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Chacun son tour

Roman

par Olivier Arrighi

Lancement 8.12.2008

 

 

 

 

 

 

 

 

Chacun son tour, Olivier Arrighi • Caraïbédition  •  
ISBN 978-2-917623-04-6  • 2008 • 20.00 €

Chacun son tour

Résumé

Myriam Leveque, une métropolitaine à la réussite aussi brillante que controversée, est retrouvée morte sur le parking de son bureau près de Fort-de-France. Contraint de mener l’enquête, Simeoni voit s’envoler ses vacances en amoureux aux Saintes. Embringué dans les méandres de la haute société martiniquaise avec son lot de magouilles et de combines, il va devoir joué serré s’il veut sauver sa tête.

Une nouvelle enquête du lieutenant de gendarmerie Simeoni dans l’effervescence du Tour des Yoles: un polar tropical sans concessions. 

Extraits

Extrait du roman de O. Arrighi «Chacun son tour»
Dimanche 30 juillet: Prologue au Robert

«Géant ka maché!»
(France-Antilles du 31/07/06)

La yole robertine a – dans son fief de la baie du Robert – dominé de toute sa voile le prologue du 22e Tour des yoles.
Un bon point pour le moral que ses adversaires tenteront cependant dès aujourd’hui de mettre à mal dans les creux de la Caravelle.

Heu-reux. Ange était enfin heureux. Les derniers mois n’avaient pas été faciles mais ça y est, il allait enfin passer une semaine en amoureux avec Grace. Tous les deux, rien que tous les deux aux Saintes. Depuis qu’il l’avait rencontrée, en avril dernier, rien n’avait été simple. Grappillant une soirée de-ci, de-là, il s’envolait pour Sainte-Lucie et revenait au petit matin. De son côté, Grace avait pu se libérer trois week-ends pour s’immiscer dans la vie de son Ange préféré. Ils avaient su dès le début que leur relation n’avait aucune chance de tenir. Elle, ministre de l’Intérieur, riche et black sur l’île indépendante de Sainte-Lucie; lui, avec sa petite situation de gendarme métro en Martinique: trop de choses les séparaient. Mais leur week-end en amoureux en Guadeloupe les avait convaincus: ils en avaient assez de leur pseudo relation bancale et ils avaient décidé d’un commun accord de faire un test de quelques jours pour voir jusqu’où ils pourraient aller.
Maintenant, Ange le savait, ils iraient au moins jusqu’aux Saintes… Une semaine où ils auraient comme unique occupation de se découvrir au paradis. Ils auraient pu y aller en avion mais avaient préféré se rendre sur l’île guadeloupéenne par la mer. Avec le hors-bord de Grace, un Bowen 28 pieds de deux fois 225 chevaux, la navigation durerait moins de trois heures. Le départ était programmé pour le lendemain matin 8 heures. La météo prévoyait une mer calme et un temps au beau fixe. Ils auraient le temps de piquer une tête avant le déjeuner aux Petits Saints, l’auberge au charme suranné où leurs hôtes veilleraient à leur tranquillité avec bienveillance. Le repas face à la mer Caraïbe serait forcément succulent. Ange jubilait rien que d’y penser sans parvenir à déterminer ce qui lui plaisait le plus entre la vue panoramique sur la baie des Saintes ou celle plus proche sur les yeux, le visage, le corps de Grace… Il avait bien une petite idée sur la question mais le bonheur ne se morcelle pas, il se prend et se consomme tel quel: en gros, en long, en large, assis, debout ou allongé, mais à deux et sans modération.
«Je consomme mon bonheur avec Grace». Joli slogan, auquel ladite Grace aurait pu répondre:
«Mon Ange aux Saintes, une véritable allégorie!»

Combien de fois n’avaient-ils pas joué avec leurs prénoms respectifs! Ange et Grace. Grace et Ange… Tout était dit. Enfin, presque. En tout cas, pour une fois, on ne se moquait pas de lui. Il avait suffisamment maudit papa Simeoni de lui avoir donné le prénom de son frère, Ange Félix. Si le prénom était courant en Corse, il était beaucoup moins fréquent sur le continent ou, comme on dit en Martinique: «là-bas», «en France». Ange préférait son deuxième prénom, Félix, mais entre ses parents, ses copains et l’administration française, le rappel à l’ordre avait été systématique et cinglant: il s’appelait Ange Simeoni, point.
Ange Simeoni: un nom à prendre une balle entre les deux yeux ou perpète aux Baumettes dans le meilleur des cas. Heureusement, son père, qui faisait fi de toutes ces considérations étymologicogénéalogiques, avait choisi la voie royale qu’empruntent les Corses qui ne deviennent pas truands: la fonction publique. Don Antoine Simeoni avait servi l’administration française dans les colonies puis, avec l’indépendance, dans ces nouveaux pays africains où tout était à faire. Eloigné de l’île de beauté, ballotté tous les trois ans d’une république bananière à l’autre, Ange n’avait pas eu le temps de se faire d’amis. Il n’avait eu d’autre choix que de suivre les traces de son père: bûcher, passer un concours… et finir gendarme.
Ses aptitudes physiques et intellectuelles lui avaient toutefois permis d’intégrer le corps d’élite du GIGN. Corps qu’il quitta une dizaine d’années plus tard après une mission qui changea sa vie. Ainsi, près de quarante ans après son père, lui aussi s’était retrouvé gendarme outre-mer, avec le grade de lieutenant à la gendarmerie du François.»

Extrait du roman de O. Arrighi «Chacun son tour»
Mardi 1er août: Trinité - Saint-Pierre

«Le réveil sonna à 5 h 30. Ange avait couru quinze kilomètres la veille au soir mais il recommença à la fraîche. Le footing du lundi ne comptait pas, il n’était pas prévu, tandis que celui du mardi matin était sacré, il faisait partie de ces pierres angulaires qui balisaient hebdomadairement son existence: trois footings, deux plongées en apnée et une séance de psy. Son 3-2-1… Sauf que la séance chez sa psy avait été décommandée pour cause de vacances. Il se contenterait du footing; de toute façon, il avait trop de choses en tête pour aller voir un psy et la journée y serait passée.
Il passa prendre Jacques chez lui. Sandrine, sa femme, lui avait préparé un bol de café et des tartines de confiture. Il accepta avec plaisir et engloutit rapidement le tout avant d’embarquer Jacques dans sa 206 de service. Suriam était d’excellente humeur:
– Qu’est-ce que t’as? lui demanda Ange.
– Tu trouves pas qu’on forme un sacré tandem? On est les Starsky et Hutch des Antilles. Ou les Men In Black, les deux flics à Miami, les…
– Laurel et Hardy.
– Mais je t’avais dit de ne pas dire Hardy!
– Excuse.
– Y’a qu’avec toi que je sors du François. Dommage qu’ils ne te confient pas plus d’enquêtes de cette envergure.
– Avec toutes les emmerdes qu’elles entraînent…
– Mais non... Les emmerdes sont pour toi. Moi je ne suis que le grouillot de base, l’adjudant besogneux. On m’ordonne, j’exécute. Mais faut pas m’en demander trop, je suis de base et ça me convient parfaitement.
– Dans ce cas, je vais demander au juge de te faire participer aux fouilles des bennes à ordures.
– Regarde! Même ça j’ai réussi à y échapper. A moi les interrogatoires dans les bureaux climatisés. Les gendarmes continuèrent à se chamailler jusqu’à ce que le téléphone interrompe leur conversation. C’était Claudel. Jacques prit l’appel et répéta à Ange que le juge allait suspendre les fouilles de la déchetterie. Le capitaine de la BR l’avait appelé pour l’informer qu’ils n’étaient pas des fouille-merdes et qu’une journée perdue prouvait que les recherches étaient vaines. L’attitude désinvolte du juge finissait par agacer Simeoni. Il n’avait rien contre les incompétents tant qu’ils restaient à leur place, derrière leur bureau, mais là c’en était trop. Il saisit le téléphone pour expliquer au magistrat que les ordures du dimanche n’étaient pas uniquement ramassées le lundi mais aussi le mardi et le mercredi puisqu’il n’y avait que deux passages d’éboueurs par semaine.
– Merde ! s’exclama Claudel.
– Oui, vous n’en êtes pas sorti.
– Vous n’imaginez pas à quel point ils vous haïssent à la BR, et votre photo en charmante compagnie n’a rien fait pour arranger votre cas.
– Vous n’allez pas vous y mettre vous aussi.
– Il faut dire que le moment était plutôt malvenu pour pavaner au côté d’une bombe sexuelle.
– Je vous rappelle qu’à cette heure, je devrais être aux Saintes avec ladite bombe sexuelle.
– Vous allez vous plaindre encore longtemps? Vous commencez à me casser les pieds avec vos vacances. Simeoni tendit le téléphone à son collègue, c’était beaucoup plus élégant que de raccrocher.
– Tiens, dit-il à Suriam, il a encore quelque chose à te dire.
– Oui? dit Jacques dans le portable. Non, continua-t-il… Je ne peux pas vous le passer, il conduit…. Si, il conduisait jusqu’à présent mais c’était en ligne droite. Là on attaque les virages, c’est pour ça qu’il m’a passé le téléphone… Bien monsieur le juge, je n’y manquerai pas. Suriam rit en raccrochant :
– Le juge te dit d’aller te faire foutre.
– C’est une instruction ?
– Je dirais plutôt une suggestion. La prochaine fois que tu me fais un coup pareil, préviens.
– Je voulais mais j’ai pas eu le temps, y’a des virages.»
  

Interview d'Olivier Arrighi

Pourquoi des Polars?

J’avais envie d’écrire depuis de nombreuses années. Mais, avant d’écrire, j’ai toujours aimé lire, et notamment les romans policiers. Je trouve que les polars sont des ouvrages sans prétention qui se lisent facilement et qui nous permettent de nous évader dans des univers différents.

Les bons auteurs parviennent à nous apporter plus qu’un simple moment de détente; leurs livres laissent une trace dans notre esprit quand on les referme. Soit parce que le caractère des personnages ne nous laisse pas indifférents, soit parce qu’ils nous transmettent un savoir, une émotion. Ils nous apprennent quelque chose sur l’environnement dans lequel ils se déroulent, qu’il soit historique ou géographique et, pour les plus réussis, ils peuvent même nous apprendre quelque chose sur nous.

Mes modèles s’attachent autant à développer les caractères de leurs personnages (à leur donner de la consistance) qu’à peaufiner l’intrigue. Ils situent leur action aux Etats-Unis, en Suède ou, pour les plus proches, en France.

Je trouvais dommage de se contenter de polars américains ou «venus du froid». En tout cas dont l’action se déroulait si loin. Quitte à être au soleil, autant lire un livre de plage venu du chaud. Ainsi, j’ai voulu écrire un livre que je lirais avec plaisir, un livre qui aurait aussi permis au «métro» fraîchement débarqué de son avion que j’étais de découvrir la Martinique hors de ses clichés.

J’essaye d’écrire des romans qui se lisent facilement en étant aussi fluide que possible, avec une pointe d’humour et une enquête que l’on a envie de voir aboutir. Mais qui peuve apporter le fameux «quelque chose» que j’évoquais tout à l’heure, et ce quelque soit le lecteur.

Ainsi, j’ai voulu montrer au touriste une région qu’il n’a pas le temps de voir quand il passe deux semaines dans un hôtel du sud. Je me suis attaché à décrire une Caraïbe qui ne s’arrête pas à ses plages dorées, ses eaux turquoises, ses cocotiers et ses ti’punchs. Si la Martinique est une île attachante par ses paysages, elle l’est aussi par ses coutumes telles que le Tour des yoles rondes. Cet course unique en son genre donne une teinte particulière à l’île au mois d’août. Les aficionados ne se contentent pas de suivre le Tour, il y a une réelle effervescence palpable dans toute l’île, au même titre que le Carnaval. Sauf que des Carnavals, il y en a ailleurs, des Tours des yoles, non.

Les Antilles doivent beaucoup aussi à leurs habitants, quelles que soient leurs origines. Qu’elles soient antillaises, békés ou métros, plus que les communautés en elles-mêmes, ce qui m’intéresse, ce sont les rapports entre ces différentes communautés. Souvent complexes mais toujours passionnants. Ils constituent le piment autant que le lien d’un peuple riche de sa diversité.

J’essaye aussi d’intéresser les lecteurs Antillais en leur parlant d’aspects méconnus que j’ai découverts grâce à mes expériences précédentes (j’ai été directeur financier de groupe locaux pendant une dizaine d’années). Côtoyer le pouvoir économique antillais m’a beaucoup appris et m’a donné envie de faire partager mon savoir. C’est pourquoi j’encre mes fictions dans le quotidien en développant des aspects souvent laissés de côté dans les romans, tels que l’économie, les rapports avec les politiques, la hiérarchie de l’administration ou les problèmes de communication avec Paris. Je développe quelques magouilles de tous ordres qui donnent un peu de piment à l’enquête en la sortant de son cadre purement judiciaire. L’intrigue est tirée de mon imagination mais elle s’appuie sur le vécu des Antillais afin qu’on ne sache plus où commence la fiction.

Le roman, qui a pour cadre la haute société martiniquaise, n’est pas un livre d’investigation mais un roman policier, une œuvre de fiction romanesque crédible mais inventée de toutes pièces. Si certains voient ce roman comme un livre d’investigation, je suis flatté, mais les personnages et les situations que je décris sont imaginaires, même si certaines d’entre elles s’appuient sur des lieux et des évènements réels pour gagner en crédibilité, à commencer par le Tour des yoles.

Je m’adresse avant tout aux Antillais à qui j’essaie de transmettre d’une manière agréable mes connaissances de certains secteurs de l’économie locale tels que l’immobilier ou la défiscalisation. Ils auront aussi, grâce à ce roman policier, une idée de la manière dont le métropolitain que je suis peut percevoir la Martinique.

Mes Auteurs Favoris sont:
Alexandre Dumas. Paul Auster. Haruki Murakami. Milan Kundera. Eric-Emmanuel Schmitt. Patrick Cauvin ou Didier Van Cauvlaert.

Polars:
Mickael Connely et Tim Cockey (US), Jo Nesbo et Henki Mankel (Polars venus du froid) ou, côté Sud Arturo Perez Riverte. Et bien sur, pour la France, l’incontournable Fred Vargas, avec son Lieutenant Adamsberg, tellement attachant qu’il en est crédible.

Les Principaux personnages

Ange Simeoni: ancien membre du GIGN, il se retrouve lieutenant de gendarmerie au François spécialisé dans les enquêtes de mœurs. Droit, voir intraitable, sa psychorigidité est autant une force qu’une faiblesse dans un environnement où le consensus est de rigueur. A force d’être à contre-courant, il est attachant autant pour son caractère que pour les «emmerdements» qui en découlent (rapports avec ses femmes et ses supérieurs…). Il est Corse pour le clin d’oeil à mes origines, mais aussi parce les Corses sont réputés pour leurs défauts qui les rendent attachants: têtus, susceptibles et une réputation de fainéants qui n’est due qu’à leur choix de faire travailler leur tête plutôt que leurs muscles.

Raphaëlle: La fille d’Ange et de son ex-femme, Johanna. Raphaëlle est une créole, c’est à dire une personne blanche nées aux Antilles. Cette définition reflète le sentiment du héros Ange Simeoni par rapport à la Martinique : quoi qu’il dise, quoi qu’il fasse, il est lui aussi Martiniquais. De cœur, d’adoption. Il se sent désormais chez lui.

Jacques Suriam: En anglais, on parle de Buddy Movies. Ceux où le héros à un «pote», un complice inséparable. Ici, le complice est un collègue et ami, un Antillais qui sait ce que le mot amitié veut dire, quelqu’un sur qui Ange peut compter.

Grace Brown: Ministre de l’Intérieur sur l’île voisine de Sainte-Lucie, elle est l’archétype du fantasme masculin. Belle, intelligente, riche: elle a tout pour elle et elle le sait. Dans ces conditions, la relation qu’elle entretient avec le simple lieutenant Simeoni ne peut être que compliquée. Très compliquée.

Myriam Leveque: la victime. Métropolitaine à la réussite fulgurante, son parcours a fait beaucoup d’envieux susceptibles de lui en vouloir, d’autant plus qu’elle a appuyé sa réussite autant sur le pouvoir économique que sur le pouvoir politique. Ses ravages dans la gent masculine ont fait eux aussi autant de jaloux que de déçus, ce qui rallonge encore une liste de suspects déjà conséquente.

Les autres: beaucoup d’hommes gravitent autour de la victime, presque autant que de femmes autour de l’enquêteur. Si les rapports entre les communautés sont souvent compliqués, ceux entre les deux sexes sont guère plus simples. Alors, quand les deux s’additionnent…

La Martinique: on dit de la Martinique que c’est l’île des revenants. Avec ce livre, j’ai voulu montrer pourquoi je la considérais plutôt comme l’île des «non-partants». La Martinique se mérite. Nombreux sont les métropolitains qui débarquent, subissent une épreuve et retournent d’où ils viennent. Le héros, Ange Simeoni, après avoir lui aussi mangé son pain noir, choisit de rester quoi qu’il lui en coûte. Il n’en a pas encore conscience mais il ne pourra plus retourner en Métropole. En ce sens, il rejoint la victime, Myriam Leveque.

L'auteur

Olivier Arrighi est né en 1968 à Lyon. Champion d’Europe cadet d’athlétisme, il hésite entre les études et une carrière sportive. Il opte finalement pour les études et, après cinq bacs, un diplôme de Sciences-Po et un de finance, il commence sa carrière en Afrique pour la poursuivre dans un cabinet de conseil à Paris.

Mais la chaleur tropicale lui manque. Il part s’installer aux Antilles comme directeur administratif et financier en 1997. Ce Corse d’origine et Antillais de cœur décide, après huit ans dans les chiffres, de passer aux lettres.

Son premier roman policier, Pas de Vagues au Cap-Est, paru en 2007, a figuré parmi les meilleures ventes aux Antilles pendant plusieurs mois.

Avec Chacun son tour, il poursuit les investigations du lieutenant de gendarmerie Simeoni dans la société Martiniquaise tout en faisant partager son regard sur les Antilles.

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