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Qu’est-ce qui fait qu’on s’appelle artiste?
Monchoachi
Janvier 2009
Dans un univers plat, désymbolisé, la question vaut assurément d’être posée. Autrement formulée, elle revient tout bonnement à s’enquérir de ceci: à quoi sert l’art?
L’opinion courante considère que la fonction de l’art est de divertir. Il faut bien admettre qu’il s’agit là du rôle qui lui est assigné par les sociétés modernes. Divertir ne veut pas forcément dire amuser. La création artistique n’entre pas dans la catégorie de ce qui, dans les sociétés modernes, est tenu pour «utile». Elle n’en est pas moins regardée, par ces mêmes sociétés, comme nécessaire. C’est la part de l’«inutile», qui grandit à proportion de l’opulence des dites sociétés. Elle s’y manifeste alors comme signe d’opulence. Et sa fonction est d’entretenir l’illusion de la liberté humaine. En réalité, l’enjeu pour les sociétés modernes a toujours été d’apprivoiser l’art. Et elles n’y parviennent jamais mieux que lorsqu’elles s’attachent à domestiquer l’artiste.
Or, ce dernier n’existe pleinement que comme allégorie, c'est-à-dire comme porteur d’une parole autre, jubilatoire, différant essentiellement du discours centré sur l’économie, d’une parole qui ne se limite pas à cette fonction de divertissement qu’on lui assigne, mais qui appelle à un monde qui soit une œuvre, non une vieille peau que l’on s’emploie à faire rendre gorge. Ceci, n’en déplaise aux esclaves consentants des sociétés modernes incapables de voir dans cette parole autre chose qu’un «enfermement».
Mais que l’artiste en vienne à se laisser aller à céder à l’invitation des géreurs et commandeurs de la politique, de l’économie, de l’administration et de la culture qui l’aliènent, et il court le risque de se neutraliser lui-même comme symbole, de se laisser entraîner dans une logique revendicative dégradante et de se faire ainsi reconduire dans le cantonnement que ces sociétés lui réservent. Qu’a-t-il à attendre, en vérité, de «l’écoute» qu’avec grande-bienveillance (mèsisouplé !) ceux-ci lui prêtent? Qu’a-t-il à faire de «musée» et autre palais que l’on fait miroiter à ses yeux et où l’on rêve d’enfermer sa parole? Qu’a-t-il à faire de «métier valorisé» et de carrière? Qu’a t-il à faire de cet affligeant langage de rond-de-cuir? Qu’a t-il à faire des circuits internationaux balisés par les discours esthétisants et anesthésiants de la critique mondaine?
Il est, en réalité, avant tout en quête d’un monde qui serait la vérité de l’œuvre qu’il crée. Sa parole, c’est dans l’air vivifiant de son monde qu’elle peut se déployer. Dans le seul but, quand bien même celui-ci lui demeurerait dérobé, de subvertir un ordre qui avilit.