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Entretien Raphaël Confiant :
Propos recueillis |
«Désertification». Personnalité très appréciée aux Antilles, Raphaël Confiant, l’homme et ses idées, est encore méconnu en Guyane. Le thème de la jarre (pleine de connaissances et de savoir) du Béké mis en avant dans son dernier ouvrage La Jarre d’or, pourrait aisément servir à une introduction à la pensée militante de l’auteur.
Votre dernière œuvre, La Jarre d’Or a valeur de témoignage. Le texte est teinté de mysticisme et est fort bien documenté, puisqu’il met en lumière la personnalité des békés de l’époque. Est ce une énième critique des anciens maîtres de l’ile où, au contraire, l’envie de créer une passerelle de communication entre «eux» et les créoles mulâtres sur le sujet la connaissance et du savoir?
Dans ce livre, je détourne en fait la mythologie créole puisque la jarre que recherche mon héros, l’aspirant écrivain Augustin Valbon, n’est pas remplie de louis d’or mais de...livres. Il s’agit d’une métaphore de la condition de l’écrivain, c’est-à-dire celui qui ne cesse de fouiller le langage sans savoir très exactement ce qu’il cherche et où il va.
Que devient le mouvement politique «Bâtir le pays Martinique» et tous les autres mouvements lancés avec vos amis militants, Boutrin, Bernarbé et Chamoiseau?
Je n’ai jamais été un militant politique au sens classique du terme, mais plutôt un franc-tireur, quelqu’un qui n’aime pas trop obéir aux mots d’ordre d’un parti. Donc oui, j’ai été membre de diverses organisations politiques martiniquaises depuis bientôt 30 ans, mais je les ai toutes quittées. Mon combat se situe davantage au niveau de l’idéologie, de l’imaginaire, des formes culturelles car ce sont d’abord et avant tout ces dernières qu’il faut nous efforcer de changer si nous voulons vraiment avancer.
Qu’en est-il aujourd’hui du concept de la créolité?
Le concept de Créolité a donc été lancé il y a maintenant 20 ans puisque l’Éloge de la Créolité a été publié en 1989. Depuis, ce concept a connu un succès important non seulement dans nos pays mais aussi à travers le monde. Nous sommes traduits en japonais, en allemand, en grec moderne, en italien et, bien sûr, en anglais. Nos ouvrages sont étudiés dans de nombreuses universités étasuniennes, canadiennes, européennes et asiatiques. Toutefois, au niveau de l’impact lui-même de la Créolité sur nos sociétés, j’avoue, pour ma part, être un peu déçu. J’imagine que Césaire devait éprouver la même chose dans les années 50 avec son concept de Négritude ainsi que Glissant dans les années 70 avec son concept d’Antillanité. Déçu parce que notamment, nos politiques ont été incapables d’intégrer ce concept à leurs combats...
Quel regard portez-vous sur l’écriture en créole aux Antilles et en Guyane française?
L’écriture en créole a fait des progrès foudroyants depuis une trentaine d’années dans nos pays. Désormais, chaque année, il se publie 3 ou 4 livres en créole alors que par le passé, c’était plutôt tous les deux ou trois ans. Cela est dû en partie au fait qu’il y a désormais un lectorat créolophone grâce à la création d’une licence et d’un master de créole à l’Université des Antilles et de la Guyane et aussi du CAPES de créole. Le fait que le créole soit de plus en plus enseigné à l’école pousse à l’augmentation des publications dans notre langue.
Avez-vous des projets de scénarios de films ou de série télévisée en Créole ou en Français pour mieux communiquer l’histoire de nos contrées à nos voisins de la Caraïbe?
Hélas, non! Le cinéma n’est pas mon domaine même si j’adore regarder des films de qualité. Je pense, toutefois, que nous devons faire des séries télévisées et des films créoles (en français ou en créole) afin de lutter contre l’invasion d’imaginaires extérieurs à notre culture. Et puis, nos enfants ont besoin d’admirer des héros créoles...
Propos recueillis
par Ricardo S. Rippert
La semaine guyanaise du 30 octobre au 5 Novembre 2010.