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Du contenu de la suspicion
au rapprochement des prétextes
 
Entretien avec l’auteur Pierre Saint-Sauveur

Réalisé par Marie Flore Domond

Pierre Saint-Sauveur
  

«Je n’ai presque rien demandé aux hommes. Mais j’ai tout exigé de leurs livres. Il est excusable qu’un homme n’ait pas compris le fonctionnement de l’âme. Je n’ai jamais eu cette indulgence pour les livres. Il en existe de lumineux, et d’autres étrangement aveugles, comme sans porte ni fenêtre, dans lesquels on ne semble pas être invités à entrer, à vivre. J’aime les livres qui manifestement m’accueillent, qui exigent de moi non pas que je sois à leur merci, mais attentif à leur éclairage à la fois fixe et changeant, comme une âme. Tout cela demande de la patience, et une sorte de recueillement. Mon amour pour les livres est donc un amour patient, et recueilli.» - Auteur, Jean-François Beauchemin, invité d’honneur  du 31e  Salon du livre de Montréal, édition 2008.


En attendant que d’autres lecteurs éventuels prennent le relais de mes impressions pour me contre dire peut-être, j’avance quelques propos qui me semblent raisonnables, plausibles de préférence. Car une fois de plus, je signale qu’on ne saurait être catégorique dans le champ littéraire; surtout en ayant à l’idée que l’invention du roman est probablement la réaffirmation de la nécessité du mensonge.

Fait remarqué et remarquable, dans l’œuvre: YKULUS GINGEMBRETTE dit  «Monsieur PHARHAUT», écrivain public les personnages doivent faire la part du mensonge et de la vérité pour valider en quelque sorte le fondement même de leur aventure respective. Voilà pourquoi on doit s’attendre de se rapprocher le plus près que possible des prétextes aigus.

Quant aux autres circonspections qui ont engendré la conception du roman, l’auteur se chargera de nous révéler quelques éléments.

Comme enseignant, est-ce pour renforcer une crédibilité que vous avez crée une œuvre que l’on peut qualifier de roman-réalité qui traite de la vie étudiante?

Vous avez remarqué dès le départ que j’ai dédié ce roman à ces jeunes gens, tant dans mon pays natal que dans ma terre d’accueil «ma deuxième patrie»  qui m’ont permis de  distiller ce que je me plais à appeler: LE SAVOIR.

Il y a une grande part des intrigues du roman dissimulée dans le titre. Avez-vous mesuré le risque que cela comporte d’assigner un nom aussi complexe à l’ouvrage?

C’est tout simplement une fantaisie d’artiste. Toutefois, il convient de mentionner que le fameux titre a été expliqué au jeune homme par sa mère qui donnait une connotation ésotérique à ce fameux prénom: Yklulus. Quant à GINGEMBRETTE, je voulais associer cette sucrerie du terroir, passée de mode aujourd’hui, à cette œuvre rien que pour faire une fois de plus ce clin d’œil à ce «petit cadeau de l’océan: HAITI» qui me colle à la peau. D’autre part, il fallait laisser une part de suspense en ajoutant: ÉCRIVAIN PUBLIC. Je suis certain qu’en parlant du livre, les gens diront: Ykulus tout court.

Vous considérez-vous comme un citoyen à tendance socialiste puisqu’à chacun de vos romans vous semblez avoir une préoccupation particulière pour la classe ouvrière?

Je n’arrive pas à me définir d’une façon tangible. Ce qu’il ne faut pas oublier toutefois, je suis de cette génération qui, dans les années cinquante à Port-au-Prince, se trouvait en ébullition constante. On rêvait de bâtir un pays. L’avenir semblait enchanteur. Pendant que le  Général Magloire et les membres de son gouvernement, festoyait à qui mieux mieux, cette jeunesse galvanisée par le choc des idées qui prenaient le haut du pavé en France (l’existentialisme cette donnée nouvelle face au communisme les: «Albert CAMUS- Simone de BEAUVOIR – Jean-Paul SARTRE», la vie culturelle chez nous récupérait les retombées et le marxisme dominait tout le comportement de celui-ci ou celle-là. Il était de bon ton qu’un jeune gens se déclara marxiste. Étant donné que je ne jugeais pas utile de m’inscrire dans un quelconque parti communiste, pour donner le change à des amis qui me traitaient de  petit bourgeois» et qui me refusaient la parole quand on tenait des réunions où tout un chacun pouvait s’exprimer, je me rendais tout seul dans tous ces endroits «aujourd’hui dénommés cité soleil» pour constater de visu, la réalité tangible de ces «laissés-pour comptes.» Les gens me racontaient leur vie quotidienne et je ne pouvais pas rester indifférent à cette strate sociale. Quand on a palpé de près, le train train de la vie de ce lupem prolétariat, on demeure marqué définitivement et on reflète malgré soi une tendance. De plus, avant d’être engagé dans l’enseignement, j’ai passé comme certains de mes collègues quelques mois dans des manufactures sur la rue Chabanel. Là, j’ai vu des femmes travailler sur des machines industrielles et elles confectionnaient justement des habits d’hommes.

Le roman est penché sur le monde des adolescents, un monde assez complexe, alors que vous paraissez mieux  les contrôler que vos personnages adultes. Avez-vous eu cette même habileté dans l’exercice de vos fonctions d’enseignant?

Je répète à qui veut bien l’entendre que je n’ai jamais enseigné aux élèves qu’on me confiait. Quel plaisir pour un comédien de trouver un public chaque jour. Je les éblouissais tout simplement. Mon secret? Leur donner le goût du savoir. Comment? En leur montrant que le monde n’a pas été créé à partir de leur génération.  Je me trouvais en «FORMATION HUMAINE» La tâche m’a été facilitée par ce genre de matière surtout le cours dénommé «FORMATION PERSONNELLE ET SOCIALE» Je les persuadais que la connaissance ne s’achète pas. Je leur accordais aussi la parole dans une séquence du cours que j’appelais «débat». Ils pouvaient me faire voir comment ils considéraient leur monde. D’ailleurs, dans le roman j’ai reproduit textuellement le mot que les filles n’aimaient pas lorsque les garçons voulaient avoir avec elles une relation sexuelle. Remarquez qu’Ykulus se trouvait pris entre deux feux. Les préceptes puritains de sa mère face à cette totale liberté sexuelle qui prévaut dans ce monde-là.

Le projet concernant le présent roman a-t-il été un plan que vous avez envisagé dès le début de votre profession?  Ou est-il simplement survenu en raison du vide engendré par votre retraite?

Quelle question embarrassante. Je pense plutôt que c’est par nostalgie.

Pensez-vous que certains étudiants pourraient facilement se reconnaître à travers l’aventure du roman?

Pas un étudiant en particulier. Dans  cette carrière d’une trentaine d’années au Québec, j’ai rencontré peut-être, une quinzaine d’élèves d’origine haïtienne. Or, comme vous avez constaté, j’ai mis en scène un petit haïtien même si ce n’est pas clairement défini dans le roman. Par contre n’importe quel jeune peut avaliser mes descriptions de l’ambiance générale à l’intérieur d’un établissement scolaire et surtout d’une classe.

Ce n’est pas la première fois que vous pénétrez dans le monde juvénile. Vous vous plaisez à leur insuffler toutes sortes de caractères. Cependant, la touche sensuelle  est très mince cette fois-ci. Quelle est la raison de cette retenue?

Vous avez vraiment l’art de débusquer les subtilités. Sur ce plan, j’ai agi volontairement. C’est comme pour me démarquer de la sexualité débridée (super-sexualité) qui prime en occident depuis quelque temps déjà. Au Québec, en particulier La société devient de plus en plus hédoniste. J’ai appris que l’hédonisme amène vers le nihilisme. J’ai toujours cru que contrairement aux autres animaux, l’être humain devait se réserver ce cachet qui le démarque justement de nos (frères: chevaux- ânes ou autres espèces) qui sautent la femelle au vu et au su de tous sans se préoccuper de rien. Je veux croire que si nous avons l’immense privilège de converser entre nous, c’est pour agir autrement. Peut-on croire que les adolescentes d’aujourd’hui se sentent valoriser quand pour conserver leurs amoureux, elles doivent leur offrir une «pipe» parfois même en groupe (Thème est généralement employé dans ce milieu  pour: fellation).
 
Ces informations vraies et confirmées par des sources fiables, me laissent pantois. Depuis quand le tréfonds de l’âme humaine a tellement changé pour que la sexualité humaine devienne un acte public? Sans doute, des gens vont trouver mon approche trop pudique.. Je ne suis pas du tout dérangé devant une telle proposition..  Hier, justement j’ai entendu à la radio une émission où de jeunes femmes (dans la trentaine) se confient en dévoilant que pour terminer leurs études universitaires « même le doctorat» elles embrassent la «profession d’escorte». Une d’entre elles, se vante d’ailleurs de posséder un beau condo car chaque «coup» se vend trois ou quatre milles dollars. Le hic, une d’entre elle a peur de vouloir rester plutôt dans cette «profession» au lieu de faire valoir les connaissances acquises. Vous voyez pourquoi j’ai mis volontairement un peu de «fleur bleue» dans les relations du jeune homme avec cette jeune fille. Si on rit de l’innocence de l’auteur en «relations amoureuses», tant pis.       

Pierre Saint-Sauveur

Le roman a une très belle qualité: le grand  «dénouement» de l’esprit parental endossé par la mère de famille monoparentale soucieuse du bien-être de son rejeton. Par contre, vous savez autant que moi que le secret d’un bon roman est de parvenir à hisser le niveau de sa forme d’écriture à la qualité de l’histoire.  Au début, j’ai pensé à un manque de fidélité textuelle  par rapport aux œuvres précédentes Tout compte fait. Êtes–vous conscient de l’utilisation abusive du langage verbal inséré dans la texture même de l’écriture?

Ce roman, bien entendu, concerne tout le monde. On remarquera, toutefois, son caractère juvénile. Ce langage verbal, comme vous l’avancez, reflète l’atmosphère qui y prévaut. Vous savez, je ne cesse de répéter à qui veut  bien l’entendre, un roman pour moi constitue une belle histoire. Je n’écris pas de roman à thèse. Je veux offrir au lecteur (surtout à la lectrice) une évasion qui va lui permettre non seulement de s’évader mais aussi de s’accaparer  d’un personnage qui lui plait et qui appelle soit sa pitié soit son indulgence, soit sa tendresse pourquoi pas son rêve enfouit dans son jardin secret. D’autre part, le manque de gravité ou si vous voulez la légèreté textuelle reflète le caractère de suspense que je voulais tenir tout au long de l’œuvre. Ce style est emprunté, bien entendu, au roman policier bien que ce ne soit pas précisément le cas. Ma femme qui révise le texte m’a fait la même remarque. Sauf que j’ai insisté pour garder cette fraîcheur juvénile. 

Vers la fin de l’histoire, vous avez amorcé une série d’affrontements sous forme d’échanges intellectuels entre étudiants et professeurs. Dès lors, le lecteur a toutes les raisons de croire que l’auteur ce soit rendu compte  très loin de la situation précitée dans le processus de l’écriture. Était-ce oui ou non une préoccupation à retardement?

C’était plutôt pour une certaine compréhension entre les jeunes qui ont accès à des données puisées sur internet ou autres «gadgets électroniques» mais qu’ils ne maîtrisent pas encore s’ils n’ont pas la possibilité de sérier leur pensée. Il convient également de remarquer que ces conversations téléphoniques non vérifiées ajoutaient un brin d’incertitude pourquoi pas de frayeur non contrôlée dans l’inconscient du jeune Ykulus par rapport aux préceptes «élucubrations» pour certains de sa «gran’n» à propos de ce pays mystérieux où la glace tombe jour et nuit et où les gens  peuvent  insuffler à leurs interlocuteurs, cette poudre mortelle.  
                                                                                                          
Cela vous offusquerait-il si la plupart des lecteurs percevaient certains de vos jeunes personnages comme des apprentis héros ou leaders maladroits?

Aucunement. Je vous répète que je ne soutiens pas de thèse à travers un roman. Vous me donnez raison de ne pas m’aventurer sur ce terrain. Les gens qui lisent ce roman sont libres de penser ce qu’ils veulent. L’essentiel pour moi, c’est qu’ils n’abandonnent pas le livre après quinze pages. Le dilemme de l’écrivain qui prétend soutenir une thèse à travers son œuvre, doit démontrer le bien fondé de sa prétention. Alors, que moi, je chemine au gré de ma fantaisie et j’incite la personne qui lit à s’évader au rythme de son humeur, de ses angoisses et même ses moments de folie...

Dans un de vos romans, une mère mal nantie confie son enfant en adoption à une famille de race blanche. Le dilemme de l’identité est posé au premier degré. Ensuite, l’auteur s’est inspiré d’un autre où l’histoire gravite autour de la Mère Patrie.  On peut considérer ce traitement au second degré. Et voilà qu’il y a un enchaînement avec le plus récent ouvrage. Cette fois, l’auteur met en relief  un personnage qui vit intimement dans un habitat en compagnie de sa mère naturelle. Plusieurs circonstances forcent cependant le protagoniste à ramener le dilemme de son identité au cœur de sa jeune existence. Est-ce prudent de poursuivre la trace d’un thème sans relâche?

Il y a de très célèbres écrivains «Henri TROYAT» par exemple: six volumes de cinq cents pages sur le thème  de: «TANT QUE LA TERRE DURERA» qui publient des volumes sur un même thème ou du moins sur une certaine conception de la vie. Ces gens  pullulent dans la littérature universelle. On finit par débusquer, à travers ces écrits,  l’état d’âme ou le but poursuivi par ces gens. Pensez-vous que si je me trouvais sur ma terre natale et que je jouissais aujourd’hui des retombées de tous les rêves de cette jeunesse fougueuse des années cinquante, j’écrirais encore sur ce relent identitaire? 

Pour sûr le thème ne constitue pas le principal  démon littéraire de l’auteur. Alors, est-ce possible que ce soit le hasard de l’inspiration?

Un auteur: fameux, médiocre, perspicace, sublime, terre à terre, prolifique, mystérieux, se trouvera toujours esclave ou du moins victime du hasard de l’inspiration… Écrire constitue une drogue pour celle ou celui qui s’y adonne. Je vois même déjà une suite pertinente à Ykulus…  Les séquences se bousculent subrepticement  dans ma tête.

Je vous remercie monsieur Pierre Saint-Sauveur.

Moi de même Marie Flore

Éditeur Pierre Ozias Gagnon des - EDTIONS POUR NOUS de BROSSARD. YKULUS GINGEMBRETTE dit «Monsieur PHARHAUT», écrivain public. Sixième œuvre littéraire de l’auteur Pierre Saint-Sauveur.

Que contient donc ce sac à dos? Pourquoi l’oubli de cet objet en quelque part, bouleverse-t-il à ce point la vie du principal établissement scolaire de cette paisible ville  de banlieue? Monsieur PHARHAUT a-t-il vraiment ce pouvoir INSOLITE pourquoi pas MAGIQUE que la rumeur publique colle sur son dos? Par quel stratagème se fait-il donc déclarer, par le ministère de l’éducation, écrivain public?

Viré monté