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Rue des Syriens

Raphaël Confiant

 

 

 

 

 

 

 

Rue des Syriens, Raphaël Confiant • Mercure de France
ISBN 9782715232549 • 2012 • 22 €.

Rue des Syriens

"Wadi stationnait aux pieds du Christ-roi, tenant d’une main une valise fatiguée, de l’autre un journal avec lequel il tentait de se protéger de la férocité du soleil tropical. Tout autour s’agitaient marchandes de légumes, débardeurs, djobeurs poussant leurs charrettes à bras hétéroclites, chauffeurs de taxi-pays qui jargouinaient sans arrêt dans une langue pour lui incompréhensible. Il s’étonnait qu’ils fussent pour la plupart d’un noir d’ébène, hormis quelques visages couleur de miel. Soudain, un gamin rieur le tira par la manche: «La Syrie, tu vas fondre sur toi-même, oui! Ha-ha-ha !»"

À la fin du XIXe siècle, des centaines de milliers d’habitants issus des pays du Levant – Syrie, Palestine, Liban et Jordanie – émigrèrent en Amérique du Sud et dans l’archipel des Antilles. Ils furent désignés sous le nom générique de «Syriens». Wadi est l’un d’eux. Quand il débarque à Fort-de-France dans les années 1920, le dépaysement est total. Il est à la recherche de son oncle Bachar, qui l’a précédé en Martinique au début du siècle. Wadi a tout à construire dans ce nouveau pays où il va vivre de multiples aventures et croiser de nombreux personnages: Fanotte la superbe et fantasque revendeuse, Bec-en-Or le crieur de magasin, Ti Momo le fier-à-bras amateur de combats de coqs, des maîtres en sorcellerie, un boutiquier chinois, un prêtre hindou, et bien d’autres encore, caractéristiques du melting-pot antillais… En célébrant l’épopée des Levantins à la Martinique, Rue des Syriens est aussi un grand roman sur l’intégration qui plaide pour une identité-mosaïque.

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«Rue des Syriens» ou la perfection d'un style d'écriture …

Avec le roman «Rue des Syriens» Raphaël Confiant achève presque son œuvre romanesque sur la diversité des communautés qui fonde aujourd'hui la nation martiniquaise, diversité due à divers modes d'immigration, la plupart du temps, pas de gré mais de force. Il s'agit après les chinois et les hindous des immigrés levantins originaires du Proche-Orient. Il faut d'emblée souligner l'érudition étonnante de l'écrivain sur le monde arabe et musulman. Le théâtre du roman est les quartiers déshérités de Fort-de-France où vivent les dénantis où se croisent des personnages bigarrés, aux croyances qui s'entremêlent, aux langues qui s'entrechoquent, au choc de cultures. Il y a chez tous les personnages une dualité entre le pays natal, sa culture et  cette assimilation, cette intégration au monde créole qui se fonde même sur la diversité. Que dire de la relation entre Fanotte et Wadi? Une histoire d'amour,  impensable ailleurs qu'à la Martinique. Que dire de la conversion de l'oncle Bachar par amour pour une coulie? Les personnages sont forts, bien campés. Pas de sirop-miel! Tout le talent de Confiant réside dans la rudesse des personnages et des situations, qui éclatent à chaque page comme une apothéose. C'est un roman qui se dévore. Car l'écrivain atteint aussi la perfection de son style d'écriture. Créole francisé ou français créolisé. Confiant reste fidèle en le perfectionnant à un style qui a fait le bonheur de ses premiers romans, un style où il écrit désormais en maître: «Le Nègre et l'amiral», «Eau de café», «La vierge du grand retour», «Nuée ardente»... Je laisse le lecteur savourer les truculentes pérégrinations du petit monde de Raphaël Confiant.

Thierry Caille

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«Rue des Syriens» à la bibliothèque Schœlcher (07.09.2012)

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