Potomitan

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Annou voyé kreyòl douvan douvan

Tout lang se lang

Daniel Boukman

Le texte qui suit est celui de l’intervention que j’ai prononcée, le jeudi 12 janvier 2012, à Fonds Saint-Jacques (Martinique)  lors de la 21eme rencontre inter-régionale des Langues et Cultures Régionales de France... En cette circonstance, pour parler de ma pratique radiophonique en langue créole martiniquaise, je me suis exprimé en français en raison de la présence d’invités originaires d’Alsace, Bretagne, Catalogne, Occitanie, de Guyane, Réunion, Guadeloupe.

Lonnè épi respé anlè zot tout ki la a  épi bel ek bon lanné!

Depuis l’année 2004, sur RFO devenu en 2010 MARTINIQUE PREMIERE, j’anime une émission d’une durée de 2 minutes, intitulée TOUT LANG SE LANG (traduction française Toute les langues sont des langues),TOUT LANG SE LANG  diffusée du lundi au vendredi à 5 heures 45 du matin, rediffusée à 7 heures du soir.

La première année, TOUT LANG SE LANG, émission parlant du créole, avait lieu en français... Les raisons de ce choix paradoxal (parler du créole en français) n’étaient pas du tout le résultat de quelque censure exercée par la direction de la radio mais une option personnelle progressivement, avec raison, écartée

Cette attitude signifiait alors  un manque de confiance en mes capacités d’utiliser sur les ondes la langue créole martiniquaise.

Aujourd’hui, quand je fais le bilan de ces années de pratique radiophonique du créole, je retiens en particulier que ce travail a été  pour moi des plus enrichissants: cette expérience, chemin faisant, m’a permis de renforcer en moi une volonté grandissante, celle de «défendre et illustrer» cette langue mienne et par l’écrit et par le dire..

Je suis d’autant plus déterminé à continuer ce chantier que je sais, par les encouragements à poursuivre que je reçois lors de rencontres fortuites avec des personnes qui écoutent cette émission, je sais (et la direction de Martiniquaise Première soucieuse d’un audimat significatif en renouvelant, mon contrat le sait sans doute aussi) je sais que TOUT LANG SE LANG a atteint l’objectif que je m’étais fixé.

Il s’agissait tout d’abord de rassurer l’auditeur en ne jouant surtout pas à celui qui sait et qui parle à ceux qui ne savent pas, et cette démarche précautionneuse (et juste dans la mesure où je sais que je ne suis pas un puits de science créole), cette démarche a établi, au fil des émissions, une nécessaire confiance entre  celui qui dit  et ceux et celles qui écoutent.

Il s’agissait aussi d’expliquer qu’en dépit d’une opinion assez largement partagée, il n’y a pas de fossé infranchissable entre les différents niveaux de langue, et le travail que j’effectue consiste à jeter passerelle entre la langue parlée et la langue écrite.

Je vise aussi par mes paroles à amener ceux et celles qui écoutent à découvrir, re-découvrir les structures syntaxiques, lexicales, sémantiques, rhétoriques de la langue utilisée sans jamais bien sûr employer pour ces démonstrations un langage de grand clerc.

TOUT LANG SE LANG, c’est avoir recours à des mots et expressions populaires associés avec prudence à des néologismes qui participent de la greffe de l’ancien associé au nouveau, et cherche ainsi à enrichir la langue de mots neufs.

Sans ne jamais tomber dans le travers de l’orfèvrerie langagière, je suis très soucieux de donner à écouter la force et les beautés que recèle la langue créole martiniquaise que, parfois, je mets en face à face - pacifique - avec la langue française voire l’anglaise, et que j’installe volontiers en relation fraternelle avec les autres créoles de la Caraïbe et de la Guyane.

TOUT LANG SE LANG  n’est pas une émission enfermée dans son seul espace linguistique; il y a parfois des  incursions faites dans les domaines de l’histoire, des mœurs et traditions et autres territoires culturels.

Et puis, souvent pour embellir mon propos, je fais appel aux textes d’écrivains créolographes de la Caraïbe et de Guyane, en n’oubliant jamais d’en citer les auteurs, les maisons d’éditions, les dates de parution, et d’en faire, quand nécessaire, la traduction en créole de Martinique.

En deux minutes, il est difficile en direct  d’avoir en retour la parole vivante des auditeurs; néanmoins, bientôt, je vais expérimenter, par le biais d’enregistrements téléphoniques, le recours à une certaine interactivité.

En définitive, TOUT LANG SE LANG, c’est la contribution d’un militant culturel patriote ayant la ferme conviction que le combat pour que fleurisse et fructifie la langue créole de son pays, demeure une action nécessaire, mais il va sans dire que, cantonnée à la seule réalisation d’émissions radiophoniques fussent-elles en langue créole, une telle action serait évidemment  non suffisante.

Mési anchay!

boule

 Viré monté