Potomitan

Site de promotion des cultures et des langues créoles
Annou voyé kreyòl douvan douvan

Fidel, l'Empêcheur du silence

(Un hymne d’adieu dédié à un fidèle compagnon de notre lutte, Fidel Castro, mort le 25 novembre 2016)

Eddy Toussaint Tontongi

World Food Summit, FAO (Roma) le 16 novembre 1996. Associated Press

Tu étais notre libérateur à tous
Toussaint, Dessalines, Bolivar et Marti
réunis dans la nuque du trublion
que tu as toujours été,
toi le fidèle companero ;
toi l’empêcheur du silence
tu as montré par le défi à la peur
que nous sommes plus que ce dont on nous a
fait ressembler et forcés à représenter.

Tu osas dire le possible
et nous convias à te rencontrer
sur le grand champ de la libération,
dans l’espace que nous créions par la force
et des armes et de nos convictions,
et du grand idéal d’une humanité humanisée ;
tu as donné ta part, oui Fidel,
tu as fait notre fierté à nous autres
travailleurs, étudiants, paysans, chômeurs,
et femmes vaillantes en tête de la revendication
pour une société sans perdants ni exclus.

On t’a demandé de faire l’impossible
pourtant tu as réussi à sauver l’espoir
sur toute la surface de notre terre de damnés.
Tu osas faire l’impensable
à la barbe de l’irritable Oncle Sam
et refusas de plier l’échine ;
tu leur as dit à tous,
à tous les étrangleurs des peuples
qu’il y a une vérité autre que la puissance
érigée de par la force que possède l’Empire,
de sa capacité à désosser la membrane de la planète ;
mais tu dirigeas toi le vent de la délivrance de l’Être.

Tu étais là avec nous autres affaiblis
mais croyant encore en un demain meilleur
sur le front des horizons de l’avenir d’une
humanité attaquée sur tous les fronts
ouverts par nos puissants ennemis.
Tu étais là avec nous pour contrer
la mise en condition du tiers-monde
et pour mettre au pilori le discours dominant
pour chanter le requiem du colonialisme
qui revient et redevient même après sa mort
apparente comme tu nous l’as dit mille fois,
et qu’il incombe à nous tous de lutter
pour maintenir les acquis de la lutte.

Ces mots sont mon hymne à ton courage,
toi le guérillero des montagnes isolées,
un hymne à ton intelligence d’homme d’État
qui fait de la petite Cuba une superpuissance
de nos engagements moraux et aspirations ;
toi, le Hérault de la lutte pour la vie
et pour la dignité de l’Être mis en défi
de se dépasser pour aller au-delà de la crasse.

Cet hymne est à ta vision et à la solidarité
démontrée en plus de la parole et des symboles
qu’il faut pour sauver la beauté et aussi la bonté
bâtir un rempart puissant et redoutable
qui empêche de compromettre notre destin commun.

Tu n’avais pas la vocation d’être un saint gonflé
de vieilles vertus ni un démon à l’image de tes ennemis ;
tu avais péché  pour rehausser et le sens des mots
et la vitalité de nos idéaux en butte à chaque instant
aux structures agissantes de la lutte, notre lutte ;
nous regrettons que tu ne fusses pas parfait même si
tu dépassais les records d’incorruptibilité robespérienne
de tous les serviteurs de la chose publique.

Les vrais tyrans des peuples te vouaient
aux gémonies tel Papa Doc qui t’en voulait
pour avoir accueilli les résistants de l’horreur
qui fuyaient notre cauchemar tropical ;
ou les colonisateurs  qui élevaient des murs d’Apartheid
pour exclure nos frères et sœurs de l’Afrique ;
du Sud et du Nord, d’Angola, de Namibie, ou de Zimbabwe,
tu étais toujours là avec les damnés de la Terre,
y compris les Palestiniens déracinés et destitués
de leurs terres par des colons armés jusqu’aux dents
et enhardis sous les ails de l’Aigle dominant.
Arafat t’avait porté en amitié comme Nehru
dans le camp de la solidarité entre les va-nu-pieds
engagés sous la voie de la recherche de l’aube.

Tu étais le champion de Nelson Mandela
et il venait un jour après son élargissement
de son quart de siècle à Robben Island
te rendre hommage pour ton appréhension
de l’interconnexion de la résistance
contre l’engrenage complicitaire de l’oppression.

Tu étais là avec Malcolm X à Harlem
pour dénoncer la société Jim Crow
« séparée mais égale » érigée  pour maintenir
les victimes de l’esclavage happy et soumis ;
tu étais avec El Salvador, avec Nicaragua,
avec Venezuela pour dire que nous, les peuples fiers
et même dans l’adversité nous  ne crierons pas :
« Merci mon Oncle  », No crying Uncle !
Tu nous as aidés à résister ses insolences.

Je sais que le peuple cubain a souffert pour ses défis
mais tu l’as ligué vers la gloire de l’acte libre pour aller
à la rencontre de tous les combattants de l’espoir.
Tu resteras un tyran pour ceux-là qui fuyaient la Cuba
enflammée dans le tourbillon des demains incertains ;
beaucoup d’entre eux perdaient les privilèges conférés
par leur classe et leur puissance sur le peuple en agonie.
Tu devais mourir plus de six cents fois sous la main
assassine de la CIA et de leurs sycophantes locaux,
pourtant tu vivais jusqu’à quatre-vingt dix ans,
demeurant même dans la décrépitude de l’âge
le champion de la dignité de l’Être.

Les successifs présidents du grand voisin du Nord
tous des Gringos excepté le premier Noir d'entre eux
ne  savaient que faire de la vérité inébranlable,
de l’authenticité du combat contre la servitude
que tu représentais et n’avais jamais renoncé
et tu as même offert ton embrassade de sagesse
à ce fils de l’Afrique et du Mid-Ouest perdu
dans les ténèbres lumineuses de l’Occident.

Je dédie ces mots à toi, Fidel,
ô notre fidèle compagnon de la lutte !
Même les initiaux R.I.P. ne te conviennent nullement
puisque tu n’as jamais voulu te reposer  en paix.
Jusqu’à la fin tu continues à dire à voix haute
la parole vaillante que les puissants cherchaient à étouffer ;
jusqu’à la fin tu applaudis avec jubilation les peuples libérés
lançant l’assaut contre les abaissements de l’oppression.
Les philosophes, les romanciers, les poètes, tous les artistes,
te vouent des égards de haute dignité parce que tu as été
chacun d’entre eux et comme eux un grand esprit libre et engagé
dans la poursuite du bonheur de vivre dans la dignité.

Je te dédie ces mots comme une empreinte indélébile
de la mémoire de notre collective conscience.
Que ton choix de vivre nous éclaire tous et toutes
dans le long cheminement vers la conquête de l’Être.

-Tontongi, Boston, novembre 2016

(Ce poème est aussi publié dans l'édition Déc. 6-12, 2017, de l'hebdomadaire Haïti-Liberté)

 


   

boule

 Viré monté