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Le traitement du kreyòl dans les trois
premiers romans de Gary Victor

Frenand Léger

Résumé de l’article

L'article examine les trois premiers romans de Gary Victor en focalisant particulièrement sur les passages écrits en langue kreyòl afin de déterminer leur mode d’intégration et leur statut dans ces textes littéraires d’expression française. Pour bien apprécier la qualité, la pertinence et le degré de créolisation linguistique à l’œuvre dans les romans de G. Victor, ces derniers ont été confrontés à d’autres productions littéraires de même nature provenant d’un corpus de textes francophones haïtiens et antillais.

Mots-clé

Roman, fiction brève (genre), oralité, identité, décentrement littéraire, créolisation, postcolonialisme.

Pour citer cet article

Frenand LÉGER, «Le traitement du kreyòl dans les trois premiers romans de Gary Victor», Revue Legs et littérature, 2016, no. 9, pp. 33-52.

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Le traitement du kreyòl1 dans les trois premiers romans de Gary Victor

Né à Port-au-Prince le 9 juillet 1958, G. Victor fait partie de la génération d’écrivains haïtiens contemporains nés sous la dictature des Duvalier et ayant vécu sur place à l’âge adulte les dérives post-duvaliéristes. Cette tranche d’histoire socio-politique de la vie haïtienne est reproduite dans son œuvre avec la même lucidité et le même souci d’objectivité que dans les œuvres réalistes traditionnelles du XIXe siècle. La volonté d’écrire la réalité socio-politique et culturelle haïtienne, l’acuité de l’observation traduite par la valeur documentaire de la fiction de G. Victor, semblent être un héritage familial, puisque son père, René Victor, était journaliste et sociologue. Ses expériences personnelles multiples et variées comme agronome en milieu rural, fonctionnaire dans l’administration publique et comme journaliste, lui ont sans doute également fourni les bases nécessaires pour être aujourd’hui l’un des écrivains haïtiens les plus prolifiques et les plus lus de son pays. Il est, comme le souligne N’Zengou Tayo, l’«un des rares écrivains [haïtiens], publié localement, à vendre rapidement ses livres et à être réédité2» (1998, p. 260). Ses trois premiers romans, Clair de manbo (1990), Un octobre d’Elyaniz (1992) et La piste des sortilèges (1997), ont tous été écrits et publiés à l’origine en Haïti. Si ces trois romans nous intéressent particulièrement dans le cadre du présent article, ce n’est pas uniquement parce qu’ils sont des produits littéraires locaux, mais c’est aussi et surtout parce que les occurrences de la langue kreyòl constituent une part importante de leur masse verbale. Sachant que G. Victor a également publié près d’une quinzaine de recueils de fictions brèves dans lesquelles il intègre ad libitum le kreyòl, il nous semble utile de chercher à déterminer le rôle de la langue haïtienne dans l’économie générale de l’œuvre romanesque de cet auteur haïtien de langue française.

L’usage de la langue kreyòl, la brièveté textuelle, la démultiplication narrative et la polyphonie énonciative permettent à G. Victor de pratiquer non seulement le genre du récit court à l’intérieur du genre romanesque long, mais surtout d’exploiter littérairement les ressources de l’oralité haïtienne. Le lodyans3, ce genre de récit conçu dans l’oralité kreyòl, prend tellement de place dans ses trois premiers romans qu’Hoffmann4 (1995, p. 217) considère ces œuvres comme des «lodyans » plûtot que comme des «romans». Pour insérer les traits de l’oralité kreyòl dans ses œuvres d’expression française, il emploie en effet des procédés diégétiques ainsi que langagiers. Sur le plan diégétique, le romancier-lodyansè utilise à la fois des extraits de chansons, de récits traditionnels, de mythes et de légendes vaudou, des descriptions de scènes de pratiques magico-religieuses, ainsi que des références à ces éléments de l’oralité. Sur le plan langagier, l’oralité se manifeste à travers la créolisation5 linguistique du français qui s’opère par des emprunts lexicaux et syntaxiques à la langue nationale haïtienne. C’est précisément cette créolisation linguistique qui nous intéresse dans le cadre restreint du présent article. Il s’agit en fait d’évaluer du mieux que l’on peut les qualités esthétiques et les enjeux d’une telle pratique littéraire. L’auteur des trois romans en question, est-il un simple scribe «francophone» réaliste se souciant d’assurer la vraisemblabilité de son œuvre ou un marqueur de parole populaire haïtien en quête de la mémoire collective, en quête de soi? Comment comprendre sa démarche esthétique? Faut-il voir dans sa créolisation du français le signe d’une revendication identitaire, d’une certaine «haïtianité littéraire»? S’agit-il d’une poétique de créolisation allant dans le même sens que celle de certains brillants prédécesseurs, tels que Justin Lhérisson ou Jacques Roumain par exemple?

L’étiquette «haïtianité littéraire» présuppose l’existence d’une littérature produite dans l’espace difficilement délimitable de la nation haïtienne à l’époque actuelle. Hérité du XIXe siècle européen, ce lien étroit entre littérature et nation est en train de se distendre dans le monde d’aujourd’hui où les frontières sont progressivement abolies par les technologies de l’information et de la communication qui s’avèrent de plus en plus efficaces, sans parler des mouvements migratoires. Favorisant un brassage considérable des cultures, le phénomène de la mondialisation rend en effet poreuses les frontières nationales. Plusieurs écrivains, qui souhaitent justement prendre leurs distances par rapport à des étiquettes telles qu’«écrivain haïtien», «écrivain antillais», «écrivain négro-africain» ou encore «écrivain francophone», visent l’universel en se positionnant plutôt comme des écrivains cosmopolites. Compte tenu des problématiques interculturelles et sachant par ailleurs que la langue ne suffit pas à elle seule pour conférer une identité culturelle incontestable à l’œuvre littéraire, il devient de plus en plus difficile, comme l’explique Jean Derive6 de parler d’identité culturelle en littérature. En ce monde hypermoderne7 d’appartenances multiples, d’identités démultipliées où le lien de territorialité entre l’individu et sa terre natale ne fait presque plus de sens et où l’on prône la «dénationalisation de la littérature », en remettant constamment en question la validité́ scientifique des frontières nationales en littérature dans des débats autour de concepts et notions comme «poétique globale de la relation», «Tout-monde», «littérature-monde», «déterritorialisation», «mondialisation culturelle», «littératures du grand Sud», il peut paraître démodé et même arriéré de vouloir discuter ici de la question de la littérature nationale haïtienne ou pire encore d’«haïtianité littéraire».

Si la notion de «littérature nationale» paraît dépassée de nos jours, les liens entre littérature, langue et nation, exprimés dans la revendication de la spécificité d’une institution littéraire autonome, restent néanmoins d’actualité en Haïti où deux langues officielles cohabitent . Pour ne pas dire deux cultures auxquelles on a tendance à rattacher deux littératures nationales, l’une d’expression française et l’autre d’expression kreyòl. Au problème linguistique haïtien, il convient d’ajouter le problème de l’édition. À cause de la situation socio-économique d’Haïti, qui ne favorise pas le développement d’éditions locales, les imprimeurs se sont traditionnellement arrangés, tant bien que mal, pour jouer le rôle d’éditeur. Les quelques rares maisons d’édition locales haïtiennes n’ont pas les moyens de remplir leurs fonctions éditoriales selon les normes. Dans un tel contexte, l’écrivain haïtien soucieux de visibilité internationale est contraint de se faire éditer à l’étranger, en France particulièrement. La littérature haïtienne reste par conséquent largement dépendante de l’édition française qui, en raison de sa puissance qu’elle tire de ses moyens économiques, détermine dans certains cas le contenu de la production littéraire haïtienne ainsi que celui des travaux critiques, qui, de toute façon, se situent encore aujourd’hui en grande partie dans les sillons du discours de la critique littéraire française. Pendant qu’on préconise le dépassement du concept exigu de l’«haïtianité littéraire» au profit d’une identité poétique plus globale, ne devrait-on pas se questionner sur la condition essentielle de cette ouverture à l’autre. Comment s’ouvrir à l’autre et sur le monde si l’on ne se connaît pas, si l’on n’a pas appris à s’accepter, à assumer pleinement son identité? Pourquoi s’ingénier sur le plan littéraire à transformer, à adapter la langue de l’autre pour se l’approprier alors qu’il est tout à fait possible aujourd’hui d’utiliser sa langue maternelle propre tout en contribuant à son développement et à l’enrichissement de son code écrit?

La créolisation telle que pratiquée dans les œuvres haïtiennes du début du XIXe siècle jusqu’à l’époque actuelle suit pratiquement le même schéma que celle observée dans les œuvres des écrivains de langue française provenant des petites Antilles comme la Martinique et la Guadeloupe. Dans un article qui étudie la créolisation dans la production romanesque de ces deux îles franco-créolophones, DeSousa8 a relevé des constantes permettant de distinguer trois phases d’écriture correspondant à trois méthodes d’inscription du créole dans les textes de langue française. Elle distingue «un temps où le créole apparaît en citations uniquement, une phase d’intégration partielle du créole au français, enfin une créolisation du français» tout en précisant que «ces trois méthodes peuvent être employées seules ou combinées9». Elle prend aussi la peine de fournir plusieurs exemples de textes antillais correspondant à chacune de ces trois phases d’écriture de la créolité en français. Selon elle, Texaco de Patrick Chamoiseau correspondrait parfaitement à cette troisième étape de «créolisation du français», car dans ce «roman en français créolisé, le vocabulaire antillais apparaît dans tous les registres de conversation, tous les types de description. Lexique et grammaire créoles transforment le français10» . Mais ce que DeSousa ne dit pas et qui donnerait certainement plus de poids à son analyse, c’est que, sur le plan précis de la créolisation linguistique, il n’y a pas grand-chose de nouveau ou de véritablement révolutionnaire dans ce «marronnage littéraire» à l’œuvre dans Texaco. L’inscription de la parole kreyòl dans l’écriture d’expression française est une tradition littéraire qui remonte à l’époque de la création de la nation haïtienne au début du XIXe siècle et qui s’est développée par la suite. Les pionniers de la littérature haïtienne, tels que les frères Nau de l’École de 1836 et Justin Lhérisson par la suite, ont fait une utilisation littéraire originale de la parole kreyòl dans des œuvres adressées avant tout à leurs compatriotes haïtiens puisqu’elles étaient à l’origine publiées dans des périodiques locaux. On peut par conséquent soutenir que P. Chamoiseau et G. Victor ainsi que tous les autres écrivains contemporains haïtiens et antillais qui pratiquent la créolisation du français sont, qu’ils le veuillent ou non, des héritiers de cette longue tradition littéraire haïtienne vieille de près de deux siècles.

La différence majeure que nous faisons entre les pionniers de la littérature haïtienne et les auteurs contemporains d’ascendance kreyòl qui écrivent exclusivement en français ou qui continuent à vouloir créoliser le français au lieu d’écrire directement en kreyòl, c’est que, contrairement à Nau et à Lhérisson, ces derniers ont, de nos jours, la possibilité de produire également à l’écrit dans leur langue maternelle, car depuis l’adoption par décret-loi en janvier 1980 de l’orthographe officielle du kreyòl, la situation de la langue haïtienne n’est plus ce qu’elle était il y a deux siècles. Malgré tous les facteurs négatifs contribuant à sa dévalorisation, le kreyòl d’Haïti est passé du statut de langue vernaculaire à celui de langue nationale en 1983, pour enfin arriver en 1987 à celui de langue officielle au même titre que le français. Il existe actuellement toutes sortes de documents écrits en kreyòl et sur le kreyòl dans d’autres langues. On compte des dizaines de thèses de doctorats, d’ouvrages et d’articles scientifiques portant sur quasiment tous les aspects linguistiques et sociolinguistiques du kreyòl. On a produit dans cette langueplus d’une vingtaine de dictionnaires ainsi que des grammaires, des manuels scolaires, des récits littéraires, de la poésie, du théâtre, du cinéma, etc. Grâce à son niveau de standardisation actuel, le kreyòl est apte à couvrir presque tous les usages administratifs, éducatifs et littéraires. Une académie du kreyòl haïtien a même été instituée par l’État haïtien comme cela est prévu par la Constitution de 1987. En plus de la valorisation et de la promotion du kreyòl, cette institution académique a pour mission entre autres de «fixer la langue créole et de permettre son développement scientifique et harmonieux11». Parmi les actions fondamentales à entreprendre par l’Académie dans le cadre de sa mission de standardisation du code écrit du kreyòl, mentionnons l’inventaire des ressources lexicales en vue de la production d’un dictionnaire monolingue exhaustif et la normalisation des structures syntaxiques de cette langue.

S’il revient à l’État haïtien la responsabilité de faire en sorte que le kreyòl devienne un outil efficace de transmission des savoirs scientifiques, culturels et d’expression littéraire, il reste que les écrivains haïtiens ont aussi un rôle important à jouer dans ce long travail conceptuel nécessaire à la construction du code écrit de leur langue nationale. Dans ses réflexions sur les difficultés d’écrire en kreyòl, le poète Georges Castera12 pose une série de questions tout à fait pertinentes:

  • Comment ne pas écrire du déjà là à partir des formes orales existantes?
     
  • Comment écrire dans une langue menacée?
     
  • Comment écrire dans une langue où l’écrivain n’a pas de mémoire littéraire?

Pendant qu’il pose les problèmes de l’écriture en langue kreyòl, Castera ne manque pas d’insister malgré tout sur sa prolifique production littéraire dans cette langue ainsi que sur sa posture avant tout militante. Considérant la traduction en kreyòl du livre Le Petit Prince réalisée par G. Victor, on peut dire que son travail ainsi que celui d’un nombre non négligeable d’autres écrivains haïtiens s’inscrivent dans cette même démarche d’utilisation décomplexée des deux langues officielles du pays. La tâche est peut-être difficile, voire sacerdotale, mais il est tout à fait possible pour les écrivains haïtiens contemporains, bilingues et polyglottes, de traduire des chefs-d’œuvre d’autres langues vers le kreyòl et surtout d’en produire directement dans cette langue afin de l’illustrer, de l’enrichir et de l’embellir de la même façon qu’ils le font pour le français. Il est clair que ce n’est pas en produisant des livres en kreyòl que l’écrivain haïtien se fera publier à l’étranger afin de recevoir des prix littéraires étrangers ou de se faire élire membre d’une quelconque prestigieuse académie étrangère. En dépit de tout, la production littéraire en langue kreyòl n’a cessé de croître depuis les années 1950. Un nombre croissant d’auteurs haïtiens produisent en kreyòl, soit pour assumer leur responsabilité d’écrivain en contribuant à une cause sociale, soit pour relever le défi d’écrire dans une langue dont le code écrit en pleine construction n’offre pas encore un grand éventail de supports et de références littéraires, soit pour le simple plaisir d’écrire dans les deux langues qui ont façonné leur imaginaire et marqué leur enfance en Haïti.

Dans le contexte actuel où il y a une plus grande sensibilisation au sein de la population sur l’importance de la valorisation de la langue haïtienne et sur son rôle extrêmement important dans le développement d’un meilleur système éducatif, la dichotomie kreyòl-français, comme l’un des problèmes essentiels de la création littéraire en Haïti, se pose dorénavant avec une acuité encore plus grande. La forte présence dans les romans de G. Victor du kreyòl, véhicule par excellence de l’oralité haïtienne, s’avère être un autre procédé classique d’enracinement de son œuvre dans la culture populaire. Sans prétendre procéder à une analyse exhaustive des procédés de créolisation linguistique dans son oeuvre , nous nous proposons d’examiner un échantillon de segments kreyòl insérés dans ses trois premiers romans afin de déterminer leur mode d’intégration et leur statut dans le texte français. Pour bien apprécier la qualité, la pertinence et le degré de créolisation linguistique de ses romans, il convient de garder à l’esprit les techniques d’insertion du kreyòl telles que pratiquées par Nau dans les années 1830, par Lhérisson au début du XXe siècle et aussi par les indigénistes comme Jacques Roumain et Philippe Thoby-Marcelin au milieu du même siècle. D’Ignace Nau aux indigénistes en passant par Justin Lhérisson, nous avons observé une nette évolution dans la créolisation linguistique du français littéraire. Dans le cas de Nau, il s’agit d’une créolisation linguistique minimale se limitant au collage, à la superposition du lexique kreyòl et à la citation de quelques proverbes, mais avec Lhérisson nous avons déjà affaire à une créolisation plus originale et surtout beaucoup plus complexe. Si la créolisation opérée par Lhérisson, qui relève d’une série de procédés stylistiques et d’un travail de création langagière à partir des deux langues, s’est renouvelée dans l’œuvre de certains écrivains indigénistes, qu’en est-il de celle observée dans les romans de G. Victor? En quoi et comment ce dernier contribue-t-il à assurer le renouvellement de cette tradition littéraire haïtienne? Y apporte-t-il quelque chose de nouveau ou d’original?

Pour se faire une idée de sa démarche de créolisation linguistique, on jettera d’abord un coup d’œil sur le prologue de son roman Clair de manbo. Dans cette courte partie introductive qui s’étend sur seulement deux pages, on a relevé trente-cinq occurrences de mots kreyòl dont certains sont en italiques alors que d’autres de même nature ne le sont pas. Dans ce roman, l’auteur préfère utiliser l’italique à la place des guillemets pour distinguer les mots kreyòl du français sans pour autant être systématique dans son choix. L’utilisation massive du vocabulaire kreyòl dans ces deux premières pages n’a absolument rien d’original, car il s’agit de la technique élémentaire qui consiste à employer des mots kreyòl pour nommer des réalités haïtiennes pour lesquelles il serait difficile, voire impossible dans certains cas, de trouver un équivalent dans la langue française. On y trouve par exemple des mots du lexique vodou tels que « dogwe, vèvè, manbo, loas…» et d’autres mots comme «kwi, kalbas, kleren, mapou, lago-kache, chanpwèl, raje, zobop». Plusieurs cas d’irrégularités sautent aux yeux dans l’insertion de ces mots dans le texte. Observons la toute première phrase du prologue: «Le dogwe porta à ses lèvres le kwi, but lentement comme s’il voulait maîtriser le feu que le kleren déversait dans sa poitrine13». 14 Sur les deux pages du prologue, le mot «dogwe» est utilisé treize fois par l’auteur dans le sens de «vieil initié aux choses mystiques» et notons que toutes les occurrences font référence au même personnage, ce vieil initié qui s’accaparait des effluves émotionnels de Madan Sorel à l’aide d’un arc-en-ciel magique. Des treize occurrences de ce mot dans la même séquence textuelle, quatre sont écrits «dogwe» en italique sans accent sur le « final alors que les neuf autres se présentent ainsi «dogwé» sans italique et avec un accent aigu qui n’existe même pas dans l’orthographe officielle de la langue. On se retrouve alors avec un mot qui n’existe ni en français ni en kreyòl. On pourrait par ailleurs se demander pourquoi, à l’instar de l’une des deux occurrences du mot «manbo», «mapou15» et «loas16» ne sont pas écrits en italique. On trouve encore dans cette même séquence trois occurrences du mot «vèvè» dont deux s’écrivent bizarrement «vêvê» avec l’accent circonflexe, un autre signe diacritique qui n’existe pas dans le système graphique du kreyòl.

En plus des multiples anomalies et des erreurs relevées, l’insertion du kreyòl dans le prologue de Clair de manbo ne semble répondre à aucune logique apparente. D’après la grille de DeSousa, l’inscription de ces mots ne relève pas de la méthode de créolisation mais plutôt de la simple technique de citation, puisque la plupart des mots sont isolés par l’italique et par des notes explicatives qui se trouvent dans un glossaire à la fin du roman. Examinons maintenant un autre passage kreyòl plus long choisi au hasard dans le premier chapitre du même roman:

Souvent le vieux Lanjélus […] le passait nan betiz en lui disant: "Gen pwason ki ka kroke nan gòj ou wi Sonson… Sa-a men-m nan bouch li pap ka pase… Pwason renmen dlo men li pa konnen sa dlo ka fè l". […] Un soir Lanjélus, après avoir ralé une profonde bouffée de sa pipe en terre cuite, eut l’une de ses colères […].

  • Tu esun moun fou, Sonson,S’écria-t-il… Chaque soir tu mets Soamène dans tous ses états à cause de cette femme blanche qui se baigne tou touni comme si elle faisait exprès de mettre en chaleur tous les hommes de la région17

La longueur des segments textuels keyòl insérés et leur nature grammaticale sont les deux seules différences qui existent entre ce passage et ceux du prologue. Alors que dans le prologue toutes les insertions sont de simples unités lexicales limitées à un seul substantif indivisible, dans le présent passage, les insertions sont des syntagmes plus longs et de nature grammaticale plus variée. Par exemple, le segment «passait nan betiz», qui a plus le sens de « taquiner» que de «passer en dérision» tel qu’indiqué dans le glossaire à la fin du roman, est une expression verbale. L’unité lexicale «Pwason renmen dlo men li pa konnen sa dlo ka fè l» quant à elle prend la forme d’un dicton haïtien servant à mettre quelqu’un en garde contre un danger quelconque. En fait, ces deux différences ne changent rien au fait que tous ces segments keyòl restent isolés du français par leur typographie et par leur traduction fournie par l’auteur ou par l’éditeur à la fin du roman. En ce sens, ils ne constituent pas une créolisation fertile en termes d’invention et relèvent tous par conséquent de la simple «méthode de citation» telle que proposée dans la grille de DeSousa. Un autre aspect encore plus problématique qui permet de mettre toutes les occurrences du kreyòl dans Clair de manbo dans le même panier, ce sont les fautes d’orthographe relevées dans leur transcription. Prenons par exemple le segment «Sa-a men-m nan bouch li pap ka pase» dans lequel il y a deux erreurs: une d’orthographe et une deuxième dans la transcription de la chaîne parlée. On observe un curieux tiret dans l’adverbe «men-m» utilisé dans le sens de son équivalent français «même» alors qu’il ne s’agit pas d’un mot composé en kreyòl. L’auteur écrit «pap» comme une seule unité alors qu’il fallait écrire «p ap», puisqu’il s’agit deux éléments discursifs distincts. La particule « est la forme réduite du marqueur de la négation «pa» et quant à «ap», c’est un marqueur verbal aspectuel.

Si dans Clair de manbo, G. Victor se limite à la technique élémentaire du collage ou de la citation pour intégrer le kreyòl dans le texte français, il semble que dans Un Octobre d’Elyaniz, il passe au stade supérieur, c’est-à-dire à la phase «d’intégration partielle». Contrairement au premier roman, aucune des occurrences kreyòl dans Un Octobre d’Elyaniz ne se trouve séparée du français par l’emploi d’un quelconque signe typographique à l’exception des paroles de chanson et de quelques particularités du français haïtien qui apparaissent entre guillemets. Dans le prologue d’Un Octobre d’Elyaniz, il y a dix-sept occurrences kreyòl telles que« laye, pèpè, koridò, kwi, bòkò, panno, pyès kay…» qui se différencient de celles se trouvant dans Clair de manbo par l’absence d’italique, de guillemets et de notes explicatives. Il en est de même dans tout le reste du roman. Tous les mots, expressions, locutions et proverbes kreyòl adoptent la mêmeconfiguration typographique que le texte français et ne sont traduits nulle part dans le texte, ce qui indique en effet que l’usage du kreyòl est envisagé différemment. Il faut néanmoins noter que cette absence de traduction, d’italiques et de guillemets ne permet pas encore de parler de créolisation dans le sens plein du terme. Observons par exemple la phrase suivante dans le premier chapitre:

Les soldats massacraient tout ce qu’ils rencontraient: chiens, chats, zonbis, oiseaux de nuit, kaka kleren attardés dans les ruelles obscures, kretyen vivan n’ayant pour seul logis que le partout et le nulle part, chanpwèl et zobop sans laisser-passer, macoute en disgrâce…18 19

Dans ce passage, il est vrai que d’un point de vue typographique la différence entre les mots kreyòl et le français ne saute pas aux yeux, mais on ne peut pas encore parler de créolisation puisque ces occurrences sont malgré tout repérables dans le texte français de par leur physionomie. Le lecteur franco-créolophone aussi bien que le lecteur francophone non créolophone ne manquera pas d’identifier « kaka kleren, kretyen vivan, chanpwèl et zobop» comme des intrus visibles dans la structure française et, dans le pire des cas, comme une utilisation parodique du kreyòl.

Si la quasi-totalité des emplois du kreyòl dans Un Octobre d’Elyaniz relève en effet de la méthode «d’intégration partielle», nous avons quand même réussi à trouver un petit nombre très limité d’inscriptions kreyòl susceptibles de passer pour une véritable créolisation dans le sens que DeSousa l’entend. Examinons les deux extraits suivants:

Ce fut ainsi que Sonson Pipirit échappa pour la deuxième fois à la fureur du sergent qui jura sur la tête de sa mère qu’il arriverait bien un jour à exposer au soleil les tripes du lavalassien20»

Comme elle avait plus de quatre-vingt récoltes de café, toute la cité crut qu’elle avait enfin franchi les frontières de la déraison21

Dans ces deux passages, Victor joue sur les rapports de similitude et de dissimilitude qui existent entre le français et le kreyòl pour créer des structures dans lesquelles les deux langues se confondent de manière à devenir plus ou moins opaques pour le lecteur francophone non créolophone. Si le lecteur français sait ce qu’est un «lavalassien», le premier passage ne lui sera pas tellement opaque parce que l’auteur exploite la proximité entre l’expression française «mettre les tripes au soleil» et l’expression kreyòl «fè trip yon moun pran solèy» pour créer une nouvelle expression «exposer au soleil les tripes de quelqu’un» qui n’appartient en réalité à aucune des deux langues. Il est vrai que cette dernière expression traduit une certaine créativité de la part de l’auteur, mais on admettra que la créolisation n’est pas encore tout à fait réussie. Sur le plan esthétique, une créolisation linguistique réussie prend en général la forme d’une création langagière obtenue à la fois à partir d’une pratique collective et d’un usage original personnel des deux langues. Pour illustrer nos propos, arrêtons-nous maintenant à l’expression «récoltes de café» dans le second passage. Tout dans la configuration de ce passage est français, mais le sens de l’expression «récoltes de café» dans le contexte du roman de G. Victor échappera certainement à un lecteur français occidental pour qui le temps chronologique s’exprime à l’aide de mots abstraits comme heure, mois, an, siècle, millénaire . Pour le paysan haïtien créolophone unilingue, le temps est au contraire concret et circulaire comme les cycles de la nature. Pour se situer dans le temps, il aura recours à des faits ou à des événements concrets comme une catastrophe naturelle, un régime politique ou une guerre. C’est ce qui explique que, pour indiquer son âge de quatre-vingt ans, il dira qu’il a «quatre-vingt récoltes de café» au lieu de se servir des expressions abstraites du temps. Il pourrait tout aussi dire qu’il est né sous le régime de tel président ou pendant telle guerre à défaut de l’année précise de sa naissance. L’expression «récoltes de café» dans cette phrase française est donc un bon exemple de créolisation réussie non seulement parce qu’il s’agit d’une trouvaille stylistique assez originale, mais surtout parce qu’elle rend authentiquement compte de l’oralité kreyòl, de l’imaginaire haïtien, d’où l’opacité de cette expression pour le lecteur français étranger à la culture haïtienne. Malheureusement, le taux extrêmement faible de ces types d’insertion du kreyòl dans ce roman ne permet pas encore de parler d’une vraie démarche systématique de créolisation.

Voyons maintenant si, dans La Piste des sortilèges, G. Victor a réussi à améliorer ses techniques ou à mettre en place une véritable méthode de créolisation linguistique du français. Disons d’emblée qu’en terme de quantité dans l’utilisation du kreyòl, ce troisième roman est comparable à celle des deux précédents. On y trouve une masse très importante d’occurrences kreyòl qui se présentent sous quatre formes différentes. Il y a une grande quantité de substantifs tels que « lanbi, kretyen vivan, abitan, roroli, tròkèt, bwa-fouye, ason, Vlengbendeng, grenn senk, vèvè, nanm, kachimbo, kleren, Mabouya, koyo.» dont la plupart sont en italique. L’auteur utilise également des phrases complètes comme «Kijan w ye Zwazo-wout? Pran swen kò w wi22», des dictons et des proverbes comme «Kout manchèt nan dlo pa pote mak23» et des expressions figées comme de ki prevyen dans le passage suivant «Gason Eloïs ordonna à ses makout de retrouver Persée Persifal et de l’amener à la caserne pour savoir de ki prevyen24. Presque toutes les occurrences kreyòl sont non seulement en italique, mais également suivies d’un astérisque qui renvoie à leur définition française à la fin du roman. Notons que l’italique, l’astérisque et la définition française utilisés dans ce roman pour dissocier les deux langues servent à triplement inféoder la langue kreyòl, puisque toutes ces mesures sont prises pour accommoder le lecteur français étranger à la culture haïtiennesans se soucier du lecteur haïtien qui lui peut se lasser de la présence de toutes ces notes explicatives qui lui sont complètement inutiles.

Dans La Piste des sortilèges, roman dans lequel on espérait trouver une évolution des techniques d’utilisation littéraire du kreyòl, on observe en fait une régression flagrante. Sachant néanmoins que les lecteurs francophones ayant les moyens de s’offrir des romans sont plus nombreux à l’étranger qu’en Haïti, il ne faut pas minimiser le rôle que l’éditeur peut jouer dans le choix d’une utilisation du kreyòl qui ne vise qu’à favoriser ceux qui peuvent acheter les livres. Quand on sait que Clair de manbo et La Piste des sortilèges ont été publiés à l’origine par les mêmes éditeurs, à savoir la maison Henri Deschamps, et Un Octobre d’Elyaniz par un éditeur différent, il y a lieu de se demander si l’éditeur des deux romans en question n’a pas sa part de responsabilité dans ce mode de traitement littéraire du kreyòl. Rappelons ici qu’Un Octobre d’Elyaniz est, parmi les trois romans, le seul dans lequel il existe quelques rares insertions du kreyòl qui se fondent au français au point d’aboutir à une véritable créolisation, à un réel métissage linguistique. Mais il suffit de comparer cette créolisation restreinte à celles très étendues, multiples et variées observées dans les lodyans de Lhérisson, dans Gouverneurs de la rosée de Roumain et dans le recueil de poésie À fonds perdu de Philippe Thoby-Marcelin, pour conclure que G. Victor n’arrive pas à marcher dans le sillage de ces auteurs, voire les dépasser dans le traitement qu’il fait du kreyòl. Disons avant de conclure que la créolisation, qu’elle soit restreinte ou étendue, médiocre ou réussie, ne peut être qu’au service des intérêts de la France, de sa culture et de sa langue utilisée encore de nos jours en Haïti comme un moyen de domination plutôt que comme un outil de communication généralisé à la portée de tous.

Après l’examen des trois  premiers romans de G. Victor, nous sommes en mesure de conclure que ce n’est pas tant dans l’esthétique ou dans la beauté stylistique et langagière que réside la valeur des œuvres en question, mais plutôt dans le fait que cet auteur possède une extraordinaire imagination romanesque sans être pour autant déconnecté du réel. G. Victor est, en effet, un conteur dont la verve hors pair s’allie admirablement à de puissantes facultés d’observation et d’analyse du réel. Si elles plongent d’emblée le lecteur dans un imaginaire exubérant, les œuvres du romancier-lodyansè ne témoignent pas moins d’une bonne connaissance de la réalité socio-culturelle haïtienne. Ce qui nous paraît toutefois problématique lorsque nous cherchons à bien cerner sa démarche scripturale , c’est le traitement de la langue kreyòl et du lodyans. Contrairement à Lhérisson qui offre une créolisation féconde du français et qui conçoit le lodyans comme un genre de récit haïtien à part entière, G. Victor contribue malgré lui à la dévalorisation de ces deux aspects importants de la culture haïtienne. La simple superposition des deux langues semble témoigner de l’absence d’une véritable méthode de traitement du kreyòl dans ses romans écrits en langue française. Le fait par exemple de traduire en français les chansons traditionnelles kreyòl insérées dans ses romans ne peut que perpétuer l’attitude néfaste qui consiste à folkloriser cette langue en la traitant comme un simple aspect de la culture locale inapte à dépasser les frontières. En ce qui a trait au lodyans, voici ce qu’il affirme lors d’une conférence à Port-au-Prince: «Pour moi personnellement, la lodyans n’est pas un genre littéraire. Pour moi, c’est un simple dispositif narratif qui permet d’ouvrir une autre fenêtre à l’intérieur du récit pour le faire progresser25». Il est évident que les propos de G. Victor sur le lodyans sont tout à fait discutables, car ce n’est pas parce qu’il a fait le choix personnel d’utiliser le lodyans comme un «simple dispositif» dans la structure narrative de ses romans, que cette forme de récit n’est pas un genre littéraire. La nouvelle et le conte sont traditionnellement utilisés comme métarécits ou récits au second degré dans un grand nombre de romans sans que leur statut générique ne soit pour autant mis en cause. À l’instar de ces deux genres brefs qui existent de manière autonome, les lodyans de Sixto, de Lhérisson, de Chevallier et de Grimard ne sont subordonnés sous forme de métarécits à aucun autre genre littéraire. L’attitude de G. Victor vis-à-vis du lodyans, qu’il subordonne à la nouvelle et au roman, suit la même logique de folklorisation de cet élément culturel. À cet égard, la démarche de décentrement chez notre romancier-lodyansè nous paraît donc ambiguë au même titre que chez la plupart des écrivains haïtiens et antillais d’expression française d’hier et d’aujourd’hui.

Frenand Léger, Ph.D.

 

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Notes

  1. Pour faire référence au créole haïtien comme idiome, nous choisissons d’utiliser le substantif kreyòl orthographié dans cette langue afin de faire la nécessaire distinction entre le kreyòl d’Haïti et les multiples autres langues et cultures mixtes dites «créoles» qui existent dans le monde. Quand il est utilisé ici dans son orthographe française, le mot “créole” prend un sens très large, qui renvoie en général à l’ensemble de ces cultures dites «créoles».
     
  2. Tayo, Marie-José, N’Zengou «Le Vodou dans les romans et nouvelles de Gary Victor: entre fantastique et réalisme merveilleux», Francofonia No 7, 1998, p. 260.
     
  3. «Lodyans» est un terme kreyòl qui désigne un genre de récit propre à la littérature orale haïtienne que les Haïtiens appellent traditionnellement «audience» en français. Dans cet article, nous optons pour «lodyans» car le mot français «audience» a un sens différent de la réalité kreyòl à laquelle on veut faire référence ici. Si, contrairement à la tradition, nous attribuons le genre masculin au mot kreyòl «lodyans», c’est pour rester en conformité avec la tendance générale qui veut que les emprunts prennent le genre masculin en français, d’autant plus que la neutralité de genre s’exprime également au masculin. Pour désigner la personne qui raconte le lodyans, nous utiliserons le terme kreyòl «lodyansè» dérivé de «lodyans», car nous l’estimons plus approprié que le substantif francisant «lodyanseur » utilisé par Georges Anglade.
     
  4. Léon-François, Hoffmann, Littérature d'Haïti, Paris, EDICEF, 1995, p. 217.
     
  5. Dans le contexte de cet article, le terme «créolisation» n’est pas utilisé dans le sens premier qu’il a dans le domaine de la linguistique, c’est-à-dire le processus de création d’une langue créole quelconque. Il est plutôt utilisé ici dans le sens que lui donne Edouard Glissant (1997, p. 37), c’est-à-dire “la mise en contact de plusieurs cultures ou au moins de plusieurs éléments de cultures distinctes, dans un endroit du monde […]”
     
  6. Jean Derive, «La question de l’identité culturelle en littérature», HAL Archives ouvertes, <halshs-00344040>, 2007.
     
  7. Gilles Lipovestsky , Sébastien Charles, Des temps hypermodernes, Paris, Grasset, 2004.
     
  8. Pascale DeSouza, «Inscription du créole dans les textes francophones: De la citation à la créolisation», Penser la Créolité,Maryse Condé et Madeleine Cottenet-Hage, (dir.), Paris, Karthala, 1995 , pp. 173-190.
     
  9. Ibid, p. 174.
     
  10. Ibid, p. 183.
     
  11. Chap. V, art. 213 de la Constitution haïtienne de 1987.
     
  12. Georges Castera. «De la difficulté d’écrire en créole » Notre Librairie No 143, janvier-mars 2001, pp. 6-13.
     
  13. Gary,Victor,Clair de Manbo, Port-au-Prince, Deschamps, 1990, p. 13.
     
  14. Le “mapou” est un grand arbre sacré des zones tropicales, originaire d’Amérique du Sud et des Antilles appelé “fromager” en français.
     
  15. Les “loas”, forme plurielle du mot “loa” ou “lwa” selon l’orthographe officielle, sont des esprits ou des divinités du Vodou.
     
  16. Gary, Victor, Clair de Manbo, Port-au-Prince, Deschamps, 1990, p. 17-18.
     
  17. Gary, Victor, Un Octobre d’Élyaniz, Port-au-Prince, Imprimeur II, 1992, p. 13.
     
  18. Ibid, p. 120.
     
  19. Ibid, p. 13.
     
  20. Gary, Victor.La Piste des sortilèges, Port-au-Prince, Deschamps, 1997, p. 43.
     
  21. Ibid, p. 273.
     
  22. Ibid, p. 75.
     
  23. Propos tenus par Gary Victor lors d’une conférence organisée à l’Institut Français d’Haiti le 6 juin 2014 sur le thème «La lodyans comme genre littéraire» consulté le 27 mars, 2016.

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Viré monté