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André BRETON,
L’Éloge de la rencontre

Antilles, Amériques, Océanie
de Dominique BERTHET

par Scarlett JESUS

 

Ce texte a été lu lors de la soirée littéraire organisée en Guadeloupe par la médiathèque du Lamentin, le 6 juin 2008.

 

 

André Breton, L’éloge de la rencontre, Dominique Berthet • 160 pages - Broché • HC Éditions 12, rue Labrouste - 75015 Paris • ISBN 9782911207907 • Parution: Mai 2008 • 14,95 €.

André Breton, L’éloge de la rencontre

C’est avec un réel plaisir, que je vais vous parler d’un ouvrage qui vient d’être publié aux éditions HC, et qui a été écrit par mon ami Dominique BERTHET. Je le remercie d’avoir pensé à moi pour cette présentation. Cet ouvrage s’intitule André BRETON, l’éloge de la rencontre, sous titré Antilles, Amérique, Océanie.

Le titre de l’ouvrage indique dès l’abord qu’il est consacré à André BRETON. L’approche semble relever d’éléments biographiques, évoquant les rencontres de BRETON avec (ou dans) des lieux qui présupposent des voyages. Peut-être aussi à une prise de position esthétique tout autant que philosophique, indiquée par le singulier d’ordre général: «l’éloge de la rencontre». Mais à qui attribuer ce qui nous apparaît alors comme une «Défense de la rencontre»? A André BRETON? Ou bien à un parti pris de Dominique BERTHET à propos du poète? Le singulier de l’article indéfini «la rencontre» peut aussi bien indiquer à un public qui sait que Dominique BERTHET vit et travaille en Martinique, qu’il sera question particulièrement de la rencontre décisive avec Aimé CÉSAIRE, l’ouvrage répondant alors aux attentes d’un public. Mais on peut tout également rencontrer quelque chose, un événement, une culture et même, paradoxalement, soi-même. En tout état de cause, la rencontre suppose un mouvement, une volonté, une mise en relation. Notons aussi que le mot «rencontre» est associé ici à un autre terme appartenant au vocabulaire des impressions, du ressenti, prenant la forme d’une célébration adressée à ce que l’on loue, à ce que l’on aime: «Eloge». Le registre est élevé. Il appartient au vocabulaire poétique ou religieux, ce que l’on loue, ou dont on fait les louanges, pouvant sensiblement s’apparenter à un culte; le titre crée donc une attente en suggérant que ce n’est pas le doctrinaire qui est ici abordé, mais le poète («Éloge» évoquant SAINT-JOHN PERSE) et l’homme, dans le déroulement ordinaire de ses rencontres présentées comme l’illustration d’un art de vivre, d’une disposition à se situer au monde. Enfin, placé en position intermédiaire, le terme «éloge» fait sens à plusieurs niveaux: Eloge de la rencontre / Éloge de BRETON? Quant au sous-titre, il désigne des lieux, des espaces décentrés: «Antilles, Amérique, Océanie». Il peut donc s’agir de la rencontre effective avec des lieux, à l’occasion de voyages, tout comme il peut s’agir d’une rencontre, de type métonymique, avec un élément (objet symbolique) ayant vocation à représenter la culture de ces contrées, dans un ordre d’apparition s’estompant dans des lointains de plus en plus mythiques. Le titre enfin peut s’apparenter à une relation de voyage, permettant à un philosophe, comme l’a fait DIDEROT à propos de Bougainville, d’associer à une relation de voyage, des commentaires portant sur la rencontre d’un Européen avec des pays et des populations dites «primitives». Si la rencontre de BRETON avec les Antilles et l’Amérique, s’effectue à l’occasion d’un voyage, auquel le contraint son exil entre 1941 et 1945, comme le sait par avance le lecteur informé, ce n’est pas le cas avec l’Océanie, dont la rencontre s’effectue par le biais d’objets fétiches (masques, «objets primitifs») qui le transportent par l’imagination.

Mais, ce que le lecteur ignore sans doute, c’est que cet ouvrage réalise le livre que BRETON envisageait de publier, à son retour en 1945, à partir des notes et souvenirs de sa période d’exil, mais qui n’a jamais vu le jour. Dominique BERTHET lui aussi a rassemblé, pour écrire cet ouvrage, des fragments épars: certains de ses propres écrits concernant BRETON, des extraits empruntés aux œuvres du poète et des témoignages divers de ceux qui l’ont approché. 

Et le résultat est un texte hybride et facilement lisible, qui relève à la fois du biographique et de l’essai critique, le lecteur éclairé sachant désormais qu’en parlant d’un autre on ne fait jamais que parler aussi de soi.

Dominique BERTHET et André BRETON, une rencontre attendue. 

Avant de parler des rencontres de BRETON, et un peu plus tard de mes propres impressions de lecteur concernant cet ouvrage, il convient, comme il le fait lui-même dans son Avant-propos, de s’interroger sur ce qui a poussé Dominique BERTHET à rencontrer BRETON et à lui consacrer un ouvrage en 2008. Docteur en esthétique et Sciences de l’Art, il a été immédiatement sensible au rôle joué par l’environnement et par l’influence qui peut résulter du choc ou de l’immersion dans un contexte nouveau: «Pourquoi consacrer un ouvrage à ce sujet? se confie Dominique BERTHET. Outre un intérêt fort ancien pour le surréalisme et la personne de son fondateur, le fait de vivre depuis une quinzaine d’années en Martinique, d’être allé à plusieurs reprises au Québec, et en particulier en Gaspésie, et enfin d’avoir traversé à 19 ans, lors d’un long périple sur les routes des Etats-Unis, les réserves indiennes d’Arizona et du Nouveau Mexique, n’est assurément pas étranger à l’intérêt que je porte à ce qu’a écrit André BRETON sous l’inspiration conjuguée de ces lieux et de la femme aimée (p. 9). On aura noté la présence d’un JE et le parallélisme des parcours. Comme le pense BRETON, les déplacements sont autant de signes qu’il convient de mettre en lien et qui donnent alors sens au parcours d’une vie. Théoricien en esthétique et lui aussi l’ami et le critique des peintres auxquels il rend hommage dans des ouvrages aux titres hérités du surréalisme: Les Corps énigmatiques de BRELEUR, ou encore Les Bois sacrés d’HÉLÉNON. Dominique BERTHET qui s’interroge sur le statut de l’œuvre d’art dans une perspective marxiste,  publie en 1990 Le PCF, la culture et l’art. Il s’intéresse donc très tôt à BRETON qui, de son côté, adhère au parti communiste en 1927.

Enseignant chercheur à l’IUFM de Fort-de-France, il crée en 1995 la revue Recherches en esthétique qui publie très régulièrement depuis un numéro par an, parallèlement à des colloques ayant lieu alternativement en Martinique et en Guadeloupe. Les thèmes qui sont choisis chaque année reflètent des centres d’intérêt que l’on retrouve dans cet ouvrage:

  • Traces, pour le n° 4 en 2000, dans lequel il écrit un article «Tropiques et le surréalisme: les traces d’une rencontre André BRETON / Aimé CÉSAIRE»;
     
  • A cet article, ajoutons celui qui se trouve dans le compte rendu du colloque précédent, publié par Ibis rouge en 1998 et dont le thème était  Art et appropriation: «André BRETON et la magie des choses»;
     
  • le n° 10 de la revue, en 2006, qui s’intitule précisément La Rencontre, contient un article de Dominique BERTHET, «La rencontre : un art de vivre». Il est intégralement repris, et constitue le premier chapitre de l’ouvrage que nous présentons. Nous y trouvons l’affirmation suivante, tout à la fois  profession de foi et confession personnelle: «Avant d’en faire l’expérience, j’ai eu tôt l’intuition de l’importance de la rencontre».
     
  • Enfin, dans le n° 11 qui aborde un nouveau thème, Utopies, il signe un article qui s’intitule: «André BRETON en Haïti: l’imprévisibilité de la rencontre».

Nous le constatons, ce dernier ouvrage, André BRETON, l’éloge de la rencontre, est bien l’aboutissement d’une réflexion poursuivie sur plusieurs années. L’auteur s’y propose de souligner l’importance, pour BRETON, du «hasard objectif» dont il a eu l’expérience dans sa vie à plusieurs reprises, avant d’en faire son credo, sur le plan esthétique, avec l’écriture automatique de «cadavres exquis» en particulier. L’image qui en résulte est d’autant plus poétique et son surgissement violent qu’elle naît du choc de termes les plus éloignés possible.  Nous constatons que Dominique BERTHET place au cœur de son ouvrage la rencontre de BRETON avec Aimé CÉSAIRE. Fruit du hasard, elle illustre parfaitement le surgissement fulgurant de cette «beauté convulsive» qu’il poursuit. Cette rencontre occupe, avec les chapitres III et IV, la  place centrale d’un ouvrage qui comporte sept chapitres.

Cette mise en abyme de la rencontre de Dominique BERTHET avec BRETON rencontrant CÉSAIRE en Martinique est l’aboutissement logique, et donc attendu, d’une réflexion esthétique. Celle-ci s’élargissant, dépasse alors le cadre événementiel, pour définir un art de vie à la recherche de l’inattendu, selon sa formule que BRETON fit graver sur sa tombe: «Je cherche l’or du temps». L’ouvrage de Dominique BERTHET n’échappera pas lui-même à ce surgissement de l’inattendu, sa publication s’effectuant au moment même de la mort de CÉSAIRE

1941 – 1945: les rencontres inattendues d’André Breton

Le chapitre I, en reprenant intégralement l’article «La rencontre: un art de vivre», commence par définir ce que la rencontre représente pour BRETON : une disponibilité intérieure du sujet rendu sensible aux mouvements les plus profonds de son moi qui le poussent vers quelque chose ou quelqu’un vers lequel il est comme aimanté. La rencontre relevant du pulsionnel, de l’éros, a donc partie liée avec l’inconscient du sujet et constitue une clé pour percer le mystère de la présence du sujet au monde. Par delà le surgissement de ce qui apparaît inattendu, fortuit, dû au hasard, et donc mystérieux et inquiétant, se laisse entrevoir ce qu’est, ce que serait «la vraie vie» dont a rêvé RIMBAUD. Le «Discours de la méthode» du poète invite tout un chacun à se déconstruire, à de débarrasser de l’emprise de la raison et de l’héritage d’une culture, au profit d’une sensibilité où tous les sens seraient en éveil permanent. Dominique BERTHET, p. 20, cite Marguerite BONNET qui écrit dans l’ouvrage de la Pléiade consacré à Breton, à propos de cette sensibilité en éveil: «L’esprit nouveau est à chercher du côté des dispositions sensibles qui rendent l’homme capable de guetter et capter les signaux singuliers de l’existence, aussi soudainement interrompus qu’émis». Ces signaux apparaissent sous forme de coïncidences découlant de la rencontre «objective» de deux «déterminismes», celui du sujet engagé dans un mouvement en avant vers l’autre, et celui de l’objet obéissant à une nécessité extérieure. «Pour Breton, dit encore Dominique BERTHET, l’insolite des rencontres obéit à un “déterminisme” complexe qui renvoie à la fois à l’inconscient, à la force du désir, à une nécessité intérieure d’ordre subjective et à une nécessité “naturelle” extérieure, d’ordre objective (p. 22)». Cette sensibilité au «mouvement permanent de l’imprévisible» est une disposition ouvrant sur «l’infini des possibles», en art comme dans la vie. Elle fonctionne donc bien comme un art de vivre.

Une fois défini ce que la rencontre représente pour BRETON, le déroulé des rencontres qu’il va faire entre 1941 et 1945 est alors resituée dans un cadre qui place, en amont, la rencontre du poète avec NADJA, rencontre placée sous le signe de «l’amour fou» le 4 octobre 1926; et, en aval, le témoignage de Marcel DUCHAMP, quarante ans plus tard en octobre 1966,  à la mort du poète, inscrivant la vie et l’œuvre de ce dernier sous le signe de l’amour: «Je n’ai pas connu d’homme qui ait une plus grande capacité d’amour. Un plus grand pouvoir d’aimer la grandeur de la vie et l’on ne comprend rien à ses haines si l’on ne sait pas qu’il s’agissait pour lui de protéger la qualité même de son amour de la vie, du merveilleux de la vie. Breton aimait comme un cœur bat...». Cette capacité à s’émerveiller de la vie est rendue possible, parallèlement, par la capacité du poète à réenchanter le monde. Pour cela certains objets ou certains lieux fonctionnent comme autant de fenêtres ouvertes sur l’étrangeté, l’inconnu, le mystère. Les lieux, propices à cette émergence, sont des lieux aimantés, «zones ultra sensibles de la terre»: les marchés aux puces, où s’entassent des objets insolites, ou encore le «cabinet de curiosités» que constitue, en quelque sorte, son appartement de la rue Fontaine; mais aussi des contrées où s’incarnent l’hybridation, la rencontre des cultures, comme la Martinique, «charmeuse de serpents» qu’il découvre en 1941, la Gaspésie qu’il visite en 1944, suivie l’année suivante, par les réserves des Indiens Pueblo de l’Arizona et du Nouveau Mexique. Circonscrits dans le temps, sur une courte durée de quatre ans, ces voyages sont liés à l’exil auquel sa réputation «d’anarchiste dangereux» contraint BRETON. Embarqué le 24 mars 1941 avec Wifredo LAM et Claude LEVI-STRAUSS pour  New York, il fait escale un mois plus tard en Martinique où il y est d’abord interné avant de pouvoir se livrer à son activité favorite, la flânerie dans les rues de Fort-de-France. Par un incroyable hasard, il va découvrir le premier numéro de la revue Tropiques dans une mercerie, puis entrer en contact avec René MENIL qui provoquera, à son tour, la rencontre avec Aimé CÉSAIRE. Une rencontre qui, une fois de plus, relève de circonstances insolites….

En Martinique André BRETON cherche à retrouver les mêmes émotions que celles qu’il éprouve devant les objets «primitifs» ou les toiles de ses amis surréalistes. Sa rencontre avec CÉSAIRE est d’un autre ordre, engendrant une fascination réciproque. BRETON a alors 47 ans, et CÉSAIRE, qui a déjà écrit son Cahier d’un retour au pays natal, en a 28. L’éloge de BRETON est sans nuance: CÉSAIRE est «un grand poète noir», et sa poésie, «belle comme l’oxygène», est «le plus grand monument lyrique de ce temps». Cette  rencontre est tout aussi décisive pour le poète martiniquais qui la place au même plan que sa rencontre avec SENGHOR, précisant que BRETON lui a apporté la hardiesse. Non pas celle d’incarner les valeurs surréalistes, mais celle, en s’appropriant ces valeurs, d’inventer une poésie «de fièvres et de séismes», une «poésie paroxystique» unissant le rêve à l’action, dans le prolongement de la voie tracée par BAUDELAIRE, RIMBAUD, LAUTRÉAMONT «en mal d’aurore» et BRETON qui l’a lui-même révélé.

Après la Martinique, le «hasard objectif» se manifeste à nouveau, lors du passage de BRETON à Haïti. Cette rencontre est évoquée dans le chapitre VI qui porte le titre «Haïti, l’imprévisible résultat de la rencontre». Invité par Pierre MABILLE, il se rend en Haïti, en décembre 1945, depuis New York où il réside, pour des conférences sur le surréalisme. Il y poursuit sa quête qui l’amène à découvrir des cérémonies vaudou, la peinture «naïve» d’Hector HYPPOLITE, et à rencontrer de jeunes écrivains se réclamant du surréalisme, tels Clément MAGLOIRE-SAINT-AUDE, ou le tout jeune René DEPESTRE. Or Aimé CÉSAIRE l’a devancé en mai 44. Sa conférence sur la poésie, «Appel au magicien», a constitué un véritable brûlot lorsqu’il déclare «La vraie manifestation de la civilisation est le Mythe [...], le seul refuge de l’esprit mythique est la poésie. Et la poésie est insurrection contre la société». BRETON, lui, va rester en retrait de ce climat d’agitation insurrectionnelle qui va faire chuter la dictature de LESCOT, tandis que la révolution avortée se réclame du surréaliste.

Quant à une éventuelle influence esthétique du surréalisme, Dominique BERTHET préfère parler, concernant les écrivains haïtiens, de confluences entre «un surréalisme européen et des courants de surréalisme populaire où le sacré côtoie sans cesse l’onirique et l’érotique» (p. 116). Ultime ironie du sort, BRETON décède en 1966, deux ans avant que ne retentisse, en mai 68, le slogan qu’il aurait pu faire sien: «Faites l’amour, pas la guerre».

André BRETON – Dominique BERTHET: une esthétique commune?

Le dernier chapitre, intitulé «L’émotion et le savoir» revient sur le rapport que BRETON a entretenu avec les œuvres d’art. Cette réflexion renvoie à la posture critique de Dominique BERTHET à l’égard de BRETON. Cette même posture s’apparente à l’éloge, à un «enthousiasme» pour le sujet. La valeur d’une œuvre à laquelle on accorde le statut d’œuvre d’art est liée à l’émotion qu’elle fait naître. Mais, note Dominique BERTHET à propos de BRETON, «l’émotion, la sensibilité, l’enthousiasme, la force de suggestion et d’attraction de l’œuvre sont une porte d’accès à la connaissance, une invitation à en savoir plus». Cette dernière citation pourrait constituer le credo de la démarche que lui-même adopte dans cet essai. Il nous y présente un homme sensible, vivant, émouvant, à travers un récit de vie aux allures de promenade limitée à une tranche de vie. Mais, ne nous y trompons pas, nous avons également affaire à un essai critique, savant, d’un philosophe qui s’interroge sur l’infléchissement possible de l’œuvre du poète, à la suite de rencontres déterminantes.
 
BRETON appréhende l’œuvre d’art, à travers une intimité qui relève d’une activité  qui surgit à l’occasion d’une flânerie, ayant partie liée avec la rêverie, la rencontre. Cet état d’errance que cultive le poète, qui revendique son désoeuvrement, arpentant tous les après-midi le boulevard Bonne-Nouvelle et qui préside à la rencontre avec NADJA, est le même que celui qui permet au philosophe, se promenant au Palais Royal de rencontrer le Neveu de Rameau. Suivant en cela la position qui était déjà celle de DIDEROT (et qui sera également celle de BAUDELAIRE), la rencontre est précédée par une appétence, le désir d’une rencontre. La rencontre avec un objet, une œuvre d’art, est de même nature que celle qui préside à la rencontre avec une femme. Elle suppose une approche sensible, intuitive et affective. Quant à l’écrit critique qui se propose d’en rendre compte, il se place au niveau de la réception de l’œuvre par un sujet qui va chercher à faire partager l’émotion qu’il a ressentie. Sous la forme élogieuse d’une expression partisane et passionnée. C’est encore DIDEROT qui écrit dans ses Essais sur la peinture en 1765, «S’il nous arrive de nous promener aux Tuileries […], nos pas s’arrêtent involontairement; nos regards se promènent sur la toile magique, et nous nous écrions: quel tableau! Oh que cela est beau». C’est aussi tout ce qui fait, à son tour, la saveur de cette «invitation au voyage» que constitue l’ouvrage de Dominique BERTHET, qui sert de passeur pour nous guider vers des imaginaires entrouverts par un sous titre magique: Antilles, Amérique, Océanie.

BRETON, en partance vers les Amériques, cherchait à retrouver dans leurs lieux d’origine, les conditions ayant produit les mythes collectifs premiers, afin de réenchanter le monde et de «changer la vie»; son exil fut l’occasion de rencontrer dans ces mêmes lieux, un créateur capable de rendre universelle sa propre mythologie de poète. «Orphée noir», la parole lyrique que Césaire profère, dans une tension paroxystique, opère la magie de parler pour tous, donnant sa voix à ceux qui sont sans voix dans l’émergence d’un monde régénéré.

Le titre choisi par Dominique BERTHET pour son essai suscitait le désir d’une lecture défricheuse. Le recueil fermé, un autre désir surgit: celui de se laisser emporter très loin, par la magie des mots dans une relecture des œuvres de BRETON et de CESAIRE.

Scarlett JESUS
Le Lamentin, le 6 juin 2008.

Viré monté