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Au nom de l'amour estropié

Jean Armoce DUGÉ

In Anthologie du jour et de la nuit, recueil inédit.

Je n'aime pas le laisser-aller du temps des dérives. C'est pourquoi, j'oins mon texte en lui léguant ses connecteurs illogiques. Mais je ponctue ma vie pour te la faire lire sans micro et sur des pages réelles où le vent balade dans ton sourire en guise d'impression à encre blanc, couleur de tous nos ennuis de la mort à la vie.

Je n'ai pas la patience de vider entre toi et moi tout le contenu du jour inachevé, toujours inachevé quelle qu'heure il soit.

Hier soir, on parlait de cigarettes et autres peccadilles. De Ferre qui se mêle de Rimbaud. Toujours Rimbaud au pays des millénaires poétiques. De Santo-Domingo et de Port-Salut aussi. De l'amour et de l'amant.

Depuis le jour que l'église fait de l'adultère un objet de convoitise, des baisers un tableau lithurgique je n'ai plus le projet de t'embrasser sans sollenité, loin des brouillards et de la pluie. C'est que j'ai imprimé la gaieté des matins dans la musique de ton coeur par l'entremise de tes yeux. C'est que tes yeux avec leurs sortilèges nés du ciel et de la terre, entre la lune et les étoiles font le tour du soleil plus vite que la terre.

Il y a tel soleil bon enfant qui sourit et ne me brûle jamais, jamais. Car tes yeux aprivoisent tous leurs feux dangeureux.
 
Je n'aime pas le laisser-aller des dérives du temps.

Je fatigue la vie et lui ment, faute de témoins. Comment ne pas aimer attendre la fécondation du soleil?

Je n'erre plus dans les tourments de Babel!

Les adultes prennent à présent au sérieux les inventions des enfants sur le sable. Les pytagoriciens ne peuvent plus interdire la rentrée de tous les âges dans le temple.

Eux aussi, Ils sont de leur temps, les imbéciles.

Trop obsédant, le temps dans les dérives du laisser-aller! Cela fait un beau poème que déclame la vie. Les hommes applaudissent sous les assauts du soleil et de la mer. Que peuvent les magistrats sinon que crier la séance est levée?

Comment alors fermer les rideaux sur l'attente, debout sur scène?

Aujourd'hui, il pleut, ma chérie, sur Alaska. Je suis triste à cause du soleil qui m'empêche de me laver sous la pluie. A cause aussi de tes yeux gardés à distance imprévisible et sans mesure par rapport à mes plaies béantes.

Qui me préservera de la descente aux enfers?

Entre l'attente et la distance, je compte. Je compte les petites étoiles naissantes, le nombre de fois que le soleil tourne la terre sous la musique du vent, à l'insu des curieux. Je compte non sans fatigue, sans non plus nourrir l'espoir de finir un jour, le nombre de cadavres que la presse ne mentionne jamais.

Je compte des milliers de fois par jour les généreux, les amoureux et les juges.

Je compte dans l'espace d'un scillement les fidèles et les forts.

Je compte depuis des siècles le nombre d'enfants et d'adultes qui n'ont jamais les moindres miettes d'espoir de se voir un jour attablé pour goûter du pain pour lequel à longueur de journée ceux qui en ont et qui en jetttent à leurs yeux prient chaque jour.

Je compte. Je compte par 2, par 3, par 100. Du plus petit au plus grand et vice versa.

Je compte les jours et les nuits, les contes et les rêves, tous les rêves, la vie et les folies, sauf nos folies, ma chérie, trop innombrables pour les limites des nombres.

Qui me sauvera de mes amis?

Le jour ne se lèvera plus jamais sur Belgrade. Il y fera toujours un temps de neige. Les hommes en profiteront pour skier sans jours et sans nuits.

Je suis avec mon siècle et mon siècle avec le temps et le temps, temps de ce dit d'amour.

L'amour, l'amour, mon amour: comment dirais-je...?
 
L'amour, l'estropié.

Oh! que c'est triste les empreintes de la guerre! Qui décorera ce grand guerrier, ma générale?

 

Viré monté