Citation du livre
L'empreinte de l'esclavage sur la société des Antilles est là dans la dévalorisation de la langue créole, dévalorisation voulue par le centralisme français, mais intériorisée par tous ceux des Antillais qui la qualifient spontanément de dialecte, voire de patois. Et nous passons tous à côté d'une richesse majeure pour le patrimoine culturel mondial: une langue dont on a vu l'accouchement en direct, une langue juvénile dont la mère est toujours vivante.
La France connaît sa langue mère, le latin, d'où le français est sorti, mais cette langue est morte. Latin : langue des maîtres romains «créolisée» par un peuple celtique. Nous avons aussi la chance très rare de disposer d'une langue, le créole, qui est pour beaucoup sortie du français et qui, mâtinée de syntaxes africaines, a donné un idiome nouveau. Il y aurait un intérêt pédagogique évident à ce que l'école enseigne à tous au moins quelques rudiments de latin et de créole et fasse ainsi comprendre les liens entre la langue et l'histoire.
Il y aurait un intérêt historique et philosophique évident à étudier la façon dont un peuple voué sous les cris au silence de Babel répond d'emblée à cette oppression en parlant quand même, crée en quelques décennies ce que les autres ont mit des millénaires à construire: une langue nouvelle, une langue commune. Dans la vaste constellation des Nègres telle que l'histoire de la domination blanche version française l'a déterminée dans l'enfer de son ciel, les Antillais sont l'étoile Polaire.
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