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The Difficulty of Caribbeing Psycothria urbaniana.(Endémique des Petites Antilles). Photo Francesca Palli. |
Laissez-moi bâiller
la main
là sur le cœur
à l’obsession de tout ce à quoi
j’ai en un jour un seul
tourné le dos
Pigments2
J’ai rencontré Maryse Condé en 1997 chez Jacqueline Harpman, auteure d’origine allemande et psychanalyste juive à Bruxelles. Un jour, on reçoit un coup de fil de Jacqueline (que j’avoue n’avoir pas lue à ce moment-là) en m’invitant chez elle, à la demande de Condé. Mon mari et ma fille (alors âgée de trois ans) arrivent en trombe de Gand. Condé est radieuse et félicite les jeunes parents d’une fille aussi sage qui crayonne pendant que nous discutons de littérature antillaise, des non-dits, de la misogynoire dans le milieu littéraire et intellectuel antillais, des prix littéraires et des romans en cours. A la fin de cet entretien mémorable, elle me demanda tout de go quand je lui vouerais un essai à elle! Cela, c’était Maryse «crachée. Je venais de publier ma thèse Filles de Solitude sur Simone et André Schwarz Bart3 en tant que postdoc, j’ai alors choisi un défi comparatiste «Caribbeing»4: en quoi Maryse Condé, Toni Morrison et Paule Marshall se ressemblent, se valent, et se correspondent ? Car c’est la thématique de la «mauvaise mère» de la sorcière noire qui tue l’enfant dans son ventre, par amour maternel. En effet, Beloved (1987) et Moi, Tituba (1986) sont encore parallèles par les séquelles de l’esclavage sur les relations familiales, sur le rapport inégal entre les sexes dans les univers post-plantationnaires, sur les troubles d’identité genrée et l’engouement pour le spiritual, l’occulte, forgé dans un réalisme merveilleux à même la narration. Si sur de nombreux points les consœurs partagent un imaginaire et un style, orchestrant une intrigue labyrinthique avec une narration densement intertextuelle, réécrivant par ailleurs les mêmes «founding fathers» (Nathaniel Hawthorne), le canon américain (Faulkner) en même temps que le folk-lore de la tradition orale, je conclus que Morrison (pas encore lauréate du Nobel à la sortie de mon essai en 2001) est encore plus accomplie, son roman poignant étant par ailleurs adopté à l’écran avec dans les rôles principaux Oprah Winfrey et Danny Glover. Lorsque Condé reçut mon exemplaire à New York, elle m’écrit gentiment qu’elle assume et sa réaction sportive m’a fait preuve d’une intellectuelle qui sait aussi accepter ses failles et ses faiblesses, et accepte qu’il y ait d’autres avis, des désaccords même sur l’un ou l’autre roman.
Après Sages sorcières, révision de la mauvaise mère5, on s’est revues régulièrement. Lorsqu’elle prit sa retraite à Columbia University, hommage lui était rendu: cette journée d’études m’est resté gravée dans la mémoire. On était une quinzaine de conférenciers d’autant de nationalités, ce qui illustre l’envergure tricontinentale, voire planétaire de Condé. Elle était présente à cette cérémonie d’adieu, participant à nos interprétations, et déjà lancé dans des projets plus politiques. Ainsi, le Comité pour l’Abolition de l’esclavage fera reconnaître le 10 mai journée internationale de l’Abolition de l’Esclavage.
Lorsqu’elle se retira ensuite en France, après de très nombreux voyages et à des invitations dans de nombreux pays, chaque «tournée» inspirant un roman (le Deep South devient le décor des Derniers rois mages, 1992, l’Afrique du Sud d’Histoire de la femme cannibale, 2003, et ainsi de suite). Mais aussi dans les pays frontaliers, néerlandophones, Condé est dûment lue et enseignée. Ainsi, invitée au Zuiderpershuis à Anvers, j’ai eu l’immense plaisir de l’accueillir parmi nous. C’est à Amsterdam qu’elle est traduite par la maison In de Knipscheer dont le catalogue impressionnant couvre les West Indies et l’Afrique toute langue confondue.
Clusia major.(Endémique des Petites Antilles). Photo Francesca Palli.
A Paris 8, en 2008, une journée d’études lui a été consacrée où j’ai parlé d’une dimension fort tabouisée: le rapport juif-Noir à travers Moi, Tituba, sorcière noire de Salem. Maryse était aux anges mais il m’a paru que certains dans la salle étaient moins confortables, tant cette Relation reste incréée…
En Haïti, Maryse avait des attaches avec plusieurs artistes et écrivains. Invitée au Salon des Etonnants Voyageurs à Pétionville, j’eus le plaisir de dîner avec Richard Philcox, son mari et Maryse (à la même table étaient Jamaica Kincaid et Simone Schwarz-Bart). Comme je naviguais entre l’anglais et le français, elle prit plaisir d’apprendre que le prix Nobel de littérature, Gabriel Garcia Marquez était redevable pour Cent ans de Solitude au roman d’André Schwarz-Bart6. De même, l’auteure de Mr Potter et de Autobiography of My Mother, s’étant convertie au judaïsme, était d’accord que l’héritage arabe, juif, indien et chinois restait une dimension trop inaperçue dans les lettres caribéennes et guyanaises. Son mari Richard, Anglais et son traducteur fidèle, confirme la relativité qu’accorde Maryse au «français de France»: pour elle, la «francophonie» était un pur accident de l’Histoire7, un de ses ancêtres ayant débarqué en Guadeloupe au lieu de Kingston, Curaçao, ou Porto Rico…
Une fois de plus, elle ricana avec «Hoquet»:
Vous ai-je ou non dit qu'il vous fallait
parler français
le français de France
le français du Français
le français françaisDésastre
parlez-moi du désastre
parlez-m'en8
Non dit que ce culte de la langue française, «voleuse de langue» malgré elle…
Epidendrum mutelianum (Orchidée endémique de la Guadeloupe). Photo Francesca Palli.
Contre ce «français de France», Condé prônera l’heureuse empreinte babélique et l’héritage multilingue qui façonnent son écriture. Tournant le dos à la suprématie du français (à la «civilisation française» au sens de Senghor), elle trouva hypocrite et passablement stérile les débats sur le choix de la langue littéraire9. En d’autres termes, l’espace caribéen et les Guyanes était d’abord pour elle un espace comparatiste10 et la traversée des frontières ethniques, religieuses, genrées est aussi une traversée linguistique. Chaque traduction de chacun de ses romans (par son mari) est considérée comme un nouveau roman, suivant son propre chemin vers le lecteur et le public. Essayiste après avoir collaboré à Présence Africaine, entre autres, Condé c’était aussi la pionnière de, la misogynoire et de l’intersectionnalité: avec ses constellations parentales et ethnoreligieuses mixtes, elle montra que il nous faut changer de regard et que le racisme n’était pas réductible à l’antagonisme noir et blanc, mais beaucoup plus stratifié par le critère d’âge, la minorité queer, ou encore l’invisible Autre (Amérindien, Afro-Péruvienne dans Célanire cou-coupé, 2001 et Colonie du Nouveau monde, 1993; juif dans La Belle Créole, 200111, …) Condé n’était pas dupe du sexisme, de la domination «béké» (Blancs des îles) et de l’étouffement dans le milieu clos des Antilles, d’où sa contre voix et contre voie, à contre-courant de la créolité, lançant ses propres manifestes (Traversée de la mangrove, 1997, Héritage de Caliban, 1992). Dans des entretiens, elle reproche aux confrères, qu’ils soient Antillais (Glissant) et Caribéens (Walcott) leur «intellectualisme» et dédain des écritures des femmes, là où Gisèle Pineau (Marie-Galante), Jamaica Kincaid (Antigua, Vermont), Edwidge Danticat (Haïti / New York) pratiquent la théorie par le biais de l’art romanesque. En même temps, elle règle ses comptes avec ses rivales, s’ennuyant (par le portrait de sa protagoniste Rosalie) un soir en Afrique du Sud avec Pluie et vent sur Télumée Miracle….Bien qu’elle se soit approprié grandement et largement, sans se gêner les auteurs schwarz-bartiens12, elle se permet un compte rendu sévère du roman dans Présence Africaine. Professeure de lettres aux Etats-Unis (encore un atome crochu avec Léon Damas (1912-1978), professeur à Howard University). Elle a publié aussi des Anthologies, tant du roman que de la poésie13, et qui plus est, comme Damas, elle s’est trimée à faire traduire ses œuvres, très anglophile. Avec son regard acéré, son œil «le plus marron», elle prête attention au film (amitié avec Peck venu à Anvers en 2016 dans un Colloque international «Patrice Lumumba». Le cinéaste fréquenta de longue date Condé et son mari, signant I’m not your negro (inspiré de Baldwin et des lectures de l’irrévérencieuse Condé. Celle-ci entretient avec Haïti un rapport très particulier: s’engageant dans la littérature de jeunesse avec Haïti chérie, 1987, la Guadeloupéenne s’est toujours proclamée Haïtienne par adoption. Admirant la romancière Marie Chauvet-Vieux, des indigénistes Jacques Roumain et Jacques Stephen Alexis, elle dénonce les mêmes vexations que les Haïtiens, toutes classes sociales confondues, ont subies depuis l’Occupation américaine et au fil du temps. Mais les liens sont plus profonds, plus parentaux…. Condé a plusieurs élus du cœur de la grande île de Saint-Domingue. Son premier conjoint était Jacques V, fils naturel de Duvalier dont elle s’éprit dans ses années estudiantines. Dominique et le père de son premier fils. C’est dans son roman qui sert de contre-manifeste à Eloge de la créolité (1987) que Maryse Condé fait entendre ce qu’elle entend réellement par la «traversée de la mangrove»: le rapport noué d’ambivalences entre les petites et les grandes Antilles, entre la Guadeloupe et Haïti, la grande île et première République noire du Nouveau Monde. Car si l’ex-Saint-Domingue donne le mythe du marronnage abouti, de la révolte d’esclaves menant à la Libération du joug de l’esclavage en 1802, les Antillais vénèrent Toussaint Louverture, mais se comportent plutôt «indifférents» avec l’Haïtien parmi eux, le «Nègre des nègres» pour le dire encore avec Wilnor dans Ton beau capitaine de Simone Schwarz-Bart14. Comme la date de parution de la pièce de Simone Schwarz-Bart coïncide avec le retour de Condé en Guadeloupe, comme les romans La Vie scélérate (1987), Traversée de la Mangrove (1989) suivent de près une représentation critique des réflexes antillais à l’adresse des Haïtiens, force est de constater que toutes deux fustigent l’accueil froid des Haïtiens dans la Caraïbe. Elles pourfendent de façon douce-amère l’attitude inhospitalière à l’égard du «voisin parmi eux», l’Haïtien qui vient couper la canne ou servir de domestique. Dans sa nouvelle «Trois femmes à Manhattan»15, Condé campe une autrice haïtienne, Véra, rescapée de la dictature duvaliérienne. Pianiste, elle se reconvertit en autrice et activiste:
Alliée par les femmes à l'ancien Président Omar Tancrède et par les hommes à l'ancien Président Zamor Valcin, la famille de Vera avait été menée à l'abattoir par ordre du nouveau dictateur, ses terres et ses biens confisques, ses maisons rasées. Si Vera avait échappé à Ia boucherie, c'est qu'elle se trouvait en Europe où elle commençait une double carrière de pianiste de concert et de femme de lettres, et se laissait courtiser par un jeune Italien. Du jour au lendemain, elle avait fermé son instrument et avait mis sa plume au service d'une grande cause. Depuis, elle tenait une rubrique dans un journal d'opposition, cent fois disparu, cent fois réapparu comme un phénix. Elle qui n’avait pas vu Haïti depuis vingt ans, savait tout ce qui s'y passait, analysait-tout ce qui s'y disait. L'île était en elle comme un poto-mitan sous-tendant sa vie. Elle volait d'une manifestation, d'une marche, d'un gala de soutien à un autre, infatigable, administrant a tous le réconfort, puis revenant dans son appartement glacial où tout allait à vau-l'eau comme ses espoirs16.
Anartia jatrophae (Nymphale cendrée). Photo Francesca Palli.
Ne ratant aucune occasion d’exprimer sa sympathie envers Haïti, Condé n’oublie pas dans Traversée de la mangrove d’incorporer un certain Désinor, prénom bien significatif tant l’Haïtien s’efforce de se faire «désirer» mais rate son intégration dans le voisinage insulaire de Rivière au Sel. Intitulant son chapitre «Désinor, l’Haïtien», là où les autres protagonistes de la chorale polyphonique s’appellent Vilma, Evariste, etc., le voisin caribéen incarne l’immigrant mal loti, celui qui, face à la mort d’un autre immigrant, d’origine cubaine, Francis Sancher, se comporte avec une froideur et une indifférence certaines. Car Désinor était le jardinier subalterne, le travailleur discret pour un autre «étranger» nommé Francis Sancher. S’il assiste à la veillée, c’est parce qu’on y sert de la bonne soupe grasse (chou, carottes, giraumon et os à moëlle)17 et qu’il mange rarement à sa faim. Dès lors, la coutume de la veillée lui semble tout à fait égale, puisqu’il trouve les gens qui y assistent bien hypocrites: à quoi bon le veiller, une fois mort? Condé s’y montre donc impitoyable avec ce regard venimeux à l’égard du frère de couleur, celui qui peine à survivre et fuit «Haïti, saignant de toutes ses plaies»18.
Tout au long de son œuvre prolifique, Haïti apparaît ainsi au cœur de son imaginaire, parce que l’île et son peuple et les amis de prédilection siègent au cœur de sa trajectoire personnelle est encore dévoilée «sans fards» dans ses mémoires. Dans La Vie sans fards, Condé se démasque sans se censurer sur sa jeunesse estudiantine et ses premières amours19.
Enfin, s’il fallait donner un top trois dans ma liste favorite, trois romans sortent du lot: Moi, Tituba, Migration des cœurs (1995) et le diptyque Ségou. Ensuite, La Migration des cœurs, roman brontéen sur les impossibles amours, les romances mort-nées, les barrières de «race», classe, voire sexe... En effet, si on sait que Jane Eyre a été écrit par Charlotte Brontë, puis revu par Jane Eyre (Dominica) dans Wide Sargasso Sea (1966), le roman Wuthering Heights de sa sœur, Emily Brontë sera réécrit dans Migrations des cœurs. De la même façon, les Classiques (Shakespeare et Nathaniel Hawthorne, mais aussi Fanon et Césaire, trop focalisés sur les anti/héros, invisibles héroïnes noires et de couleur) sont relus et complétés. Quoique Condé se caractérise par ses vues saillantes et ses aspérités, on ne peut que déplorer les rendez-vous ratés avec L. G. Damas, le plus insoumis des trois de la négritude, le plus à contre-voie et dont la poésie inspire à la fois danse, théâtre, performance mixte…
L’œuvre de Condé connaît déjà des retombées interartistiques, des adaptations et des performances.
Melanerpes herminieri (Pic de Guadeloupe). Photo Francesca Palli.
En guise d’exemple, sa pièce, Comme deux frères, qui aborde l’homosexualité, qui a été programmée en 2007 à Avignon20. C’est dans la même arène que s’est produite une autre grande «sœur de Solitude», Christiane Taubira. Ensemble, après avoir inauguré un Lycée Maryse Condé dans la métropole, elles déclarent: le féminisme est un humanisme au Nouvel Obs’, tel un contre-manifeste21 aux voix masculines. De fait, Condé restera une insoumise, ne se pliant ni aux prescriptions d’écrire en créole, ne cédant pas aux lures d’une opacité gratuite, ou encore aux attentes d’un public.
Bref, née «l’année du cyclone», comme on se plaît à dire aux Antilles lorsqu’on ne connait pas (ou fait semblant) de savoir à la date près la naissance de quelqu’un, Maryse Buculon tournera le dos à tout ce que son éducation lui avait inculqué. Lectrice assidue de Frantz Fanon et d’Aimé Césaire, elle s’est donné comme «haute mission» d’enlever les masques blancs sur la peau noire. Se frayant une contre-voie, elle étudia la littérature à la Sorbonne et enseigna la littérature en Afrique où elle se découvre pleinement Antillaise, ni Africaine, ni Européenne, étrange «homecoming» qu’elle décrit dans son début Hérémakhonon (1977). C’est avec Ségou. Les murailles de terre, diptyque qu’elle atteint le statut de World Literature, déployant sur plusieurs siècles à travers une dynastie la traite négrière, l’esclavage et le colonialisme aux Amériques noires. Enseignant les lettres en Guinée, au Mali, mais d’abord au Ghana sous Nkrumah, elle est expulsée du pays pour cause de désobéissance et d’idéologie indépendantiste (la Guadeloupe ayant la réputation d’être plus «indépendantiste» que l’île sœur, la Martinique). De la même génération que Simone Schwarz-Bart (Guadeloupe) et Paule Marshall22, elle forme une groupuscule de voix féminines souvent méconnues à l’intérieur des îles, dû à une misogynoire et à un goût prononcé pour l’intellectualisme contre lequel elle s’est catégoriquement opposée. En effet, face aux manifestes et théories des intellectuels (Glissant, Chamoiseau, Confiant et le mouvement de la post-Négritude, appelé ‘antillanité’, puis ‘créolité»»), Maryse a lancé à sa guise des contre-manifestes indiquant la fiction comme meilleur moyen de démanteler et décoloniser l’esprit hexagonal et le canon. Car les «classiques» (Shakespeare, les sœurs Brontë, Nathaniel Hawthorne, mais aussi Mary Wollstonecraft ou des essayistes comme Gayatri Spivak) sont systématiquement nuancés, voire contredits dans ses romans polyphoniques qui réécrivent l’Empire colonial (toutes langues européennes confondues): Moi, Tituba, sorcière noire de Salem (1986) est de ce point de vue sublime, d’autant plus qu’il se lit parallèlement à Beloved de l’Africaine Américaine Toni Morrison (Prix Nobel 1993). Nomade inconvenante, citoyenne du monde, Maryse a été traduite par son mari Richard Philcox et recevra, après de nombreux prix, en 2018 le «Nobel alternatif» pour son œuvre romanesque et théâtrale impressionnante. Professeure à la Columbia University, puis à Berkeley (UCLA), Condé s’est réconciliée avec la petite île natale de la Guadeloupe où elle trouva que les stéréotypes et les préjugés raciaux, le culte de la langue française, ou encore les réflexes homophobes peinaient à être «traversés». Installée en France, dans le Lot, elle écrit encore un roman après l’attentat de Charlie Hebdo (Le Fabuleux et Triste Destin d’Ivan et d’Ivana, 2017) et après avoir donné maintes interviews et assisté à de nombreux colloques, donnant son nom à des lycées et se contentant d’être avec Christiane Taubira devenue une intraitable beauté des Iles.
Utricularia alpina (Plante carnivore épiphyte). Photo Francesca Palli.
Avec «Savoir vivre», poème éponyme de L. G. Damas, je prends congé de l’auteure singulière dont l’«intraitable beauté» et l’impérieuse «haute nécessité» de ses romans aux facettes et polyphonies surprenantes ne fait plus aucun doute23.
Notes
- Léon-Gontran Damas, Pigments, G.L.M., 1937. Clin d’œil au titre du manifeste de Glissant et Chamoiseau qui se sont rarement prononcés sur l’œuvre de leur consœur. Cette absence ou refus obstiné à prendre en compte l’œuvre des femmes dans leur milieu est une preuve manifeste de misogynoire. Bien que les aficionados de Glissant voilent cette laideur. Lire le numéro spécial de Jacqueline Couti et Kathleen Gyssels, Mariannes noires (…), Essays in French Literature and Culture, 56 (2019).
- Léon-Gontran Damas, Pigments (1937), réédition, Présence Africaine, 1962, 62. Repris sur E karbe:
https://www.e-karbe.com/livres/savoir-vivre-pigments-p-62-presence-africaine-1962
- Kathleen Gyssels, L’Harmattan, 1996. Voir l’UQAM.
- Mot valise créé par Theo D’haen, spécialiste de l’œuvre condéenne et de ses traductions, par ailleurs. Auteur de nombreux articles et collectifs sur les auteurs postcoloniaux, rédacteur de Journal of World Literature (Brill), il invita Glissant au prestigieux colloque à Leyde. Ensemble on a essayé (en vain) d’avoir un doctorat honoris causa pour Condé à nos universités respectives (KUL, UA).
- Kathleen Gyssels, Lanham, America University Press, 2001. Condé interviewa Paule Marshall, mais dans un mail, elle minimalise l’importance de Toni Morrison sur son œuvre. Cette déclaration est à remettre en question, puisque L’œil le plus bleu est un titre d’une de ses nouvelles dans Le Cœur à rire et à pleurer. Laffont,1999.
- Kathleen Gyssels, Marrane et marronne, Leyde, Brill, 2014.
- Kathleen Gyssels, in Emerging Perspectives on M Condé. A writer of her Own. Sarah Barbour and Gerise Herndon, Africa World Press, 2006. Voir aussi Thomas Spear, un ami de Condé dans La culture française vue d’ici et d’ailleurs, Karthala. Postface CONDE, 2002.
- «Hoquet», de L G Damas, Pigments.
- L’expression “tourner le dos” revient:
https://corpus.ulaval.ca/server/api/core/bitstreams/92eaa4a7-b57d-49a4-940b-2dd58c08c64f/content
- Numéro spécial de la Revue de littérature comparée,. avec un article de ma main sur Paule Marshall et Simone Schwarz-Bart, «Dans la toile d’araignée», 2 (avril juin 2002).
- Kathleen Gyssels, “The Oriental Other”, Shofar, 40.3 (2022).
- Kathleen Gyssels, Passes et impasses dans le comparatisme caribéen postcolonial. Cinq traverses, Honoré Champion, 2010.
- Maryse Condé, Le Roman antillais, 2 Tomes. Nathan, 1977. L’anthologie parut sous un autre titre: Tim Tim? Bois Sec !, 1977, traduite en néerlandais De open plek, Amsterdam, De Knipscheer. 1980. Lire aussi Maryse Condé. Une nomade inconvenante. Mélanges offerts à Maryse Condé par Madeleine Cottenet Hage et Lydie Moudileno, Ibis Rouge, 2002.
- Simone Schwarz-Bart, Seuil, 1987.
- Maryse Condé, «Trois femmes à Manhattan», Présence Africaine 121-122 (1982): 307 à 315.
- Idem, 310.
- Traversée de la mangrove, Mercure, 1987, 197.
- Idem, 311.
- Condé, Lattès, 2012.
- Stéphanie Bérard, «Comme deux frères», Africultures, 12 septembre 2007,
https://africultures.com/a-propos-de-comme-deux-freres-de-maryse-conde-6904/
- Elisabeth Philippe, Nouvel Obs’, 14 octobre 2021. Voir aussi Taubira, «Le féminisme est un humanisme», 17 janvier 2018.
https://www.nouvelobs.com/societe/20180129.OBS1381/christiane-taubira-le-feminisme-est-un-humanisme-ce-n-est-pas-une-guerre-de-tranchees.html
- Voir Kathleen Gyssels, Sages sorcières? Révision de la mauvaise mère dans Beloved, Praisesong for the Widow et Moi, Tituba sorcière, noire de Salem, Lanham, American University Press, 2001.
- Edouard Glissant, Patrick Chamoiseau, L’Intraitable Beauté du Tout-monde, Ed. Galaade, 2010.2009
Heliconia caribea (Balisier). Photo Francesca Palli.
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