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ENTRE LES LIGNES

Le tanbouyé des sans voix
d’Ernest PÉPIN

Dominique Lancastre

 

Source: Pluton Magazine

 

 

 

 

 

 

 

Le tanbouyé des sans voix, Ernest Pépin • Caraïbéditions • 2024 •
ISBN 9782373111958 • 130 X 200 mm • 128 pages • 17.50 €.

Le tanbouyé des sans voix

Comment rendre ses lettres de noblesse à un personnage aussi atypique, aussi énigmatique, aussi insaisissable que le musicien Marcel Lollia connu sous le nom de Vélo? C’est ce long travail de reconstruction de la vie de Vélo que l’auteur Ernest Pépin a voulu partager avec nous en publiant ce remarquable roman qui ne nous laisse pas indifférents au fil des pages.

Il s’agit de mémoire collective à travers un personnage qui a marqué son temps en Guadeloupe. Simone Schwartz-Bart préface Le tanbouyé des sans voix et nous explique bien à travers une phrase ce devoir de mémoire collective que l’auteur n’a cessé de mettre en avant à travers ses écrits.

«Quand je veux me souvenir de nous, j’ouvre un roman d’Ernest Pépin et j’emprunte alors la route des vents d’avant, des vents d’après, d’aujourd’hui et de maintenant» - Simone Schwartz-Bart.

Ernest Pépin fait de Vélo un ange, un ange envoyé des Dieux. On peut parler des dieux.  Il y a cette volonté de l’auteur de rattacher le musicien Vélo à ses ancêtres africains et à l’Afrique d’où est le né tambour. Car Vélo c’est le tambour par excellence. Un instrument de musique qui dépasse largement sa fonction d’instrument pour devenir un moyen de communication utilisé par les esclaves, un objet clé.

Le tanbouyé des sans voix n’est pas seulement un roman sur la vie de Vélo. L’auteur passe en revue les différents problèmes qu’a dû affronter cette île à l’allure d’un papillon au travers des siècles. Vélo devient alors un messager sous la plume d’Ernest Pépin dont l’écriture poétique et fluide fait revivre chaque étape de la vie du musicien; la misère qu’il a connue, ses vagabondages, ses errances, ses amours, son humilité face au don qu’il avait, car taper le tambour et bien taper le tambour est un don.

Les différentes onomatopées qui ponctuent l’œuvre nous montrent à quel point le son est important dans la vie quotidienne aux Antilles. Quand la parole n’est plus, le son devient alors la seule manière de s’exprimer. Cette musicalité donne un rythme et un tempo à l’œuvre qui n’est pas sans rappeler le son du tambour. Le lecteur entend presque Vélo jouer du tambour en lisant cet ouvrage d’une très grande originalité, car l’auteur y a mis toute son âme pour nous transmettre l’essentiel et inestimable patrimoine de Vélo.

Il ne s’agit pas non plus de nous livrer une biographie, mais de glorifier l’art du tambour qui fut un temps considéré comme la musique du vieux Nègre donc n’ayant pas sa place dans le panorama des instruments de musique. La musique au rythme endiablé qu’il fallait éviter. Le tambour que joue Vélo n’est pas un simple tambour, mais un tambour qui prend aux tripes. C’est le tambour de libération, le tambour des opprimés. Une échappatoire aux vicissitudes de la vie et aux souffrances que l’auteur souligne tout au long de cet ouvrage.

Ernest Pépin ne raconte pas uniquement Vélo, mais il raconte son île à travers Vélo dont il a fait un socle, un totem. Ce personnage en errance est à l’image d’une société toujours en errance. Une société qui se cherche en permanence à travers le temps et dont les problématiques sociétales remontent à la surface comme le tambour remue tout le corps.

Vélo avait trouvé sa voix dans le tambour qu’il transportait partout avec lui sur son épaule. C’est son médicament. Il joue pour lui, pour l’île. L’île et Vélo ne font qu’un. C’est à cette dualité que l’auteur veut nous sensibiliser et de nous faire prendre conscience qu’on peut venir de rien et marquer notre passage sur cette terre si telle est notre mission.

Par Dominique LANCASTRE

Pluton-Magazine. Entre les lignes.

Statue de Vélo

Pointe-à-Pitre, Statue de Vélo. Photo F. Palli

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 Viré monté