contient la formule de la pierre philosophale en dehors de toute religion.
Il est intéressant de suivre le cheminement du poète de l'enfance à l'homme fait. L'on voit le côté prolifique de son talent tant dans la création poétique que dans la critique littéraire. Il n'est pas encore arrivé au degré zéro de l'écriture. Il est en possession du verbe créateur, un corollaire de la pierre philosophale. De plus dans le monde académique où il a évolué, dans le monde de la recherche scientifique, ne pas produire, ne pas écrire, c'est mourir. Pour lui l'écriture est un instrument de perception qui permet des incursions dans tous les domaines des sens et de la nature dans ses niveaux moléculaires, micromoléculaires, intra-atomiques, énergétiques ou ondulatoires.
Les entretiens nous font suivre l'itinéraire du poète dans ses pérégrinations à travers l'île d'Haiti, et nous permettent de vivre ses espoirs, ses anxiétés, ses frayeurs sous des régimes variés et jusqu'à son état d' exilarche dans la diaspora. Il ne s'enferme pas dans une tour d'ivoire. Il se mêle à la foule en temps opportun pour endosser la cause des femmes, pour obtenir égalité de traitement, et non pas pour renverser les rôles en faisant de la femme un oppresseur. Marie Flore Domond, merveilleusement par éclectisme et investie d'un pouvoir d'analyse aigu , aborde tous les paramètres du réel Kaussien en le questionnant sur ses privilèges, son intégrité, sur l'inégalité des sociétés humaines, sur le capitalisme, sur son leadership, sur sa générosité, sur sa position dans la question du Créole en tant qu'outil de communication internationale. Elle aborde de plein pied les dissensions du monde littéraire groupé en petits clans, leurs trahisons et leurs coups bas. Elle interroge sur les causes de succès dans le monde littéraire. Et Saint- John Kauss n'hésite pas à déclarer que le succès ne dépend pas seulement du talent mais aussi de la chance qui n'est qu'un enchevêtrement de déterminisme.
Aux questions concernant la politique canadienne, haïtienne, internationale, comme à celles intéressant le célibat, le mariage, l'amour fou, la cohabitation, l'amitié, l'éthique de travail , Saint- John Kauss fait oeuvre de modèle pour la jeunesse. Il ne faut pas oublier qu'il se veut être un mystique, un élu comme son nom l'indique, un membre d'un sacerdoce à la Hermès. Après quatre ans de travail en milieu universitaire en Haiti , il a été témoin d'un changement radical dans la réalité ambiante: l'homme est devenu littéralement un loup pour l'homme. L'Haïtien est devenu un individu hostile dans un ghetto chimérique. De plus ,malgré la décadence de la société occidentale, Saint- John Kauss ne désespère pas. Il accepte les vicissitudes du temps présent comme un ferment a son développement spirituel. Il reste bon catholique. Son rêve , dès l'enfance , était de devenir prêtre; mais il ne renie pas son héritage Africain. Sa conception du Dieu créateur est intéressant en ce sens qu'elle rejoint la vision hébraïque de Yahweh qui contient en lui la dialectique de l'Être. Dans Esaie, Yahweh a déclaré: "Je forme la lumière et je crée les ténèbres. Je donne la prospérité, et je crée l'adversité."
Saint- John Kauss est un illuminé qui comprend la dynamique chaoticiste de la réalité spirituelle et spatio-temporelle. Il ne pense pas que l'intelligence repose seulement sur des bases génétiques. Il y voit aussi une composante spirituelle venant de la Force Divine ou Intelligence Infinie. Saint- John Kauss croit que l'on est né poète. En ceci, il rejoint les Anciens de l'Antiquité gréco-romaine. Les Surréalistes pensaient que la poésie devrait être faite par tout le monde, ensemble comme dans le cadavre exquis . L'état poétique en fait est un état modifié de la conscience, une sorte de transe ou extase qui peut être induite de différentes manières avec un certain entraînement. Cependant il existe des individus qui peuvent entrer dans ce état spontanément. Saint- John Kauss est l'un de ces enfants chéris des dieux.
Les entretiens de Marie Flore Domond nous permettent de voir l'éclectisme de Kauss qui est le résultat d'études approfondies de la littérature Haïtienne et Française. Cet éclectisme est un universalisme qui l'a amené au Surpluréalisme , son propre mouvement littéraire. Il nous dit que le Surpluréalisme tend à joindre deux dimensions: le réel et l'imaginaire. Cependant, son réel est déjà multidimensionnel à la manière du continuum d'Albert Einstein, et son imaginaire est fécond en univers parallèles comme dans le multiverse des physiciens contemporains.
Avec le manifeste du Surpluréalisme, Saint-John Kauss continue sa quête de la pierre philosophale dans la littérature et dans la poésie. Sa formule d'alchimiste en poésie est: "La réinvention d'un nouvel homme à l'intérieur des sociétés écartelées du Tiers-Monde." Le média de cette alchimie est le langage qui "ne représente rien d'autre que la relation vivante avec soi-même ou avec les autres, non comme instrument ni comme moyen, mais comme une manifestation, une révélation de l'être intime et du lien psychique qui nous unit au monde et à nos semblables." Ce qui peut frapper dans le parallèle présenté par Marie Flore Domond entre Etzer Vilaire, poète Romantique Haïtien et Saint-John Kauss, est la différence fondamentale entre l'idéal littéraire de ce dernier qui fait oeuvre nouvelle en s'incorporant au Tiers-Monde au cours de la fin du vingtième siècle, 40 ans après l'émancipation des colonies Africaines, tandis que Vilaire au début de ce même siècle en 1907 cherchait l'approbation des maîtres de pensée en Occident ou "l'avènement d'une élite haïtienne dans l'histoire littéraire de la France." Vilaire cherchait "cette maternelle protection du génie que Paris accorde aux écrivains de la Belgique et de la Suisse Romande par exemple."
Devant la vision Kaussienne de l'homme nouveau, Marie Flore Domond s'inquiète de l'avenir de la planète menacée par le terrorisme, les guerres nucléaires ou le dégel des glaciers, mais Saint-John Kauss ne désespère pas à la manière de Nostradamus ou de l'Apocalypse de Jean. Bien que la possibilité existe pour une catastrophe planétaire comme celle qui détruisit les dinosaures 60 millions d'années avant, ou encore la possibilité très lointaine d'une implosion sous la force de la pesanteur ou d'une dissipation des galaxies sous la poussée de l'expansion universelle, Saint-John Kauss garde la foi et la vision surpluréaliste. De plus ,l'intérêt dans la philosophie ne meurt pas. Les progrès dans les domaines scientifiques et technologiques donnent du matériel aux développements philosophiques. Il existe aujourd'hui une nouvelle métaphysique dérivant de la mécanique quantique, de la théorie du chaos et des théories de la Relativité et des Cordes.
Les critiques font souvent mention des mots, des images, du langage et de l'imagination de Saint- John Kauss. Ils parlent de la réalité et de l'irréalité dans ses vers, et d'une poésie qui "se veut quête d'un tout, si elle n'est pas totalité elle-même." Ou bien un "ensemble poétique (qui) reproduit la vie autant qu'il peut" (Jacquelin Dolcé ). Cependant certains parlent d'une poétique hermétique dans un sens sibyllin sans la rapprocher de la quête d'Hermès Trismégiste qui est en fait l'ambition du poète. Sans soupçonner l'hyperespace de la nouvelle métaphysique, ils se rendent compte qu'on a affaire à une complexité où "les rêves se multiplient."
Alix Damour, membre et co-fondateur du Surpluréalisme avec Saint-John Kauss, était un illuminé qui révèle qu'en relisant Autopsie Du Jour il tend à se "perdre dans les modulations d'une poésie majeure qui s'avère une totalité aux aspects multidimensionnels " . Donc il parle du multiverse Kaussien qui n'est qu'une expression de l'hyperespace des mystiques antiques et des physiciens contemporains. C'est ce monde que les non-initiés décrivent comme un chassé-croisé de vécu et d'imaginaire" ou bien "the criss-crossing of the many worlds of quantum mechanics." Ceci explique les inventions verbales, "les jolies trouvailles de délire en sourdine, de décantation des mots."
Jean-Richard Laforest, cet autre enfant prolifique du cénacle Haiti littéraire des années 60, nous rappelle "ce beau miracle contemporain d'un scientifique qui fait des vers." Ceci place Saint-John Kauss dans la lignée des Breton, Aragon, pour ne mentionner que quelques uns parmi tant d'autres que nous avions relevé durant nos lectures.
Ecce Homo! Le surpluréalisme Kaussien correspond à un néo-idéalisme, une nouvelle Renaissance apparue au vingtième siècle sur les bases et les implications des sciences physiques contemporaines et qui rejoint en même temps la vision présocratique et la quête des Alchimistes. C'est entrer en possession d'une pierre philosophale qui peut transformer l'individu et son environnement par la puissance du verbe, la méditation ou contemplation transcendante. C'est là la formule hermétique que ceux qui veulent suivre le mouvement auront à appliquer dans leur vie quotidienne. Comme Saint-John Kauss l'a dit lui-même, il ne s'agit pas ici d'une simple école littéraire mais d'un mouvement, d'un mode de vie, d'une vision globale dans un univers multi-cosmique.
Dr Réginald Crosley
TROISIÈME ENTRETIEN
CHASSEUR DE RÊVES
«Le rêve s'identifie avec la rose que berce la brise, il est le frémissement du tamarinier, le nuage voyageur, l'eau fluide et multiforme. Il est cet homme qui passe, cet autre, cet autre encore. Il est l'univers. Tout en lui vit d'une vie scintillante et fourmillante. En lui, tout a une âme. Il devient un panthéiste doublé d'un animiste.» - Carl Brouard
«Sans le rêve, il n'y a pas de poésie possible; sans la poésie, il n'y a pas de vie supportable.» - André Chénier
Vous avez en partie décrit votre naissance et vos initiations respectives. Venons-en à votre petite enfance.
J'ai souvenance d'avoir vécu ma petite enfance à la cité Militaire, près de l'Hôpital OFATMA. Au nombre de mes amis d'enfance, il y eut Michel, Marc Phalange et le docteur Francel François dont le père, Sainphilis François, fut Officier au Palais National. Je me rappelle également de Maguet Bernadin, dont le Patriarche, Damas Bernadin, simple soldat de la Caserne des Transports, mit fin au jour du redoutable TI-BOBO. Sans oublier la famille Désarme, Delva, Audate, des personnages influents de mon enfance.
Vous souvenez-vous de votre première fréquentation à l'école?
Je peux même remonter à mon «jardin d'enfant», une petite école dans une maison privée, située à la deuxième cité Saint-Martin (Delmas 3 - 5). Pour des raisons de statut social, ma famille avait déménagé à Delmas, dans une maison adjacente à mon ancienne école. L'institutrice d'autrefois devint ma voisine immédiate. Un mur mitoyen nous séparait.
Mes études primaires, je les ai débutées et complétées chez les Frères de l'Instruction Chrétienne (F.I.C.) de JEAN-MARIE GUILLOUX. Je conserve une vague idée de mes professeurs. Parmi les plus marquants, je peux citer: MM. Saint-Jean, Saint-Preux, Coriolan et Germain.
Le pouvoir abusif des professeurs, vous avez l'air d'y avoir goûté. Parlez-moi de cette expérience.
Il est vrai que les professeurs d'autrefois étaient animés d'un esprit de sévérité à toute épreuve. Cette attitude ne fut pas une «mauvaise chose» en soi à comparer, au «laisser-aller» dont bénéficient les étudiants d'aujourd'hui. J'ai eu le privilège d'avoir été le fils d'un père Militaire et d'être un enfant paisible.
Quel genre d'élève avez-vous été?
Comme je le disais auparavant, j'étais un élève studieux et soumis, toujours parmi les cinq premiers du primaire jusqu'à l'Université.
Avez-vous eu des condisciples issus des classes influentes haïtiennes? Quel était leur potentiel en tant qu'étudiants?
Dès la Maternelle, je côtoyais déjà des camarades qui allaient devenir des hommes de notoriété. Je peux citer MM. Clarel Métellus et Serge Justafort, devenus Officiers des Forces Armées d'Haïti.
Chez les Frères de JEAN-MARIE GUILLOUX, j'ai fréquenté les Fleurimat, les Désir, les Crispin, les Baptiste, les Vital-Herne et les Déjean. Les Désir, Gary et Joël, jouissaient d'une grande popularité grâce au caractère impitoyable de leur père, Luc Désir.
À en juger par votre environnement, vous n'avez rien hérité d'un militaire. Qu'est-ce qui explique ce phénomène?
Il est vrai que j'ai vécu dans cet environnement, mais j'ai toujours refusé de me plier au choix de mon père, lequel a un esprit dominateur. J'ai encore conservé des séquelles de mes disputes avec lui concernant mes orientations académiques et intimes.
Vous êtes l'aîné de la famille, quelles étaient vos relations avec votre mère et vos quatre autres frères?
Entre ma mère et moi, il y a eu ce qu'on appelle la complicité filiale. Je l'accompagnais partout où elle se rendait. Grâce à elle, dès mon adolescence, j'ai connu indirectement un grand nombre de personnalités qui ont orné le paysage politique d'Haïti. Jusqu'à aujourd'hui, je garde encore une étroite et harmonieuse relation avec ma mère. Quant à mes frères, j'ai toujours été leur guide et protecteur à cause des fréquentes absences de mon père en tant que militaire.
Parmi vos quatre frères, quel est celui qui vous est le plus attaché?
C'est mon cadet de deux ans, Valentino.
Comment décrivez-vous cet attachement?
Il ne fait rien de positif sans mon approbation. Je dirai même qu'il me considère comme son frère référent. C'est un rude travailleur, un homme du savoir. C'est un polyvalent. Il est également ingénieur et entrepreneur.
Votre frère, Mario, était l'avant-dernier enfant de la famille. Dans quelle circonstance est-il mort?
Il est mort aveugle et très jeune à la suite d'une tumeur au cerveau. Sa disparition m'a beaucoup marqué. Je pleure encore sa mémoire et je le revois souvent dans mes souvenirs et dans des poèmes que je lui ai dédicacés. Mon premier recueil de vers, CHANTS D'HOMME POUR LES NUITS D'OMBRE (1979), lui a été dédié.
Jusqu'ici, vous m'avez parlé que de vos études primaires chez les Frères de Jean-Marie Guilloux. Une période très enrichissante qui vous a permis de côtoyer certains privilégiés de l'époque. Où avez-vous poursuivi vos études secondaires? Et comment avez-vous vécu cette nouvelle expérience?
J'ai débuté mes études secondaires au Petit Séminaire Collège Saint Martial par pur hasard, puisque mes parents voulaient dès ma prime enfance que je fréquente les Frères de Saint-Louis de Gonzague. Après avoir étudié près de sept ans dans la plus stricte discipline tant au niveau des règlements et de la politique scolaire des Frères de Jean-Marie Guilloux , j'ai ressenti une sorte de relâchement par rapport aux consignes du nouvel établissement. À titre d'exemple, le port de l'uniforme n'était plus exigible sans parler de l'espace qui me paraissait gigantesque.
Étiez-vous parmi les étudiants qui, sournoisement, créaient des remous, occasionnaient des sanctions pour les autres sans jamais se faire prendre?
Je n'ai jamais été un étudiant turbulent. Je me souviens de vous avoir dit que je suis solitaire, une personne disciplinée et méthodique, un élève studieux.
Figuriez-vous parmi les meilleurs de vos camarades de classe?
En toute modestie, j'étais souvent classé parmi les cinq meilleurs de mes camarades et ce, quel que soit l'établissement. A Jean-Marie Guilloux, j'étais devancé par Vital-Herne, Rodney et Loiseau; au Petit Séminaire Collège Saint Martial, par Danton et Mathieu; au Collège Notre-Dame du Cap, Jean Vilfort Eustache me précédait; par contre, au Collège Saint-Jean des Cayes, je me retrouvais en tête de liste.
Fréquentiez-vous un clan scolaire ou faisiez-vous cavalier seul dans votre quête du savoir en général et dans l'exploration de la littérature en particulier?
Dans ma démarche scolaire, j'ai également été très personnel. Quant à la littérature, je l'ai exploré très jeune et de façon intime. J'ai pris soin cependant d'observer à distance les mouvements littéraires pertinents. L'unique écrivain, à qui j'avais confié mon premier manuscrit aux fins d'une relecture, est René Philoctète. Je remercie la Providence de m'avoir donné cette forme d'autonomie.
À plus forte raison, on qualifie les poètes et les écrivains de personnages indisciplinés. Personnellement, vous avez commencé à écrire très jeune. Combien d'ouvrages comptez-vous dans votre bibliographie mise à part les inédits et vos écrits scientifiques?
J'ai exprimé mes premiers écrits dès l'âge de quatorze ans. Ils ont été compilés jusqu'à leur parution en 1979 sous le titre de CHANTS D'HOMME POUR LES NUITS D'OMBRE. En effet, j'ai à mon actif plus d'une quinzaine d'ouvrages publiés et une dizaine d'inédits. Et je cite: Chants d'homme pour les nuits d'ombre (poésie,1979); Autopsie du jour (poésie, 1979); Hymne à la survie et deux poèmes en mission spéciale (poésie, 1980); Ombres du Quercy (poésie, 1981); Au filin des cœurs (poésie, 1981); Entre la parole et l'écriture (essai, 1982); Zygoème ou Chant d'amour dans le brouillard (poésie, 1983); Twa dégout (poésie créole, 1984); Tel Quel (pamphlet, 1986); La danseuse exotique précédé de Protocole Ignifuge (poésie, 1987); Pages Fragiles (poésie, 1991); Testamentaire (poésie, 1993); Territoires (poésie, 1995); Territoire de l'enfance (poésie, 1996 et 1997); Pour une nouvelle littérature: le manifeste du surpluréalisme (essai, 1998 et 2001); Le livre d'Orphée (poésie, 1998); Chant d'amour dans le brouillard (poésie, 2003); Ma terre sienne de ciel brûlée (poésie, 2003), A propos d'une femme voilée (poésie, 2004), Mes dits manichéens (poésie, 2004).
Pour ce qui est de mes œuvres à paraître, je nomme : Paroles d'homme libre (poésie); Hautes Feuilles (poésie); Le manuscrit du dégel (poésie); Race des poètes (poésie); Chants d'amour dans le brouillard (poésie); Le massif des illusions (critique); Archidoxe poétique (manifestes /conférences/entretiens); Théorie des paradoxes (manifestes du surpluréalisme); Deux cent ans de poésie haïtienne (essai et anthologie); Le livret des vanités (pamphlets); Soixante ans de poésie migratoire (essai et anthologie).Durant vos périodes de production, avez-vous atteint le degré zéro que tout écrivain est susceptible de confronter dans sa carrière?
À chaque fois que j'ai la sensation d'être en situation d'atteindre l'écriture «sans écriture», comme le mentionnait Roland Barthes, je m'abstiens de produire. Comme ce dernier le faisait remarquer, il y a eu une époque où l'écriture, étant la même pour tous, était accueillie par un consentement innocent. Tous les écrivains n'avaient alors qu'un souci: bien écrire, c'est-à-dire porter la langue commune à un plus haut degré de perfection ou d'accord avec ce qu'ils cherchaient à dire. Au fil du temps, il y a eu une autre approche de l'écriture. Chaque écrivain fait de l'écriture son problème et de ce problème l'objet d'une décision qu'il peut changer.
Écrire «sans écriture», amener la littérature à ce point d'absence où elle disparaît, où nous n'avions plus à redouter ses secrets qui sont des mensonges, c'est là le degré zéro de l'écriture, la neutralité que tout écrivain recherche délibérément ou à son insu et qui conduit quelques-uns au silence.
Quelles sont vos œuvres les plus marquantes selon vous?
S'agit-il de mes propres préférences ou celles des lecteurs ou du public? - Pour ma part, il n'y a pas d'œuvres plus marquantes que d'autres. Tout est une question d'inspiration et de sensibilité par rapport à l'œuvre. En ce qui a trait au volet de l'appréciation d'une œuvre, cette tâche revient à la critique et aux lecteurs.
J'ai remarqué pourtant que la plupart de vos ouvrages sont scellés par des dates et des lieux de circonstance. Est-ce pour permettre aux lecteurs de vous situer ou par souci du détail?
C'est surtout par esprit de discipline. De cette manière, je parviens à suivre mon propre cheminement en entraînant, du même coup, la critique et les lecteurs dans les multiples paysages où j'évolue.
Tous ces livres ont étés inspirés dans quel état d'esprit?
Certains écrivains produisent dans des situations de détresse, soit pour exorciser un mal ou pour fuir le temps, soit pour affronter une épreuve ou combattre une dépression. Personnellement, je considère l'écriture comme un instrument de perception, un compagnon de solitude.
Toujours dans le même ordre d'idées, votre diplôme de doctorat ès Sciences de l'Université de Montréal vous a été attribué à la suite de quelle découverte?
J'avais une échéance de dix ans pour soutenir ma thèse intitulée RÉGULATION DE LA BIOSYNTHÈSE ET DE L'EXCRÉTION DE L'OROTATE INDUITE PAR LES ACIDES AMINÉS AMMONIAGÉNIQUES, laquelle consistait à démontrer l'effet des différents acides aminés sur le métabolisme de l'ammoniaque et de l'acide orotique en tant que promoteur de tumeur. J'ai pu réaliser cette expérimentation dans un délai de cinq ans.
Comment êtes-vous parvenu à entreprendre ces études d'aussi haut niveau? Et quelles sont les difficultés inhérentes à ce stade?
La discipline scientifique est très stimulante et exige des sacrifices. A mesure que l'on avance dans le domaine de la recherche, de nouvelles opportunités s'offrent à nous et nous incitent à explorer et à expérimenter différents horizons. C'est grâce à la recherche que les cliniciens de diverses sphères de la médecine parviennent à utiliser des valeurs standard, des valeurs de référence pour le bien-être et la santé des patients. C'est dans cette optique que j'ai entreprise des études de licence en Biologie expérimentale, de maîtrise en Nutrition clinique, de doctorat en Biochimie des acides aminés (métabolisme intermédiaire), ainsi que mes deux stages post-doctoraux en Neurosciences et en Pharmacologie clinique.
Je dois avouer que c'est par amour de la science et par vocation que j'ai pu atteindre ce niveau malgré les difficultés inhérentes à la démarche scientifique. Car le salaire d'un chercheur est de loin inférieur à celui d'un praticien.
Avez-vous été l'objet de préjugés et de préjudices de la part d'un quelconque confrère ou d'un supérieur hiérarchique?
J'ai toujours été privilégié dans mes démarches académiques. Par contre, j'admets que la situation n'est pas aussi favorable pour tous les étudiants. Il faut dire que je me suis donné comme discipline une grande rigidité, un acharnement au travail et le respect des politiques propres à chaque institution.
Quels conseils seriez-vous prêt à donner aux jeunes qui aimeraient embrasser ce genre de discipline?
Je leur dirai de maintenir leur motivation malgré vents et marées, de se méfier des subalternes qui pourraient, sans scrupules, compromettre leurs projets d'études. Il faut comprendre qu'un stagiaire étudiant n'a pas nécessairement un statut d'employé. L'étape la plus fragile est la période d'initiation à la recherche.