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André Fouad dans tout son art Godson MOULITE Le National | 25 janvier 2025 |
Dans l’immense tradition littéraire haïtienne, marquée par des figures emblématiques telles que René Depestre, Lionel Trouillot, Makenzy Orcel, James Noël, ou encore Frankétienne, André Fouad reste comme un poète qui, tout en restant fidèle à l’héritage profond de son pays, parvient à renouveler l’art de la poésie. Ce poète contemporain haïtien a su s’imposer dans le paysage littéraire par la puissance de son écriture, par la densité de ses images et la profondeur de ses réflexions. Avec deux œuvres majeures, Songes d’Encres et La Valse des Ombres, parût chez Milot en France Fouad s’affirme non seulement comme un poète confirmé, mais aussi comme un témoin lucide de son époque, un observateur aigu des blessures et des espérances de la société haïtienne. Sa poésie, forte de symboles et de métaphores, s’étend au-delà des frontières nationales, interpellant une lecture universelle.
André Fouad, par ses multiples distinctions et sa reconnaissance dans les cercles littéraires, fait partie de cette nouvelle génération de poètes haïtiens dont l’écriture est marquée par la profondeur de la réflexion mais aussi par un souci constant d’innovation. La mention spéciale du Prix René Depestre qu’il reçoit pour Songes d’Encres en 2023 est un témoignage de la qualité de son œuvre. Ce recueil, à la fois méditatif et engagé, est une plongée dans un univers où les frontières entre l’intérieur et l’extérieur, l’âme et le monde, sont constamment brouillées. Il a évoque une Haïti à la fois tangible et spirituelle, où les réalités sociales et politiques sont d’abord vécues dans l’intime avant de se projeter sur la scène collective. Nominé pour le Prix Fedkann Maryse Condé avec La Valse des Ombres, son deuxième recueil, il confirme cette démarche de réflexion poétique poussée. Ce recueil, bien qu’ancré dans une réalité haïtienne précise, adopte une dimension plus universelle par la manière dont il interroge les rapports entre l’ombre et la lumière, entre l’éphémère et l’éternel. La notion d’ombre, présente dans le titre de l’ouvrage, se fait omniprésente et polissée d’un double sens: celle de la douleur mais aussi celle de l’espoir, la lumière étant souvent perçue comme une illusion fuyante. Dans ce recueil, Fouad ne se contente pas de représenter le monde visible; il interroge le monde invisible, celui des ombres, des silences et des non-dits. La poésie d’André Fouad s’articule autour d’une quête d’identité et de vérité. À travers ses recueils, il met en lumière les contrastes de la société haïtienne, entre les rêves brisés et les résiliences silencieuses. Dans Songes d’Encres, les mots s’entrelacent avec une fluidité qui évoque une danse à la fois douce et désespérée, une valse où chaque mouvement est guidé par une volonté d’échapper à l’obscurité. Le poème devient ainsi une voie d’accès à une forme de rédemption : pour les personnages qu’il décrit, mais aussi pour le peuple haïtien dans son ensemble.
La poésie de Fouad se situe au croisement de l’intime et du collectif, dans un jeu complexe entre la mémoire individuelle et la mémoire nationale. Ce dernier, tout en se confrontant aux souffrances passées, s’efforce de saisir la lumière qui pourrait surgir de l’obscurité. Cette lumière n’est jamais une promesse de réconciliation immédiate ou facile, mais plutôt un combat intérieur, un défi permanent à l’égard de l’histoire et des cicatrices laissées par les luttes sociales et politiques. Ainsi, dans La Valse des Ombres, l’ombre n’est pas seulement un lieu d’obscurité, mais également un espace de transformation. Les ombres, dans l’imaginaire de Fouad, peuvent être des lieux de révélation, des moments de lucidité qui surgissent à l’intersection du doute et de la quête spirituelle. L’ombre devient une métaphore de la résistance, un espace nécessaire pour toute compréhension profonde du monde. Le recueil invite alors le lecteur à une danse macabre mais nécessaire, où l’ombre et la lumière, le silence et le bruit, la douleur et la beauté se confrontent dans une étrange harmonie. Le travail poétique d’André Fouad témoigne également de son engagement à la préservation de la mémoire collective haïtienne. Ses poèmes révèlent les plaies ouvertes d’un peuple qui, malgré tout, continue de lutter pour sa dignité et son identité. Mais il ne s’agit pas uniquement d’une mémoire nostalgique ou d’un regard tourné vers le passé; Fouad parvient à articuler une vision du futur, où l’espoir de réconciliation et de renaissance n’est jamais perdu. À travers une langue riche, complexe, souvent fragmentée, il nous invite à explorer les fissures de l’histoire, à regarder au-delà des ruines pour y découvrir des germes de la résistance. Il refuse de se laisser enfermer dans une poésie qui serait uniquement l’expression d’une douleur figée. Au contraire, il cherche toujours à ouvrir des brèches, à inviter à un voyage initiatique où l’ombre de la souffrance peut se transformer en lumière créatrice. Ses vers sont des espaces d’émancipation, un appel à redéfinir la réalité, à remettre en question les mythes et les vérités préétablies.
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