Je parle évidemment créole
Je respire bien en créole
Je vibre surtout en créole
Il m’arrive cependant
De fredonner en dansant
Que dis-je me déhanchant
Et en plein soleil couchant
« Waye manman! »

II
Quand je me mets à crier
« Woye! Kouman nou yé! »
Je suis dans le protocole
De notre succulent créole
Et je suis bien dans ma peau
Quand je dis des gros mots

III
Je te vois espèce de pervers
Rechercher de ces vilains vers
A faire piquer une crise de nerfs
Et tourner tes trippes à l’envers
Elles sont pleines de solitaires
Qui sont encore très solidaires
En lieu et place de ton hougan
Qui te mettrait en pimpant
Ton toubib qui te gruge
Te prescrira un vermifuge

IV
Je ne suis certainement pas fou
En disant sur un ton très mou
« Vas-y! Tue-moi chouchou! »
Demande alors à Alfredo
S’il existe de plus doux mot
Dans son excellent credo
Mis à part : Ayibobo!

V
J’ai sillonné la métropole
En évitant toute nécropole
Fuyant certaines espèces
Le genre du sieur Lucrèce
Et je fais l’amour en créole
De manière plutôt frivole
Elle me dit mine de rien
« Chéri plein bol mwin! »

VI
Certes ma vie est créole
Je veux mourir en créole
Et il n’y a rien de très drôle
Car ce n’est pas une parabole
Encore moins une vaine parole
Je voudrais qu’on me décolle
De cette satanée farandole

VII
Je n’ai jamais eu la frousse
De dire dans sa frimousse
« Alaw ou fout dous »
Car cette douceur réelle
Dans la langue maternelle
S’exprime beaucoup mieux
Et fait certes plus sérieux

VIII
T’es doux t’es gros t’es bon
Cela me fait tourner en rond
Dis! Ai-je l’air tellement con
Que je pourrais m’évanouir
Au premier faux soupir
Et feignant de frémir

IX
Je me perds en conjectures
Et avec toutes ces fioritures
Tant pis si je me fais maudire
Car ce que j’aimerais te dire
Si t’es toujours haïtien d’abord
Et non canado-haïtien à bâbord
Dans le genre qui me dira
« Pito nou lèd nou là »

X
Tu connais bien Paul Éluard
Mais pas notre Carl Brouard
S’agissant de Marcel Bichotte
Te voilà donc Bèbè chochotte

XI
Tu ne parles que de Mozart
Mais le grand Edner Guignard
Ou encore Antalcidas Murat
Hélas tu ne t’en souviens pas
Mais la belle Émeline Michel
Avec elle tu irais bien au ciel
Et Anna Pierre donne le ton
« Lap mété suk sou bonbon »

XII
Que dire du cher Émile Roumer
Sans oublier notre Aimé Césaire
Mais toi tu préfères Aznavour
Avec sa belle voix de velours
Alors l’inoubliable Pierre Blain
« Ti mal wa gen tan konnain »

XIII
Justin Lhérisson et Othello Bayard
Ne te rendront pas trop bavard
Mais parler de Gilbert Bécaud
Tu feras certainement écho

XIV
Je voudrais tout faire en créole
Admirer nos beautés créoles
Leur dire qu’elles sont superbes
Même si des mauvaises herbes
Laisseraient croire le contraire
Elles n’ont pas à s’en faire

XV
A l’approche de l’andropause
Je voudrais faire une pause
En poésie ou bien en prose
Car il faut qu’on en cause
Je voudrais écrire en créole
Une cantate à mon idole
Hélas mon écriture bidon
Fait de moi un véritable con

 Viré monté