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La poétesse haïtienne Jeanie Bogart et
le poète guadeloupéen Ernest Pépin
unissent leurs voix

Le griot de la peinture

Migrations insulaires, Jeanie Bogart & Ernest Pépin • Éditions JB • ISBN ? • 2017 •

Si  les romans et les essais écrits à quatre mains sont monnaie courante, il n'en va pas du tout de même pour la poésie qui est censée engager un "moi" si personnel et si profond qu'on a du mal à imaginer qu'il puisse cohabiter avec un autre. C'est cependant l'exploit que réussissent dans le recueil "MIGRATIONS INSULAIRES" la poétesse haïtienne Jeannie BOGART et le poète guadeloupéen Ernest PEPIN. Cet ouvrage est préfacé par le romancier martiniquais Raphaël CONFIANT dont voici le texte...

Eloge de l’indicible

Intime est l’acte poétique qui surgit du plus obscur d’un moi qui à cet instant-là se révèle à celui qui le porte, puis à tous ceux et celles qui voudront bien affronter le difficile chemin qu’il ouvre. Si intime qu’il émane toujours d’un seul moi. D’une seule voix. Le poème, contrairement aux autres genres littéraires, ne peut s’écrire à quatre mains car il pousse la langue à sortir du générique pour s’aventurer dans l’unique. Dans la parole unique. Il tente de repousser la langue maternelle (ou paternelle) pour inventer la langue du moi-même, s’exposant ainsi à ne pas être compris.

Le poème réinvente l’obscur avec pour ambition de l’éclairer.

On mesure donc l’exploit qu’accomplissent ici Jeannie Bogart et Ernest Pépin, poètes confirmés, talentueux, en décidant de conjuguer cette descente au plus profond de soi, ce vertige solitaire qui n’a pas de fin car le poème ne commence pas, il continue, comme le proclamait Saint-John Perse. Comment réussir à unir deux moi-même en une seule parole? Comment allier les fulgurances, les métaphores, la brusque simplicité d’un mot banal inséré dans l’écrin poétique? Aimé Césaire disait qu’un mot l’aidait à traverser «le désert d’une journée». Bogart-Pépin ou Pépin-Bogart nous donnent à lire, eux, un chant d’amour et d’exil si puissant qu’il peut servir de viatique à toute âme en désarroi. Et laquelle ne l’est pas?

Il-Elle convoquent les divinités enfouies sous le sable de l’Histoire, les frissons des corps qui s’enlacent dans l’infinie perdition de la passion amoureuse, la gravité de ces matins qui semblent arrêter le temps. Jeanie-Ernest nous dressent un éloge de l’indicible.

Parole-onguent pour nos âmes blessées…

Raphaël Confiant

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