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Tomber amoureux de la ville du Cap-Haïtien

André Fouad

Publié le 2020-08-24 | Le Nouvelliste

Je suis un féru des villes ayant une âme rebelle, une âme guerrière, comme Tripoli, Rome, Savannah et pour rester chez nous, le Cap-Haïtien qui célèbre cette année, ses trois cent cinquante années de fondation.

Il y a quatorze ans, grâce à mon ami poète Clément Benoit II, directeur de la bibliothèque Georges Casteradu Limbé, j’ai eu le privilège de lier connaissance avec cette ville historique. J’étais sorti à cette époque, lauréat du prix Joseph D. Charles pour mon recueil de poésie "Etensèl Mo m yo", (Educavision, Miami). Grâce à la compagnie aérienne TortugAir, j’ai pu survoler la ville tri centenaires durant plus de quarante-cinq minutes. Ce jour-là, le temps clément jouait en notre faveur. Au moment où mes doigts valsent sur le clavier de mon ordinateur, je reste sur ma soif, je brûle encore du désir intense de visiter cette ville portuaire au passé inoubliable, glorieux, inscrite désormais dans les annales de l’histoire mondiale.

Cette ville reste gravée dans ma mémoire. Au gré de mes souvenirs remonte dans ce papier, l’odeur des rues, la senteur des arbres, de l'étendue salée qui miroitent sous le soleil mille émeraudes, de pierres précieuses, me remonte à mon olfaction, la douceur des paysages et tant et tant de souvenirs qui me collent à la peau. L’hospitalité des Capois est une denrée rare, chose rare à trouver dans d’autres régions de l’île d’Haïti. A dire vrai, la ville du Cap danse dans mes rêves de citoyen-poète. Elle pétille comme le champagne, à  chaque fois que j’auditionne soit une chanson de l’orchestre Tropicana (Ti Joslin, kenbe diyite w), de Septentrional  (Septan dous, Caridad), ou une pièce de l’excellent compositeur-pianiste Max Piquion, reconnu tant sur le plan local qu’international.

Comment ne pas aimer cette ville qui a vu naître à la grande rivière du Nord, Jean-Jacques Dessalines, le père de la nation haïtienne ? Comment ne pas aimer cette ville pour ses rues bien tracées, le langage fleuri de ses habitants, son architecture qui garde encore l’esprit colonial ; sa gastronomie unique et authentique, ses femmes créoles qui font frémir les cœurs.Comment ne pas aimer cette ville pour ses lieux enchanteurs (Carrenage, Cornier, Milot, Labadee), ses sites touristiques, comme la plaine du Nord, le palais Sans-Souci, Lakou Dereyal, Bois-Caïman et surtout la citadelle Laferrière, classée patrimoine de l’humanité en 1982, œuvre maîtresse du roi Henri premier.  Christophe, le bâtisseur, croyaitt dans l’éducation, le travail, le respect des droits humains, la dignité humaine. Il avait une vision grandiose pour ce peuple qui avait conquis son indépendance au prix de grands sacrifices. Il croyait en ce mythe fondateur : Haïti est le pays où la liberté s'est mise debout pour mettre fin à l'esclavage que l'Occident avait érigé comme système pour deshumaniser l'Homme noir.

Comment ne pas reprire à pein poumous l'esprit de liberté dans ce pays malgré les tourments que le peuple haïtien endure dans le système mis en place depuis son indépendance par les nouveaux colons encore plus durs que les colons blancs.?

De tout temps je songe à cette ville qui renaîtra de ses cendres dans le futur, pourvu que ses enfants se nourrissent, s’abreuvent à la source de l’idéal christophien. Henri Christophe savait que ce peuple qui avait vécu enchaîner dans l'esclavage devait vivre la démesure aussi infini que peut être le ciel. Mais il arrive qu'aujourd'hui nous nous enfonçons dans le chaos aussi infini que peut être l'enfer.

Viré monté