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Le jardin créole à la Martinique

Une parcelle du jardin planétaire

Vincent HUYGHUES BELROSE

Le jardin créole à la Martinique

Le jardin créole à la Martinique, Vincent Huyghues Belrose • ISBN 978-2-9534432-5-7 • Éditeur Parc Naturel Régional de la Martinique; diffusion francois@gabourg.com Tel n° 0696027027026 • 164 pages • 25 €.

PRINTEMPS TROPICAL

L’odeur des lourds pollens et de la sève rode
Parmi les catalpas et les tamariniers :
Des flamboyants mêlés à des frangipaniers
Saignent sur le miroir des golfes d’émeraude

Un bourdonnement sourd d’insectes en maraude
Anime des jardins roses de liserons,
Des oiseaux poursuivant des vols de moucherons
Se grisent de parfums, dans la lumière chaude

C’est le temps où dans l’île aux rameaux toujours verts
Vibrent les vérandas et les balcons ouverts
Au pavoisement clair des palmiers et des roses

Où mille arbres chargés de rayons et d’odeurs
Déroulant sous l’azur mille métamorphoses
Donnent l’illusion d’un arc-en-ciel de fleurs

Daniel Thally († 1950), Le Jardin tropical, 1911.

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TABLE DES MATIÈRES

Introduction

Définitions agronomiques et historiques

  • Agronomie
    • Une agriculture considérée comme «primitive»
    • Une agriculture adaptée au milieu
    • Une agriculture au rendement très bas
    • Une agriculture qui peut faire partie d'un système de culture plus évolué
    • Une agriculture qui peut être l'aboutissement d'une évolution régressive
    • L’abattis est-il un jardin ?
    • Evolution et involution de l’abattis martiniquais
  • Histoire
    • Historique de l’expression «jardin créole»
    • L’ichali caraïbe: dictionnaires et chroniques des premiers missionnaires
    • L’archéologie du jardin amérindien
    • Colons, plantez des vivres!
    • De l’écobuage européen au «défriché» colonial
    • Du «plantage» à l’habitation vivrière
    • Le jardin de case ouest-africain
    • Retour aux Petites Guinées: les jardins agrandis ou jardins particuliers
    • Les jardins des esclaves marrons

Le jardin créole et l’abolition de l’esclavage

    • Une évolution vers la tenure paysanne 
    • L’intervention du législateur
    • La liberté sans le jardin
    • Une révolte pour un jardin
    • L’occupation des mornes par les jardiniers

Le monde des jardins

  • Les jardins botaniques
    • Le Jardin des Plantes à Paris
    • Les jardins botaniques coloniaux
  • Un autre jardin vivrier colonial en Nouvelle-France (Québec)
  • Les jardins dans la région caraïbe
    • L’illusion de la monoculture
    • Les survivances africaines aux Amériques

Le problème vivrier dans le système esclavagiste jusqu’au milieu du 19ème siècle

    • La part des vivres
    • Habitations et jardins
    • Le jardinier martiniquais est-il un paysan?

Les jardins martiniquais depuis l’abolition

    • Le pain a tué le manioc
    • L’échec de la dernière relance
    • Une dévalorisation du jardin créole

L’élevage

La situation actuelle du jardin créole martiniquais

  • Les menaces
    • Pratiques d’aujourd’hui: décadence et survivances
    • Jardin créole, jardin ouvrier, jardin familial

Echapper au développement marchand mondialiste

    • Un modèle de développement caduc
    • Autosubsistance ou consommation alternative

Préserver le jardin créole vivrier et ses cultivars

    • Le jardin créole nourrit-il les Martiniquais? 
    • L’enjeu patrimonial: paysage et traditions
    • L’action du PNRM

Typologie du jardin créole

Jardin : le mot et les choses

    • Le jardin français
    • Les caractéristiques du jardin créole
    • Semer ou planter
  • La famille: main d’œuvre et consommateur

Le jardin an piyon 

    • Une résurrection du jardin de case 
    • Les clés de lecture du jardin «en pyon»
    • La dimension ésotérique du jardin

Rites et croyances liées au jardin «en piyon»

    • Un système symbolique
    • L’homme et la Nature dans la cosmologie créole
    • Tout zèb cé rimèd
    • Multifonctionnalité du jardin
    • Multifonctionnalité des plantes

Le secret des plantes

    • Les «prières de secret»
    • Genèse des savoirs thérapeutiques  populaires
    • Apports africains et amérindiens
    • Le principe du «chaud» et du «froid»
    • L’automédication
    • L’apport de l’ancien Corps de Santé colonial
    • La «cuisine des remèdes»

Les plantes médicinales du jardin

    • Le calendrier agraire
    • L’influence de la lune 
    • L’influence du calendrier chrétien
    • Un patrimoine menacé

Conscience et survie du goût de la terre et de l’environnement

Bibliographie
Annexes
Glossaire

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Le Jardin Créole à la Martinique

UNE PARCELLE DU JARDIN PLANÉTAIRE

***

Par Vincent HUYGHUES BELROSE

Agrégé d’Histoire Docteur en Histoire
Docteur ès Lettres et Sciences Humaines

*

En collaboration avec

Sonia Hoche-Balustre, directrice du Centre de formation aux métiers de l’environnement du PNRM,
Daniel Samuel, technicien paysagiste, et
Alain Lof, ingénieur agricole, formateurs au Centre de formation du PNRM.

Remerciements 

Monsieur Yves-André Joseph qui a eu l’idée de créer des jardins à Tivoli et a constamment soutenu le PNRM dans la création du Jardin créole,
Monsieur Alex Clodius, qui a savamment dirigé les chantiers d’insertion
Monsieur Jocelyn, agriculteur traditionnel au Prêcheur,
Monsieur Banys, agriculteur
Monsieur A. Tonli, agriculteur et charbonnier au Morne Vert.

INTRODUCTION

En se proposant de faire l’état des lieux du jardin créole, les responsables du PNRM ne font que revenir plus activement à la conservation, à la valorisation et à la pédagogie de l'environnement naturel et culturel qui sont sa raison d’être. On ne peut en effet manquer de se tourner vers une institution dont la première Charte constitutive (1976) prévoyait la conservation et la valorisation du patrimoine culturel mais ne parlait pas du jardin créole, évoquant seulement la diversification des cultures vivrières, pour lui demander où elle en est aujourd'hui sur ce point et quels sont ses projets.

Depuis une vingtaine d’années, le jardin créole a fait l'objet de nombreuses études auxquelles le PNRM a souvent participé. Du point de vue historique, on connaît mieux sa formation et son évolution. Du point de vue botanique et thérapeutique, on cerne bien les espèces utilisées. Mais on commence à peine à expliquer du point de vue agronomique et écologique les pratiques des anciens.

A partir des années 1990, le Parc naturel régional de la Martinique a mis en exergue la dimension écologique du Jardin Créole à travers ses actions d’éducation à l’environnement, sa mission de maintien de la biodiversité, d’amélioration de la qualité paysagère et de protection des sols. Aussi, une réflexion profonde menée sur le jeu des associations des cultures et plantes hôtes tropicales pour la protection des sols a-t-elle conduit a une expérimentation sur le site du domaine de Tivoli.

Formateurs et stagiaires, visiteurs curieux, spécialistes intéressés ou «anciens» surpris par la considération qu’on leur accordait et les questions auxquels on les soumettait, tous on pris conscience du caractère mondial des jardins traditionnels polyculturaux appelés «créoles». Mondial par l’origine de ceux qui l’ont construits au fil du temps, mondial par sa composition floristique, mais aussi mondial par les conséquences que l’appropriation de sa démarche et de ses méthodes peuvent avoir sur l’autosuffisance alimentaire des régions tropicales du globe. Car si le jardin créole est bien une synthèse planétaire au sens historique, il peut aujourd’hui, à l’heure de la mondialisation, devenir une pierre pour la construction planétaire de développement durable.

Il est nécessaire, aujourd’hui, de livrer les conclusions quant à la nécessité d’une mise en valeur de ce type de pratiques culturales, par la publication d’un ouvrage.

Rappelons que des recherches de plus en plus nombreuses s'attachent depuis quelques années à reconstituer les étapes de la transformation des paysages et de la végétation des Antilles, afin que la mise en valeur des espaces permette de protéger, voire de reconstituer, un patrimoine naturel menacé1.

La DIREN et le PNRM ont même décidé, en 2005, de faire réaliser un Atlas des paysages de la Martinique qui devrait faire date et dont le PNRM est le maître d’ouvrage.

La valeur patrimoniale de cette composition botanique est bien reconnue aujourd'hui puisque le jardin créole de l'habitation Montgérald, au Marin, est le premier jardin d'outre-mer à avoir été classé au titre des Monuments historiques. Quelques questions fondamentales sont cependant cachées derrière les mots:

  1. La première question naît du contraste entre l'acte de décès du jardin créole, il y a maintenant plus de vingt ans, et l'omniprésence du concept dans le paysage culturel d'aujourd'hui: Parle-t-on vraiment du jardin créole, qui est essentiellement et avant tout une pratique, ou bien d'un cadre abstrait qui sert de fourre-tout passager, en attendant qu'un autre élément du passé vienne prendre sa relève, une fois qu'il aura été usé? C'est bien la base de notre mode de vie: la consommation qui fait qu'on use et qu'on jette les mots comme les “ kleenexs “.
     
  2. La seconde question découle de la première: le jardin créole qu'on pratique et dont on parle aujourd'hui est-il le même que celui que Mme Aïmana voyait mourir en 1986? L'avons-nous recréé, voire réinventé, ou bien suit-il l'évolution normale de toutes les expressions de la culture créole, "créole" renvoyant à une constante évolution en même temps qu'à la conservation de traits archaïques?
     
  3. Cela conduit à poser une troisième question sur la nature même du jardin créole. De quel jardin créole regrette-t-on la disparition? Du fait que l'on porte naturellement un regard nostalgique vers le passé, on a tendance à l'idéaliser et donc à trahir sa vérité. Ne doit-on pas s'interroger sur la réalité historique d'une création qui s'étend sur plus de trois siècles?
     
  4. Mais si l'on admet que le jardin créole est le résultat d'une évolution historique, le jardin familial aujourd'hui appelé créole, est-il dans la continuité de la tradition créole ou bien n'est-il déjà plus qu'un bric-à-brac sur lequel on appose un label à la fois identitaire et touristique? La meilleure façon de répondre à ces questions est d’ouvrir une enquête en remontant aux origines des mots et des faits dans tous les domaines qui ont pu être concernés par cette entité.

Note

  1. HATZENBERGER Fr., 2001. Paysages et végétations, qui n'utilise pratiquement pas les études locales. Sur les plantes potagères, voir HUYGHUES-BELROSE, V. 2005. «Avant le fruit à pain: la cuisine martiniquaise au XVIIIe siècle», Sur les chemins de l'histoire antillaise. Mélanges offerts à Lucien Abénon, Ibis Rouge Editions, 2006, p. 201-214

 

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