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Discours sur le colonialisme

Suivi de

Discours sur la
négritude

Aimé Césaire

1955

 

 

 

Discours sur le colonialisme Suivi de Discours sur la négritude, Aimé Césaire • Éd. Presence Africaine • ISBN 2-7087-0531-8 • 2000 • 5.10  €.

 Discours sur le colonialisme

Dans ce pamphlet publié en 1955, Aimé Césaire, poète, dramaturge et homme politique, exposait les terribles réalités de la colonisation. Pour la première fois aussi, avec une force inégalée,était proclamée la valeur des cultures nègres. Dans cette édition, est ajouté le discours prononcé à la Conférence hémisphérique tenue à Miami (Floride) en février 1987.

Comme naguère Jean-Jacques Rousseau dénonçait le scandale d'une société fondée sur l'inégalité, avec la même clarté, et un bonheur d'écriture que seule peut inspirer la passion du juste, Aimé Césaire prend ses distance par rapport au monde occidental et le juge.

Ce discours est un acte d'accusation et de libération. Sont assignés quelques ténors de la civilisation blanche et de son idéologie mystifiante, l'Humanisme formel et froid. En pleine lumière sont exposées d'horribles réalités : la barbarie du colonisateur et le malheur du colonisé, le fait même de la colonisation qui n'est qu'une machine exploiteuse d'hommes et déshumanisante, une machine à détruire des civilisations qui étaient belles, dignes et fraternelles. C'est la première fois qu'avec cette force est proclamée, face à l'Occident, la valeur des cultures nègres.

Mais la violence de la pureté du cri sont à la mesure d'une grande exigence, ce texte chaud, à chaque instant, témoigne du souci des hommes, d'une authentique universalité humaine. Il s'inscrit dans la lignée de ces textes majeurs qui ne cessent de réveiller en chacun de nous la générosité de la lucidité révolutionnaires.

Le Discours sur le colonialisme est suivi du Discours sur la Négritude, qu'Aimé Césaire a prononcé à l'Université Internationale de Floride (Miami), en 1987.

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Extraits


Une civilisation qui s'avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente.

Une civilisation qui choisit de fermer les yeux à ses problèmes les plus cruciaux est une civilisation atteinte.

Une civilisation qui ruse avec ses principes est une civilisation moribonde.

Le fait est que la civilisation dite «européenne», la civilisation «occidentale», telle que l'ont façonnée deux siècles de régime bourgeois, est incapable de résoudre les deux problèmes majeurs auxquels son existence a donné naissance: le problème du prolétariat et le problème colonial ; que, déférée à la barre de la «raison» comme à la barre de la «conscience», cette Europe-là est impuissante à se justifier; et que, de plus en plus, elle se réfugie dans une hypocrisie d'autant plus odieuse qu'elle a de moins en moins chance de tromper.

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Des valeurs inventées jadis par la bourgeoisie et qu'elle lança à travers le monde, l'une est celle de l'homme et de l'humanisme – et nous avons vu ce qu'elle est devenue –, l'autre est celle de la nation.

C'est un fait: la nation est un phénomène bourgeois...

Mais précisément, si je détourne les yeux de l'homme pour regarder les nations, je constate qu'ici encore, le péril est grand; que l'entreprise coloniale est, au monde moderne, ce que l'impérialisme romain fut au monde antique: préparateur du Désastre et fourrier de la Catastrophe: Eh quoi? les Indiens massacrés, le monde musulman vidé de lui-même, le monde chinois pendant un bon siècle souillé et dénaturé ; le monde nègre dis-qualifié ; d'immenses voix à tout jamais éteintes ; des foyers dispersés au vent; tout ce bousillage, tout ce gaspillage, l'humanité réduite au monologue et vous croyez que tout cela ne se paie pas? La vérité est que, dans cette politique, la perte de l'Europe elle-même est inscrite, et que l'Europe, si elle n'y prend garde, périra du vide qu'elle a fait autour d'elle.

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Viré monté