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La première soutenance de thèse du programme
doctoral de l'Université d’Etat d’Haïti

Fritz Deshommes

11 Janvier 2019

Je voudrais exprimer tout le soulagement, toute la satisfaction et toute la joie que nous éprouvons à l'occasion de la première soutenance de thèse dans le cadre du programme doctoral en Sciences Humaines et Sociales de notre Université.

Nous vivons ce moment comme un accomplissement, comme un aboutissement mais aussi comme un tournant, comme le début d'une nouvelle ère pour le renforcement de la recherche, pour l'élargissement des capacités académiques de notre université ainsi que l'augmentation de sa pertinence sociale.

Mais, direz-vous, pourquoi tant d'emphase alors qu'il s'agit de la toute première thèse? Ne devrions-nous pas attendre une récolte plus abondante, plus diversifiée?

C'est que, à la vérité, nous venons de loin. De très loin.

Il  a eu, comme le sait, l'enthousiasme du début. Le Conseil Exécutif d'alors, dirigé par le Recteur Jean-Vernet Henry, disait allégrement toutes ses motivations et toutes ses attentes: la perspective d'une université plus complète non plus seulement plafonnée à la licence, l'opportunité d'améliorer les condition de la recherche  scientifique et de mieux maitriser les différentes facettes de nos réalités, la construction systématique de l'expertise haïtienne dans les domaines les plus variés, de nouvelles opportunités pour garder nos professeurs et nos chercheurs et d'assurer la relève académique et scientifique.

Et puis, très vite, les difficultés n'ont pas tardé à apparaitre. En termes de vision conceptuelle, d'ancrage institutionnel, d'approche administrative, de relations humaines, notamment.  La Direction des Etudes Post graduées (DEP) elle-même s'en est ressentie. Si vrai qu’elle en est déjà à sa cinquième formule de direction, sans compter les passages à vide, les moments de désarroi et de silence, ou même de fermeture pure et simple. Sans compter surtout notre condition structurelle d'Université pauvre, souvent livrée à elle-même, trop souvent à vide de ressources, même pour ses besoins les plus élémentaires, trop souvent en butte à des soubresauts récurrents, dans un pays de précarité généralisée, un pays en  crise permanente, qui vit depuis 30 ans ce que l'autre appelle "cette transition qui n'en finit pas".

Certains en venaient même à penser que ce Programme Doctoral ne pouvait être que mort-né.

Nous venons de loin, disais-je. Mais nous en sommes revenus.

Et c'est le moment de rendre un hommage  bien mérité à tous les dirigeants qu'a connus la DEP depuis  sa création. Eux tous - et chacun d'eux en particulier - ont apporté leur pierre à  la construction de l'édifice, qui a finalement "atteint son angle de repos", comme dirait le poète. Reconnaissons que c'est la mise en commun de toutes ces pierres qui nous vaut de participer à la cérémonie du jour. Saisissons l'occasion pour exprimer notre profonde gratitude à l'égard des professeurs:

  • Nelson Sylvestre
  • Paul Antoine Bien-aimé
  • Dominique Boisson
  • Gelin Collot
  • Alain Gilles
  • Benedique Paul
  • Blair Chery

Bien entendu, il a fallu le leadership des instances dirigeantes de l'Université, le Conseil de l’UEH  et le Conseil Exécutif. Quelle que soit leur composition, elles ont toujours su garder vivante la flamme et maintenir le cap. Avec une boussole incontournable: l'exigence de qualité, l'obligation d'excellence, qui demeure l'apanage du plus prestigieux grade académique qu'offrent nos établissements d'enseignement supérieur.

A l’ex-Recteur Jean-Vernet Henry, qui  a lancé le programme, à l’ex-Vice-recteur Jean Poincy, aux Vice-recteurs Hérold Toussaint et Jacques Blaise, ainsi qu'a tous les collègues du Conseil de l'Université,  toute notre reconnaissance.

Je voudrais insister sur un point fondamental. Toutes les dispositions ont été prises pour que le grade décerné dans notre université réponde aux normes les plus rigoureuses et  s'aligne scrupuleusement sur les règles de l'art. Nous avons été d'autant plus exigeants que nous sommes conscients des faux pas qui nous guettent à chaque carrefour et à chacune des phases de notre entreprise naissante.

Les conditions d'élaboration de cette thèse et l'organisation de cette soutenance nous offrent des preuves de ce souci de qualité et d'excellence.

Le laboratoire d'accueil du doctorant, le LADIREP (Langues, Discours et Représentation) est le plus dynamique  laboratoire de recherche universitaire d'Haïti en matière de sciences humaines et sociales. Il a été le premier à avoir reçu du Collège Doctoral Haïtien, sur la base d’une rigoureuse expertise internationale, l'accréditation et l'habilitation à encadrer des doctorants. Logé à la Faculté d'Ethnologie, il héberge des chercheurs appartenant à  plusieurs Facultés de l'UEH. Il entretient des relations fructueuses avec plusieurs laboratoires de plusieurs universités d'Amérique du Nord, d'Amérique Latine et d'Europe.

L'encadrement de cette thèse est assuré par des universitaires de haut niveau. Le Directeur principal, le Professeur Michael Rinn, de l'Université de Bretagne Occidentale, est détenteur d'un doctorat en littérature. Il a déjà dirigé cinq thèses doctorales, présidé à cinq jurys de soutenance de thèse et a été rapporteur de 5 autres jurys.

Le Co-directeur est notre compatriote John Picard Byron, Directeur du LADIREP ci-dessus mentionné et Coordonnateur du Master en Anthropologie de la Faculté d’Ethnologie de l’UEH. Il détient un doctorat de l'Université Laval pour sa thèse sur Jean-Price Mars. Il est auteur, éditeur et collaborateur de plusieurs ouvrages et articles scientifiques. Avec l’encadrement de cette première thèse doctorale, son laboratoire une fois encore est appelé à faire l’histoire à l’UEH et à  l’Université haïtienne.

La professeure Alessandra Benedicty-Kokken, de nationalité américaine et italienne, est rapporteure du Jury. Elle détient un Ph.D en littérature française et francophone de l’Université du Wisconsin. Elle est professeure associée à City University of New York, professeur-visiteur à l’Université d’Amsterdam. Elle est  l’auteur de nombreux ouvrages, articles scientifiques, parties d’ouvrage. Elle est très familière avec la littérature haïtienne et le vaudou haïtien.

Les autres membres du Jury sont les compatriotes Alix Emera, Nadève Menard et le rwandais Philippe Basabose, tous détenteurs de doctorat, professeurs d’universités prestigieuses, auteurs d’ouvrages et/ou de parties d’ouvrages scientifiques, de plusieurs études et articles scientifiques, de diverses conférences académiques.

Nous en profitions pour les remercier de leur présence parmi nous, de leur disponibilité et de leur appui à la concrétisation de cette étape importante dans la vie de notre programme doctoral.

Il importe de  saluer le courage et la ténacité de  l'impétrant du jour, le doctorant Pierre-Maxwell Bellefleur. Il a su braver tous les obstacles institutionnels évoqués, faire face aux difficiles conditions de fonctionnement de notre université, affronter les défis de l'environnement global. Tout en s’évertuant à répondre au souci d'excellence susmentionné. Sans vouloir  préjuger du verdict du jury, nous voudrions reconnaitre qu'il aura ouvert la voie à ceux de ses collègues qui persistent et signent de leur courage et de leur espérance d'une prochaine graduation au Programme Doctoral de l'Université d'Etat d'Haïti. A eux aussi, à leurs encadreurs haïtiens et étrangers, toutes nos félicitations et tous nos remerciements.

Nous devons un tribut de reconnaissance à nos partenaires qui nous ont accompagné et nous accompagnent encore dans cette quête d'excellence et de qualité. Nous tenons à remercier de manière spéciale l'Agence Universitaire de la Francophonie, l'AUF, dont l'apport a été substantiel tant sur le plan académique que sur le plan organisationnel. Un grand merci également à l'Ambassade de France, au Collège Doctoral Haïtien et à nos consœurs l'Université Quisqueya et l'Ecole Supérieure d'Infotronique d'Haïti, à l'Académie de Recherche et d’Enseignement, ARES/CCD, de la Belgique, à la Fondation Unibank, à la FOKAL et toutes ces personnalités et institutions d'Haïti et de l'étranger qui contribuent à cette entreprise.

Mais notre plus grande reconnaissance, notre plus profonde gratitude, nous l’adressons à ceux qui, de leurs impôts et taxes, de leur travail et de leur sueur, financent chaque jour nos étudiants, nos professeurs, notre personnel, nos études, nos activités, nos projets d’Université d’Etat. Et nous devons toujours nous rappeler, plus souvent que nous ne le faisons, que, quels que soient les progrès que nous réalisons, quelles que soient les étapes que nous franchissons, tant sur le plan personnel qu’institutionnel, leur sens, leur valeur, leur portée seront mesurés à l’aune de leur contribution au mieux-être et au rayonnement de notre Alma Mater, de notre pays et de nos populations.

La moisson est désormais ouverte. Elle s’annonce abondante et fructueuse. La moisson des thèses du Programme Doctoral. Mais aussi, rappelons-le en ce début d’année, la moisson des prochains débats et propositions des Etats Généraux de l’UEH pour la Réforme de notre institution. La moisson des retombées concrètes que nous attendons impatiemment du Protocole d’Accord Etat-UEH du 17 mai 2018 pour la mise en œuvre intégrale de notre Plan Stratégique. La moisson de nos attentes, de nos espérances, de nos vœux les plus chers et les plus ardents pour une année 2019, que je vous souhaite à tous et à toute la communauté,  prospère, heureuse ou tout simplement meilleure.

                                                                                             
Fritz DESHOMMES
Recteur

 Viré monté