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La CIRH pour quoi faire1? |
A part le renforcement et l’officialisation de la tutelle, il est difficile de retrouver là où la CIRH a honoré ses promesses.
Elément crucial du dispositif mis en place pour assurer le succès du «Plan d’Action pour le Relèvement et le Développement National» (PARDN), la Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti (CIRH) suscite beaucoup d’attentes:
«La mission de la CIRH est d’assurer la coordination et le déploiement efficaces des ressources et de répondre à des préoccupations relatives à la responsabilisation et à la transparence afin de maximiser les appuis fournis par les bailleurs de fonds internationaux», indique le document présenté le 31 mars 2010 à New-York (PARDN, pp. 53).
«La coordination et le déploiement efficaces de ressources»? Tout le monde sait que les donateurs, même quand ils consentent à utiliser le canal de la CIRH, tendent de plus en plus à s’en tenir à leurs programmes, à leurs objectifs, à leurs procédures. En outre beaucoup de projets continuent à être implémentés sans que la CIRH ne soit sollicitée. Quant aux ONG, on ne compte plus le nombre de fois que le Premier Ministre, également Ministre du Plan, et donc responsable de l’UCAONG, s’est senti obligé de leur lancer des appels désespérés pour qu’elles fournissent les informations sur leurs activités et intègrent ces derniers dans le cadre du plan gouvernemental.
Dans sa livraison du 1er mars 2011, Alter Presse rapporte à propos de la rencontre tenue le 28 février 2011: «Des délégués ont relevé un manque de cohérence au niveau des domaines et aires d’intervention. Ils ont insisté sur la nécessité d’une plus grande coordination pour des projets à concevoir et mettre en œuvre2».
Quant à la transparence, une intervention faite au nom des 12 membres haïtiens de la CIRH lors de sa séance du 14 décembre 2010 tenue à Santo Domingo nous en donne toute la mesure3:
«Les douze membres de la partie haïtienne ici présents se sentent complètement débranchés de la vie de la CIRH. A l'heure des TIC, il existe un déficit crucial de communication et d'information de la part du secrétariat exécutif et encore plus du comité exécutif. En dépit de notre fonction dans la structure de l'institution, nous n'avons à ce jour reçu aucun rapport de suivi des activités de la CIRH. Les contacts s'établissent seulement à la veille des réunions du conseil d'administration. Le conseiller n'a ni le temps de lire, ni d'analyser, ni de comprendre et encore moins de réagir intelligemment aux projets qui lui sont soumis à la dernière minute, malgré toutes les doléances formulées et toutes les promesses faites à ce sujet», révèlent les signataires de cette déclaration.
«Les projets sont transmis au Conseil sous forme de tableau de synthèse, la veille des réunions. Les changements de procédures dans les formalités de soumission de projets online varient sans aucun avis. Le recrutement et le choix des firmes conseils se sont réalisés à l'insu de la partie haïtienne du conseil d'administration. Aucun document n'est venu informer le Conseil sur les critères d'embauche et sur le profil des candidats», poursuivent les signataires de cette déclaration dont les démarches pour «faire le point sur le mode de collaboration entre les deux instances» ont été «ignorées», rapporte Le Nouvelliste du 14 décembre 2010.
Et il n’y a pas que les Haïtiens. Même l’ex-premier ministre jamaïquain, Perceval Patterson, n’a su cacher son écœurement: «Au terme de l'identification d'une série de failles organisationnelles, d'opacité, de non transmission d'information à temps aux membres de la CIRH par le comité exécutif, Perceval Patterson rappelle la responsabilité commune et le devoir de reddition de comptes. Comment les contrats sont-ils signés? Quelles sont les critères d'évaluation des projets approuvés?, s'interroge l'homme politique caribéen en affichant son scepticisme», informe le même quotidien (14 décembre 2010).
Pis encore. Pour la mise en place d’un bureau anti-corruption («Performance and Anti-corruption Office»), la firme retenue, l’américaine «Price Waterhouse and Coopers» a été recrutée selon des procédures tout à fait contestables, relève le représentant de la France cité par Alterpresse (1er mars 2011).
Transparence? «Quels sont les mécanismes démocratiques qui ont conduit au choix des représentants du Parlement, du secteur privé, de la diaspora, du secteur syndical ou des ONG nationales?, s’interroge Camille Chalmers, de la PAPDA qui poursuit: «Pourquoi le secteur paysan qui représente 60% de la population ne siège pas a la CIRH? A quel moment ont eu lieu ces rencontres qui ont conduit à la désignation des personnages sélectionnés?»
Et malgré Bill Clinton et tous ses talents de prestidigitateur, le taux d’efficacité de la Commission dans la collecte des fonds promis laisse à désirer. Au 31 mars 2011, un an après la conférence de New-York, seulement 31% des fonds promis sur 18 mois avaient été effectivement décaissés. Et des 3.5 millions de dollars de projets approuvés seulement 1,7 millions sont disponibles.
Qui parlait de «déploiement efficace des ressources, de «maximiser les appuis fournis par les bailleurs de fonds internationaux», de «responsabilité mutuelle Haïti-Communauté Internationale dans les résultats à atteindre»4?
Mais la CIRH n’a aucune difficulté à s’octroyer des palmes là où elle ne peut se targuer d'aucune intervention. Elle comptabilise au nombre de ses succès le relogement de près d’un million de sans-abris, la construction du marché en fer, entre autres.
Alors la CIRH? Est-elle plus efficace que l’Etat? Plus transparente? Moins corrompue? Plus digne de confiance? Plus respectueuse des normes et procédures? Plus efficiente?
(Extrait de «Et si la Constitution de 1987 était porteuse de Refondation», Editions Cahiers Universitaires, Mai 2011, 92 pp.)
Fritz Deshommes
Notes
- Extrait de l’ouvrage:”Et si la Constitution de 1987 était porteuse de Refondation?”, Editions Cahiers Universitaires, Mai 2011, 92 pp.
- Alter Presse, 1er mars 2011. “Atmosphere houleuse lors de la reunion de la CIRH”
- Alphonse Roberson. “Malaise a la CIRH”. Le Nouvelliste du 15 decembre 2010
- PARDN, pp. 9