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Massillon COICOU, le poète fusillé

Saint-John Kauss

Massillon Coicou, né à Port-au-Prince (Haïti) le 9 octobre 1867. Contrairement à Oswald Durand, l’autre poète de la même époque, il fit des études assez sérieuses et entra dans l’enseignement en 1891 comme professeur au Lycée Pétion, l’une des meilleures institutions scolaires de l’époque. Jusqu’en 1897, il y enseigna. En 1900, il fut nommé Secrétaire de Légation à Paris. De retour en 1903, il fonda la bibliothèque AMICA et la revue littéraire L’Oeuvre.

Il est l’un des fondateurs du cercle littéraire, Les Émulateurs, qui donna naissance à La Ronde. Il collabora également au journal L’Avenir:

Massillon Coicou a publié: Poésies Nationales (1892), Passions (1903) et Impressions (1903). Il a également écrit pour le théâtre: Liberté (1904, représenté au théâtre de Cluny, Paris), L’Alphabet (1905), L’Empereur Dessalines (1906), Vincent de Paul (1907).  Son unique roman, La Noire, a été publié en feuilleton dans le journal Le Soir du vendredi 3 novembre 1905 au mardi 5 juin 1906. Autres publications rapportées par l’histoire littéraire: Primes Vers d’Amour; Cents sonnets, Caprices (poésie créole), Études sur la littérature haïtienne, Philosophie pour la race noire, Le fils de Toussaint (théâtre), L’oracle (théâtre), etc.

Firministe convaincu, trahi par un de ses “proches”, le général Jules Alexis, il fut exécuté, sur l’ordre du président Nord Alexis, dans la nuit du 15 mars 1908, accompagné de ses deux frères, Horace et Louis, ainsi que d’autres conjurés. Massillon Coicou était partisan de l’intégration du “patois” créole dans les lettres haïtiennes.

 

À TOUSSAINT LOUVERTURE

Je te consacre un culte, à toi que transfigure
En Dieu notre humble orgueil qui jamais ne décroît ;
À toi qui, pour l'amour de nous, souffris le froid,
La faim, l'affront cruel, la plus lâche torture !
Apôtre précurseur des rédempteurs du Dieu,
Tu mourus immortel ! Ton martyre t'épure;
Tes fils ont le front haut quand ils parlent de toi,
Car ta gloire est sacrée, ô Toussaint Louverture !
Lorsqu'un traître pour toi dressa le Golgotha ;
Quand dans l'enfer du Joux un ingrat te jeta,
Dans l'âme de tes fils tu fis passer ton âme.
On t'appelait « le Nègre ! », on t'appelait « l’Infâme ! »;
L'infâme a su charmer l'auguste Liberté,
Du nègre, avec orgueil, un peuple se réclame.
                                   (Poésies Nationales)

À PÉTION

Rayonne, demi-dieu, toi qui, parmi ces braves
Dont nous nous proclamons l'humble postérité
Brisant partout comme eux la chaîne des esclaves.
Sur des droits éternels fondas leur liberté.
Dédaigneuse, stoïque, au milieu des entraves,
Ton âme s'imposa tant de sérénité,
Que tous ces vils serpents bavant sur les plus graves
N'ont pas osé siffler ton immortalité !
Or, rien qu'en les nommant, ainsi qu'elle s'incline
Devant Toussaint, Capois, Christophe, Dessalines,
Ces noms sacrés auxquels ton nom sacré s'unit,
Devant toi-même que reflète sa gloire
Et soutiens ses pas, toute la race noire
T'offrant l'apothéose, à genoux, te bénit.
                                                    (Ibid)

À CHRISTOPHE

Dans ta sphère sereine – oh ! tu fais bien – repose
Impassible, certain que jamais nul affront,
Rien de tout ce qu'on dit, rien de tout ce qu'on ose,
Ne ternira l'éclat dont rayonne ton front.
Ayant moulé le bronze  – ô noble Forgeron !
Que t'importent ceux-là que l'œuvre grandiose
Fait bondir de colère ! en vain ils baveront :
Ils prendront part quand même à ton apothéose !
Oh ! oui, garde ton calme ainsi que ta fierté ;
On finira, demain, par comprendre ton rôle
Dans son côté sublime ; et la postérité,
Déposant sur ton front une blanche auréole,
T'invoquera souvent comme un vivant symbole
Du travail cimentant l'Ordre et la Liberté.
                                                        (Ibid)

 

  • COICOU (Massillon): Poésies  nationales, V. Goupy et Jourdan, Paris, 1892; Presses Nationales d’Haïti, Port-au-Prince, 2005; Passions, Dujarric, Paris, 1903;  Impressions, Dujarric, Paris, 1903; L’Empereur Dessalines, Impr. E. Chenet, Port-au-Prince, 1907; Fardin, Port-au-Prince, 1988.

 

3.1.2012

Viré monté