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«Etensèl mo m yo» d’André Fouad
ou l’apologie d’un poète qui brûle

Dominique Domerçant

Publié le 2018-03-27 | Le Nationale

La poésie d’André Fouad est «un feu, allumé au milieu du lakou, constitué de mots étincelants», pour reprendre les vers de Pascal Apollon. Dans ce recueil, le poète évoque la relation d’intimité entre lui et ses mots, et défend sa vocation de poète. «Etensèl mo m yo» est un recueil de 30 poèmes, de 44 pages, paru en 2006, réédité en 2017 aux éditions Miroir.

Dans un style simple, une écriture automatique, le natif de Port-au-Prince nous fait découvrir sa poésie, qui est chargée de bizarreries, de fantasmagories: une poésie surréaliste. Comme l’a signalé André Breton, ce mouvement littéraire [le surréalisme] repose sur les valeurs de l’irrationnel, de l’absurde, du rêve, du désir et de la révolte.

C’est dans ce paradigme que le poète-diseur s’est inscrit, quand il incendie le lecteur avec le poème «Vire tounen»: Vire tounen / Sou menm tenmpo a / Tout zwazo vole jan yo vle / Tout kavalye lage pa / Jouk bouk sentiwon yo klere kou dife. Le poète utilise des images obscures et déconcertantes pour exprimer une réalité. «Tandis que le pays ne bouge, les oiseaux, qui peuvent être considéré comme les dominants, les cavaliers, agissent en toute liberté, dans un désordre généralisé, dans la bêtise envahissante, la corruption», peut-on se laisser comprendre. 

En effet, le poète André Fouad considère non seulement le côté esthétique de l’art poétique, mais aussi, ce que Jacques Roumain appelle le «contenu de classe». En fait, pour Roumain, la poésie est une arme. Selon lui, le poète est la conscience réfléchie de son époque, et son art doit être une arme au service du peuple, il doit prendre en compte la réalité de sa classe. Etensèl mo m yo, qui se veut une définition de la poésie de l’auteur, se présente avec un art engagé, exposant la réalité du pays, la situation de la jeunesse et de son rêve.

C’est ce que l’on peut lire dans ces vers: Ti kras pa ti kras / Rèv mwen neye […] / Lavi pèdi branch / Tribòbabò. Outre une arme, ce recueil est une apologie de sa vocation de poète.

C’est comme quand on lit un extrait du Mémorial de l’île noire de Pablo Neruda: la poésie vient me chercher / d’une rue elle me hélait / des branches de la nuit. Dans le poème intitulé «Etensèl mo m yo», le poète présente sa poésie [ses mots] comme une voix et une voie: Se nan silans mo m yo / Mwen grenpe al jwenn pawòl lannwit / Kite pou mwen. Et, ses mots constituent une fusée qui peut nous emmener vers une société plus juste. «Chalè mo m yo monte / nan plafon syèl la / li kite bon jan flanm», a-t-il écrit en fin de compte.

 À rappeler, «Etensèl mo m yo» a reçu le prix Joseph D. Charles en 2010 de la Bibliothèque Georges Castera du Limbé. Et, le poète André Fouad a déjà publié, entre autres, Gerbe d’espérance (1992), En quête de lumière (1992) «Bri lan nwit» paru en 2000, «Lè pwezi m jwenn van» (2013). 

André Eugène: Né à Port-au-Prince, il a été pendant un moment maçon avant de se tourner vers la création artistique. Il est influencé par Nasson qui l’inspire la sculpture contemporaine faite souvent de crânes humains, de bois, de plastiques et des métaux. En 2000, il construit avec Céleur Jean Hérard la communauté artistique « Atis Rezistans ». Il participe à des expositions réalisées: au Musée International de l’Esclavage à Liverpool; au Musée des Beaux-Arts du Grand Palais; à l’IERAH/ISERSS.

Frantz Jacques (Guyodo): Né à Port-au-Prince, sculpteur, dessinateur, il débute dans l’art dès son adolescence. D’abord, membre de «Atis Rezistans», se détacha ensuite pour créer «Timoun Solèy Klere». Il expose: au Musée International de l’Esclavage à Liverpool; au Musée d’Aquitaine à Bordeaux, au musée des Beaux-Arts.

Céleur Jean Hérard: Né à Port-au-Prince, il s’initie au travail du bois et à l’anatomie par son frère Christophe Hérard, lui-même artisan sculpteur. Il fonde avec André Eugène la communauté artistique «Atis Rezistans». Il participe à l’exposition JAMA au Champ de Mars avec la Mairie de Port-auPrince; à l’IFH avec AfricAmerica; au Musée International de l’Esclavage à Liverpool; au Musée des Beaux-Arts.

Alphonse Jean Junior (Papada): Sculpteur, Prêtre vodou, né à Port-au-Prince, d’abord membre de la communauté «Atis Rezistans», il intègre ensuite la communauté «Timoun Solèy Klere», créée par Frantz Jacques (Guyodo). Il participe à l’exposition collective au Musée Fowler à UCLA titrée «In Extremis: Death and life in 21st century haitian Art». Ses œuvres sont exposées au Musée de la civilisation à Québec.

Lionel St-Eloi: Né à Port-au-Prince, il débute dans la céramique, le dessin et la peinture avant de passer à la sculpture de récupération. Ses œuvres sont exposées au Grand Palais, à l’Abbaye de Doualas, au Musée du Montparnasse, au Centre d’Art, Musée d’Art Haïtien...Entre les souvenirs et les soupirs, entre la nostalgie et la mélodie, la voix d’Emeline s’est imposée grâce à la complicité de ses musiciens hors pair, comme un véritable champ de mines à faire exploser nos émotions.  Paradoxalement, sa musique est appréciée autant dans les camps des bourreaux que les victimes de cette société qui continue de se déconstruire entre l’ignorance et les injustices de toutes sortes. En écoutant successivement ses nombreux albums ou les pièces maitresses de ces derniers, on est invité à découvrir les meilleures œuvres de collections du musée des femmes pénétrées par l’amour de la patrie et de la famille. 

Quand la création se mélange à la littérature musicale savante et séduisante  Des titres comme: «Jocelyne, Mèsi lavi, Gade Papi, Pè Letènel, l’odeur de ma terre» ont été servis par Mme «Quintesence», avant de passer le flambeau à cette chanteuse aux mille tatouages de vèvè, pour marquer sa communion avec les esprits ancestraux de la terre d’Haïti.Tout s’est joué sur la scène du Karibe, ce 24 mars 2018, entre la reine chanterelle Emeline Michel avec ses artistes select invités: Jowee Omicil, Riva Précil, Princess Eud et Voices Of Haïti. Rival Précil, moins agile que d’habitude avec le nouveau poids vital qui s’ajoute à son corps initial, rattrape l’interprète d’Akiko à travers deux titres, dont «Nonm sa», une des pièces érotiques de la belle négresse originaire des Gonaïves, qui ensoleillait la salle entre sa robe multicolore et sa veste noire, en mode smoking. 

Emeline aime bien ses pairs de tout cœur! Moment d’intense d’émotions et de réciprocité dans des gestes des deux mains et des hanches entre deux sœurs, deux stars d’origine haïtienne qui maitrisent si bien le langage des tambours. Même charge énergique dégagée également à la fin des performances de la rappeuse Princess Eud. Jowee Omicil a été certainement à la hauteur des talents de ces femmes de scènes. Les talents en chœur et l’innocence de ses beaux enfants qui incarnent l’avenir ont servi de refrain à Emeline pour interpeller plus d’attention et d’amour aux enfants et aux jeunes qui représentent l’avenir du pays, l’avenir d’Haïti. Bravo Voices of Haïti pour ce double investissement! Entre promesse d’une relève assurée dans la musique haïtienne, la célébration des trente ans de création entre passion et pays, une petite fenêtre s’est ouverte pour laisser pénétrer les rayons d’antan. Manno Charlemagne, Boulo Valcourt, Vivianne Gauthier, Joe Dams et tous les autres disparus ont été honorés par l’artiste qui nous a appris à dire: «Mèsi lavi».

Parcours d’une combattante, d’une militante qui nous chante l’espoir! En laissant sa ville natale, pour rentrer à Port-au-Prince, pour ensuite faire le tour du monde, trente années se sont écoulées depuis. Grâce à la collaboration des institutions comme: le ministère de la Culture et de la Communication (MCC), Air Caribe, l’hôtel Karibe, Fd Plus et avec la complicité des trois principales institutions organisatrices: Cheval de Feu, Tamise et la Unibank. La vedette internationale Emeline Michel nous a offert une soirée inoubliable. De ces beaux moments passés entre amis et en familles, entre collègue et avec des inconnus, nous sommes en mesure de confirmer que: «Gade papi sa pa pi mal » !En continuant de fredonner les derniers titres du spectacle tels: «Beni yo», «Fòm ale» et «Akiko», on attend avec impatience la nouvelle affiche d’Emeline Michel, pour nous compenser pour les trente prochaines années de ce spectacle qui n’a pas trop duré. «La porte s’est rouverte. La lumière coule à flots. J’ai retrouvé la foi. Il fait si beau!», pour vous inviter à délecter les premiers vers de la chanson «Infini», dans «Quintessence». Ce spectacle est bel et bien une expérience à refaire. Bravo Emeline! Bonne célébration de 30 ans de vitalité et de créativité!

Dominique Domerçant

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Viré monté