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Pardon qui enjambe nos mémoires
Pardon d’orages mûrs
Et de secousses anciennes
La terre
Les eaux
Bouillonnants de colère
Jusqu’au suintement de l’oubli
En fin brouillard
Maltraitance du temps sur la crête des crotales
Maltraitance des recoins de la grotte
Et l’âme craque lentement comme un iceberg qui se dégèle
Et délivre une brassée de lacs
Clarté subite
Le désordre fut un ordre
Un détour du présent
Une blesse passionnée
Plaie qui me harcèle jusqu’à l’os
N’invente pas l’inguérissable
Malheur aux égouts
Il reste encore du temps pour le pardon
L’intense pardon des braises dans le vent
Ecoute
Ecoute
Aucune vie n’est coupable
Ni aucun temps
Ni aucun rêve
L’arbre ouvre ses branches
Ses cuisses d’ombre
Et pas à pas le soleil avance comme un pécheur dans l’alcôve
Le pardon équilibre le monde
Seuls les vainqueurs sont sans pitié
Le vaincu vole plus haut que sa misère
Il est fait de racines
De sève
Et d’amour durable
Son pardon lui appartient comme sa peau
Comme sa souffrance scellée par la pluie
Et le silence humide
Et la solitude de l’offense
Et l’effacement même des blessures dans la lessive du matin
Je suis mon propre baptême
Mon propre bain de feuillages
Ma propre déroute et ma propre victoire
Au fils des eaux
Au fil de la vie
Ni juge
Ni rédempteur
Je suis en dernière instance un peu de sang et d’amour
Je suis le grand guerrier aveugle et minéral
Luisante carapace où frétillent l’âme et sa mue
Le grand cri apaisé qui déborde
Et qui fait feu contre la défaite
Je taille la route aux étoiles perdues
Je suis né de la dernière pluie
Du dernier labyrinthe
Je suis la pierre transparente et immaculée
Je suis
Le Grand Pardon
Ernest Pépin
Faugas
Le 14 Novembre 2011