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Chronique du temps présent

Ce peuple n’a jamais lu Césaire !

Raphaël Confiant

18. Janvier 2010

Césaire


Les réactions quasi-hystériques à mon encontre suite à l’article que j’ai écrit au soir du vote honteux du 10 janvier dernier prouvent au moins une chose: les Martiniquais – y compris les césairiens, les césairistes et les césairolâtres – n’ont jamais lu Césaire!!! Sinon ils connaitraient le poème suivant. Sinon ils sauraient que Césaire leur avait déjà dit leur fait de manière aussi violente et injurieuse (j’assume!) que moi. Oui, j’assume car j’ai ressenti ces 80% de «cri d’amour envers la France» (Sarkozy) comme un véritable crachat lancé à mon visage et à celui de ces milliers de Martiniquais qui depuis plus d’un demi-siècle se sont battus (et continuent de se battre) pour faire advenir le peuple martiniquais.

Or, quand on me crache au visage, je riposte! Man sé an chaben.

Mais, chers lecteurs (-trices), revenons à ce fameux poème de Césaire. Prenez trois minutes de votre temps pour le lire. Lentement. Très lentement et à haute voix si possible.

«Ah, vous ne partirez pas que vous n’avez senti
La morsure de mes mots sur vos âmes imbéciles
Car, sachez-le, je vous épie comme ma proie…
Et je vous regarde et je vous dévêts au milieu de vos mensonges et de vos lâchetés
Larbins fiers petits hypocrites filant doux
Esclaves et fils d’esclaves
Et vous n’avez plus la force de protester de vous indigner de gémir
Condamnés à vivre en tête-à-tête avec la stupidité empuantie sans autre chose qui vous
tienne chaud au sang que de regarder ciller jusqu’à mi verre votre rhum antillais…
âmes de morue.»

EXPLICATION DE TEXTE

Ce n’est pas que je veuille vous contraindre à faire une explication de texte, chers lecteurs. La classe de quatrième est loin derrière nous. Mais enfin tout de même, vous avez bien lu! Vous avez lu tout comme moi:

  • «la morsure de mes mots»
  • «vos âmes imbéciles»
  • «vos mensonges et vos lâchetés»
  • «larbins fiers»
  • «petits hypocrites»
  • «esclaves et fils d’esclaves»
  • «condamnés à vivre avec la stupidité empuantie»
  • «âmes de morue»

Ce ne sont pas des injures peut-être?!! Bon, Césaire était un poète de génie, donc cette diatribe adressée au «peuple» martiniquais passe mieux que mon texte qui est celui d’un prosateur de talent. Je n’ai jamais confondu, pour ma part, le génie et le talent. Mais, enfin, cette considération mise à part, je n’ai fait que répéter exactement la même chose que l’auteur du «Cahier d’un retour au pays natal». EXACTEMENT! Donc quand je vois ces nullards du site-web césairiste «Politiques publiques» (drôle de titre! Ça existe les «Politiques privées»?), entre autres, se livrer à une curée à mon endroit, je mesure à quel point ces gens-là, à quel point les gens du néo-PPM, n’ont jamais lu une seule ligne de Césaire de toute leur vie. A quel point ils utilisent, sans vergogne, son image pour faire avancer leurs misérables ambitions sans même savoir que Césaire a toujours été très dur envers lui-même mais aussi envers le peuple martiniquais.

AMES DE MORUE

Car Césaire a toujours dit son fait au peuple martiniquais!

Croyez-en quelqu’un qui a dû relire toute son œuvre littéraire, lire tous ses discours à l’Assemblée nationale et la plupart des ouvrages consacrés à sa personne tant en français qu’en anglais afin de pouvoir écrire «Aimé Césaire – Une traversée paradoxale du siècle»! Alors, oui, c’est vrai, que probablement contraint par son entourage, il a dû, dans son action politique, souvent baisser la garde, flatter les gens dans le sens du poil, se rétracter, «moratoirer», c’est vrai, mais dans son œuvre intellectuelle, dans ses écrits, il n’a jamais molli: l’expression «âmes de morue» est suffisamment explicite à cet égard.

Aujourd’hui, après le vote honteux du 10 janvier (car aux 80% de «NON», il faut ajouter les abstentionnistes, ceux qui n’ont pas jugé bon de se déplacer pour faire avancer la Martinique de quelques pas, ce qui fait en réalité 99% de «NON»), Césaire ne doit pas se retourner dans sa tombe. Non, il doit simplement se dire: «Heureusement que je ne suis plus de ce monde!».

Je dédie donc ce poème de Césaire à tous ceux qui, par milliers, sur RFO-radio, ATV, Bondamanjak, Politiques Publiques et ailleurs m’ont vilipendé, cloué au pilori, appelé au lynchage physique de ma personne, traité de psychopathe et autre nom d’oiseaux. Quand j’en aurai le temps, je m’expliquerai et mon texte s’intitulera «Quand on vous crache au visage, vous ripostez!».

Pour l’heure, comme j’ai d’autres chats à fouetter, je vous dis un mot que Césaire affectionnait beaucoup: MERDE!

 

Raphaël Confiant

 Viré monté