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Le couteau seul sait ce qui se passe
au cœur du giraumon

Gerry L’Étang

 

 

 

 

 

 

 

 

Le couteau seul sait ce qui se passe au cœur du Giraumon, de Muriel Tramis
• Éditions Dagan, Paris • 2012 • 341 pages • ISBN 978-2-919612-07-9 • 20€.

Muriel Tramis

Muriel Tramis, ingénieure martiniquaise auteure de jeux vidéo, de logiciels éducatifs, de films d’animation en 3D, vient de faire paraître un premier roman: Le couteau seul sait ce qui se passe au cœur du giraumon. Nous publions ci-après, la préface que consacre à ce livre Gerry L’Étang.

Au cœur du giraumon conte les émois de jeunes filles dans la Martinique des années soixante-dix. En ce temps-là, un peu plus d’une décennie après la fin de la société d’habitation, on pouvait encore apercevoir un «casque colonial» sur la tête d’un jardinier, les balais étaient «en feuilles de latanier», les ouvertures exigües des bus diffusaient «des airs sans fin de compas direct», les garçons lisaient Blek le Roc ou Zembla, les femmes portaient des bigoudis et réglaient leurs comptes au vitriol. Mais ce roman n’est pas que nostalgie. Il est surtout une réflexion sur le désir et son assouvissement.

Trois élèves d’une école catholique, une békée, une mulâtresse et une négresse, convaincues que «quand y’a pas de péché, y’a pas de plaisir», confessent mutuellement leurs troubles, exaltations, fomentations. Elles tentent de grappiller l’interdit avec les tâtonnements et la naïveté de leurs adolescences, entre deux tours de potaches, filles rangées qui expérimentent l’écart. Cependant, la quête d’ivresse n’empêche pas les sentiments, les basculements du cœur et leurs désillusions.

Sur la toile de fond des amours et des jours de collégiennes qui disputent aux contraintes sociales le droit à la séduction, l’accès au plaisir et à ses saisissements, se greffent d’autres sujets: la négritude, la créolisation, la lutte pour les droits civiques en Amérique, la racialisation des rapports sociaux dans l’île, l’inceste… Avec une apparente légèreté, ce roman nous mène au cœur du giraumon, au fond des choses.

L’auteure, Muriel Tramis, nous y conduit avec une langue fluide, ponctuée de termes créoles ou français créolisés, agrémentée d’humour, de volupté. Et en raison de l’écriture déployée, des références culturelles évoquées (rituels hindous, veillées créoles, etc.), de l’agencement général du roman, l’on se surprend à éprouver à l’égard de ce texte un étrange sentiment de connivence. Ce livre parle de nos passions, de nos insuffisances, de nos espoirs… de la façon particulière qu’ont les Martiniquais de vivre cela. Il en parle avec des mots qui sont les nôtres, dans un style qui nous ressemble. Ce livre, c’est nous.


Gerry L’Étang

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