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La chair du silence

Poésie

Emmanuel Vilsaint

 

 

 

 

 

 

La chair du silence, Emmanuel Vilsaint • Éditions Milot • 2024 •
ISBN 9782386170058 • 12x19 cm • 107 pages • 15 €

La chair du silence

Mots de l'auteur

Chères lectrices, chers lecteurs

Voici, en guise de lecture, un souffle porté viscéralement depuis près de dix ans qui m’a aidé à affronter la brutalité de l’exil, la disparition d'êtres chers, le chaos qui n’a cessé d’engloutir mon pays natal: Haïti, souffre-douleur de l’appât du gain, de la mégalomanie furibonde et de la cruauté de fils indignes.

A travers un cri jeté dans le bassin du silence, - réveil en sueur de l’Homme-Poète aux prises avec la terreur de la nuit -, j’ai tenté, par la vomissure de ces lignes, de contourner ma douleur, embrassant la force de l’amour. Cette poésie intime est donc mon antidote pour ouvrir les yeux et pour m’ériger face aux démons de la destruction. De cette même vision mystérieuse qui illumine mon rêve de vivre, le défi est d’explorer une sensibilité nouvelle enracinée dans l’impalpable, l’irrationnel, l’absence-présence.

Comment donc effacer sous un voile de velours la tragédie de l’être? Cette question me taraude depuis toujours et me ramène à la mission première du poète: éclairer sa propre nuit.

Écrire une poésie qui fait la part belle au silence reste la plus noble quête littéraire qui soit. Exercice certes difficile, tant il faut transcender sa propre colère, mais essentiel pour mieux s’écarter de soi-même, étouffer son cri et éveiller l'écho de sa propre sensibilité. D’aucuns diraient une communion avec les êtres et les choses qui nous entourent. On frappe à la porte de la solitude où l’on demande asile, au fil d’un temps savoureux, loin du tohu-bohu naufrageur. Une quête de soi dans le recueillement.

Ici, je vous prie de réserver une place à cette parole non point faite de lumière mais de murmures d’ombre. Vous trouverez dans ces lignes une réalité fugitive, soudaine voire déconcertante; un état intérieur paradoxalement rapproché et isolé des autres. Entre ombre et lumière, un regard fragile né de ce que René Char nomme: “reposoir d’obscurité”.

Illuminé d’un verbe à l’emporte-pièce, La chair du silence tente de ficeler des lignes qui donnent à entendre une poésie chiffonnée et crue. Comme vouloir dire ce qu’interdit l’indicible. Une poésie qui part à la rencontre des mots dans une déambulation à en perdre souffle, entre lyrisme et aphorisme, au fil d’un espace-temps réinventé.

Il importe d’interroger la place du silence dans la littérature. L'ossature de ce texte a pour socle cette interrogation. Continuer à vivre libre et garder son humanité. Une quête poétique face à l’adversité; la brutalité environnante entravant encore plus la sérénité et le vivre-ensemble. Comment traduire, d’un verbe libre, ce qui maintient étonnamment l’opprimé debout?

Emmanuel Vilsaint

Emmanuel Vilsaint

Surnommé le Poète Brasseur par le public suite au succès de son monologue théâtral éponyme au Lavoir Moderne Parisien (Paris / Février-Mai 2019), Emmanuel Vilsaint est un poète, acteur, metteur en scène haïtien arpentant les scènes françaises et internationales tout en multipliant depuis 2005 les projets performatifs, pluridisciplinaires. Formé au conservatoire Erik Satie à Paris sous la direction de Daniel Berlioux, puis en Master Théâtre à l'université Paris VIII; il enchaîne, comme poète-comédien, des spectacles, festivals, concerts en collaboration avec des artistes-musiciens de diverses horizons… Il collabore comme rédacteur dans plusieurs revues littéraires et est l’auteur de textes de poésie et de théâtre écrits en français et en créole. Il joue comme acteur principal dans une dizaine de pièces sous la direction de Claude Buchvald, Stella Serfaty, Arnaud churin, Daniel Berlioux, Georges Nesly, Sandrine Righeschi… Au cinéma, il est l’acteur principal du film Port-au-Prince, dimanche 4 janvier de François Marthouret, long-métrage adapté du roman Bicentenaire de Lyonel Trouillot. Son interprétation lui a valu en 2016 le prix du meilleur rôle masculin au M.P.A.H. Movie Award de Boston (États-Unis). Il crée en 2018 les "Ateliers Dire Le Monde" qu’il anime dans l'objectif de contribuer à l'accessibilité des pratiques littéraire et artistique au plus grand nombre.

Extrait

Le remords a jailli
en terrain d’aube
C’est la fuite de l’île
à bras le corps

Un ange court à sa perte,
à tire-d’aile
Sur la terre, comme ailleurs
Seule une poésie d’ombre
dit la nuit à voix nouvelle

Les murs sont fous qui dansent
les cris des sept douleurs
Pour une fleur aux prises avec la terre
Séquestrée d’hirondelles
Pour une fleur sacrifiée
De mains d’ailleurs

Là où ça fait mal
Dans la chair du silence je pénètre
Sans combattre
En quête d’apothéose de poème

*

Mario Benjamin (Illustrateur de la couverture)

Mario Benjamin

Né en 1964 à Port-au-Prince, Haïti, Mario Benjamin est un artiste autodidacte, qui a bénéficié d'une éducation artistique dans sa famille, avec une mère comédienne et un père architecte et violoniste. Il est connu pour ses peintures grand format, gestuelles et proches de l'abstraction, habitées de regards intenses, du rêve et de l'incompré-hensible. Elles sont autant de moments d'une expérience psychique transmuée en œuvre. Dans une démarche de recherche constante, son style a évolué vers une «dé-construction de la symétrie et de l'harmonie de ses toiles.» Actuellement, il élargit son travail au médium de l'installation, faisant appel à différentes compétences et techniques (scénographie, photographie, peinture, sculpture)

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