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Kaméwoun

Pius NJAWE, combattant de la liberté
de la presse africaine

Raphaël Confiant

Pius NJAW

Il débordait d’une énergie communicative et avait foi dans la mission qu’il s’était donnée: implanter durablement son journal, «Le Messager», dans le paysage médiatique camerounais entièrement entre les mains d’un des derniers dinosaures de la Françafrique, le président Paul Biya. La seule fois où je l’ai rencontré (à Paris, chez le poète camerounais Paul Dakéyo), il revenait d’un énième séjour dans les geôles du tyran de Yaoundé et n’était aucunement prêt ni à baisser les bras ni à se laisser acheter, seules portes de sortie offertes en Afrique aux militants politiques, syndicaux, culturels ou journalistiques. Il m’interrogea sur Aimé Césaire, pour qui il avait une immense affection, et sur l’état de la presse aux Antilles. Pius était quelqu’un d’ouvert, aucunement afrocentriste, persuadé que sa lutte était celle d’abord des Camerounais certes, mais aussi de tous les Africains et de tous les peuples sous domination du monde de quelque couleur qu’ils soient.

Créé au départ avec ses propres fonds et ceux d’amis proches, «Le Messager» est un journal de qualité qui a toujours su privilégier l’analyse de fond en lieu et place de la dénonciation gauchiste et c’est ce qui explique sans doute qu’il n’ait pas pu être interdit par le pouvoir. Mais ce dernier l’a toujours harcelé et tel ou tel numéro était saisi selon les sujets abordés, Pius, quant à lui, faisant régulièrement des séjours en prison. Rien qui puisse entamer sa détermination!

Il est décédé cette semaine dans un accident de la route, sur une aire de stationnement dans l’état de Virginie, aux Etats-Unis. Les conditions de cet accident sont pour le moins rocambolesques et le FBI  s’est trouvé obligé d’ouvrir une enquête. La Lexus à bord de laquelle il se trouvait a été emboutie de l’arrière par un camion, du côté passager où se trouvait le journaliste, comme par hasard. Le conducteur du véhicule japonais, un ami de Pius, n’a été que blessé.

Les amis de Pius ont posé publiquement (et sur Internet) dix questions à propos des conditions de cet accident. Dix questions tout à fait troublantes et qui laissent à penser qu’on n’a peut-être pas à faire à un banal accident de la route. En fait, la principale interrogation consiste à se demander qui avait intérêt à ce combattant de la presse libre au Cameroun disparaisse.

Oui, qui?...

R. Confiant

boule

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