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Recueillements
RECUEILLEMENTS à ma mère
Ludovic Booz © Nader Galerie |
ossature d’Ève pardonnée par la chair ô ma sultane aux épaules larges de rêves
d’instables poèmes où pose ma mère acrobate de l’île mère d‘enfance cherchant bougainvillées et roses sans épines pour ses enfants terrassés des bouges
tout amant mon père aimant du corps humain demoiselles et jolis cous maniant l’arnaque et le baratinage des désirs l’acte osé d’Éros et la fécondité des thuyas
ma mère femme d’une même lettre et d’un seul homme aux affres de l’ancêtre bouteille à la mer auprès des barricades
d’aimer sans se soucier de l’aveugle qui braille dans les arcanes de l’abeille
mais rêves de reptile et serpenteau mobiles passagers d’une rousse divinité sans bornes
mère tu fus l’alizé de l’avenir la pluie chaude de mes étés
de t’aimer nasse de mes nuits au nord des scribes de l’énarque
je me revois enfant maquillant les ménarches
et je nous revois à vau-l’eau tranquilles dans nos sorties d’opale sans mon père préoccupé au gré des aires de combat
je nous revois dans la cour des grands aux somptueuses fêtes des orchidées
mais d’où vient l’amour d’un prince sans peur pour la Reine-mère sa reine des quatre chemins et de tous océans qui mènent au bout de l’aventure
d’où vient le chant qui ne sera pas d’accord avec le rut des pierres mais un chant d’accord pour les petits et les coquelicots
quelques minutes de réconfort en privé dans un délai apprivoisé à mon égard ô mère de joaillier des mots -------------- térébinthe
d’une rose sans rets ni épines
qui ne rêve pas de retrouver ses feux follets d’enfance
de retracer dans la mélasse en feu les vèvès des jours pincés d’amitié
qui n’en rêve pas
qui ne dors pas
j’ai connu l’exil enfant d’un homme errant sans équivoque enfant d’un père poète avant Vilaire mais qui aimait trop l’ubac et la mer
j’ai écouté des fleurs géantes de ce pays grands dons au bond massif des récoltes communistes de cœur pour les changements à venir éternels étudiants saluant les pages et les avenues pleines écrivains et poètes pilonnant les nuits et les méfaits de l’ombre
brève ô mère la chute soumise à notre première défaite mais prolongée depuis le départ de mon père éternel prédateur des féminins cœurs homme d’élocution et d’affrontement depuis la rentrée des cigognes
et dire que tu es là aujourd’hui ô mère
en sursauts de souhaits pour tes enfants à demi-endormis
dans les phonèmes
et dire qu’il est écrit que le poème
ton poème
comme une alerte
revient à la douleur
mais s’il aurait fallu
que l’angle de ton ombre traverse l’étale présence du vide
ce vide de la mémoire de l’homme aimé
nommant l’amour et la victoire où il passe
l’éclair de ses paroles aimantes
redites à l’imposture des pierres de vertige
oui nous avons franchi mère l’aire requise
faufilé entre les doigts du temps et du mensonge
nous avons sans doute
en chacun de nous le vers d’immensité
qui unit le cœur épuisé
Sainte-Thérèse (Québec), 08 octobre 2008