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Chronique du temps présent Petites décéptions…
R. Confiant et M-E. Leclerc (Marché de St-Pierre 2007) |
PRIX NOBEL DE LITTERATURE
L’écrivain péruvien Mario Vargas Llosa est donc le lauréat, cette année, de la plus prestigieuse distinction mondiale. Encore une fois, le nom d’Edouard Glissant aura circulé dans les cercles bien informés comme c’est le cas depuis bientôt dix ans, mais depuis l’attribution du Prix à Jean-Marie Le Clézio en 2008, il était clair que l’écrivain martiniquais n’avait aucune chance. En effet, le Prix Nobel de littérature récompense certes le talent individuel, mais aussi les pays et les zones géolinguistiques. Chacun son tour en quelque sorte: telle année un francophone, telle autre un anglophone, telle autre encore un arabophone etc…Et quand un pays ou une zone l’obtient, il (elle) doit attendre au moins une décennie, voire deux, avant de l’obtenir à nouveau. Autant dire qu’avant qu’un Français l’obtienne à nouveau, de l’eau aura déjà coulé sous les ponts et donc, Glissant se trouve handicapé par sa nationalité française. Il aurait eu la nationalité barbadienne ou antiguaise qu’il aurait déjà été couronné depuis longtemps!
Sinon, Vargas Llosa est un écrivain au talent immense, mais aussi, hélas, un fieffé réactionnaire qui se fait le chantre de la conquête des Amériques par les Espagnols en qui il voit des civilisateurs!!! Il a d’ailleurs pris la nationalité espagnole depuis quelques années et on ne sait pas vraiment qui du Pérou ou de l’Espagne a été récompensée par ce Nobel.
Lisez quand même «La Fête au bouc» (éditions Gallimard) qui évoque la dictature de Trujillo en République Dominicaine pour mesurer la puissance d’écriture du bougre!
PRIX NOBEL DE LA PAIX
Mairead Maguire, Irlandaise et Prix Nobel de la Paix (1976), a été emprisonnée durant trois jours à l’aéroport de Tel-Aviv avant d’être refoulée par les autorités israéliennes parce qu’elle comptait se joindre à un cortège de pacifistes qui organisait une marche en direction de la Cisjordanie occupée.
Si c’était Cuba ou le Venezuela, la Syrie ou l’Iran, qui avaient osé refouler un Prix Nobel, tous les médias occidentaux auraient poussé des cris d’orfraie et hurlé à la dictature.
Là, c’est le silence quasi-total…
EL SUPERMERCADO
Après la visite endiablée d’EL DIABLO, acteur de telenovela et chanteur, qui a mis des milliers de Martiniquaises en folie ces temps derniers, voici que dans la foulée est apparu EL SUPERMERCADO (Michel-Edouard Leclerc). Ses deux supermarchés «ont été pris littéralement d’assaut par des milliers de gens accourus de toute l’île, ce qui a causé des embouteillages monstres qui ont duré plus de trois heures», nous informe le quotidien local. Apparemment, ce n’est pas au Niger qu’il y a la famine ces jours-ci, mais bien dans notre chère Martinique!
Je connais Michel-Edouard Leclerc qui est un grand patron, mais aussi un type bien. Pourquoi? Eh bien, quand ses coreligionnaires investissent dans les tableaux de maître, les sculptures ou les chevaux de courses, lui, il investit dans…le livre. Enfin, investit, c’est beaucoup dire, il fait du mécénat serait l’expression appropriée. Ainsi, il est l’un des principaux bailleurs de fonds du Festival «Étonnants Voyageurs» organisé chaque année, à Saint-Malo, par l’écrivain Michel Le Bris, festival qui est le deuxième plus important rendez-vous littéraire de France après la Foire du Livre de Paris. J’ai participé deux ou trois fois à ce festival et ai eu l’occasion de discuter avec Leclerc. Il aime sincèrement le livre car il faut vraiment être fou pour mettre son argent dans un truc qui ne rapporte rien. Quand François Pinault, autre grand patron, achète une toile de Picasso ou de Basquiat, il peut espérer la revendre autour d’1 ou 2 millions d’euros. Quand, à l’inverse, vous mettez vos sous dans un festival du livre, cela revient à charroyer de l’eau dans un panier. Un bouquin n’a aucune valeur commerciale: allez à la Librairie Antillaise et vous pourrez acheter pour moins de 20 euros un bouquin de Vargas Llosa, le Prix Nobel de cette année!
Bon, en tant que patron de supermarché, c’est autre chose. Les Leclerc font dans les prix bas et connaissent un grand succès dans l’Hexagone. Sauf que le prix bas, c’est très bien pour le consommateur et pas mal pour l’image du supermarché, mais c’est mauvais, très mauvais pour le producteur. Il y a donc deux gagnants et un perdant. Or, le perdant est le producteur car toute production a un coût, donnée qui apparemment échappe au citoyen moyen. Ce qui veut dire qu’on ne peut pas tirer indéfiniment les prix vers le bas, sauf à vouloir étrangler les producteurs. Résultats des courses: seuls les gros producteurs peuvent consentir d’importants rabais aux supermarchés type Leclerc lesquels font effectivement des prix assez bas. Mais qui paye les pots cassés dans tout ça? Les moyens et petits producteurs qui n’ont pas les épaules suffisamment larges pour trop baisser sur le prix de vente de leur marchandise. Autrement dit le prix bas, toujours plus bas, favorise la concentration capitalistique et le monopole!!!
D’ailleurs, une centaine de moyens et petits producteurs ont porté plainte contre Leclerc et ce dernier a été condamné il y a quinze jours à leur verser 20 millions d’euros de dommages et intérêts. Motif: les moyens et petits producteurs devaient payer des commissions occultes pour pouvoir figurer sur les rayonnages des supermarchés du groupe. Bravo la justice, direz-vous! Eh bien non: aucun moyen ou petit producteur ne sera assez inconscient pour aller réclamer sa part de ladite amende aux établissements Leclerc. Le faire reviendrait à signer son arrêt de mort car plus jamais ses marchandises ne seraient présentées dans les rayonnages des supermarchés en question.
Donc prix bas-prix bas, OK! Mais gardons tout de même à l’esprit qu’en système capitaliste, plus les prix sont bas, plus cela avantage en réalité les gros producteurs car ils se rattrapent toujours sur le volume de la marchandise écoulée.
MINEURS CHILIEN
Pendant que les grands medias nous captivent avec le sauvetage des 33 mineurs chiliens, 10.000 Amérindiens Mapuches sont en lutte depuis des années contre le gouvernement chilien qui les exproprie de leurs terres ancestrales et coupe leurs forêts pour en vendre le bois précieux. Pour les Mapuches, la Conquête de 1492 n’a jamais eu de fin! 500 ans de résistance ininterrompue au colonialisme blanc, puis au néo-colonialisme métis.
Les Mapuches, CNN, TF1, la BBC et les autres n’en ont rien à cirer!
MAGHREB-MOYEN ORIENT
Sur un site-web martiniquais, on a pu lire la semaine dernière un petit article indigné relatant la mésaventure d’un acheteur martiniquais à la Fnac de Strasbourg. Ce dernier cherchait, en effet, à se procurer mon dernier roman, «La Jarre d’or» et ne le trouvant pas au rayon «Auteurs français», a interrogé un vendeur qui l’a dirigé vers le rayon «Maghreb-Moyen Orient» où effectivement se trouvait l’ouvrage. Colère de l’acheteur qui rappela au vendeur confus qu’en tant que Martiniquais, j’étais Français. Réactions indignées aussi des internautes sur le site-web en question.
Hé, les gars, vous excitez pas! C’est moi qui ai demandé à ce que désormais mes livres soient rangés dans les rayons «Maghreb-Moyen Orient». J’ai fait cette demande le 11 janvier 2010 à l’aube.
LOL! (comme on dit sur Facebook).
Raphaël Confiant
Octobre 2010