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Onze Poèmes

Joelle Constant

Joelle Constant

Qu’as-tu à me dire encore, chère Muse,
Parle, mais parle!
(Joelle Constant)

Réalité

Une réalité dans le temps
N’est pas une réalité
Une réalité dans le temps
N’est en fait qu’une illusion
Illusion confondue
Dans un tourbillon de souvenirs
Bons ou mauvais
Selon que l’on appuie
Dante ou Musset

La réalité d’hier
Si elle n’est pas
Celle d’aujourd’hui
Doit être bannie
De ton quotidien
Mais gardée dans ta mémoire
Car elle est le reflet
De ton bonheur
Ou qui sait
De ton malheur

La réalité de demain
N’est certes qu’un rêve
D’une grande importance
La réalité de demain
Te berce d’illusions
Sans lesquelles
La route à emprunter
Serait impraticable
Voire inexistante

La réalité d’aujourd’hui
Voilà ce qui compte
La réalité d’ici et maintenant
C’est le geste qu’on pose
Tel qu’un baiser d’amour
C’est la vie en action
L’atteinte d’un idéal
La réalité d’aujourd’hui
C’est le coup de cœur
De toute âme qui vit

anis

Le poète

On ne touche pas un poète
Avec des mains d’acier
On ne parle pas à un poète
Avec des mots vulgaires
On ne regarde pas un poète
Avec des yeux méchants
On ne sent pas un poète
Juste parce qu’il est présent
On n’écoute pas un poète
Avec des oreilles distraites
On ne goûte pas un poète
Comme on goûte l’homme naturel

Un poète, on le traite
Avec délicatesse
Un poète, on le touche
Avec des doigts d’artiste
En interpelant son art
Un poète, on lui parle
Avec révérence
Comme à une divinité
Un poète, on le regarde
Avec les yeux d’un peintre
Car il peint aussi ses mots
Dans sa pensée
Un poète, on le sent
Même absent
Car son œuvre le tient présent
Un poète, on l’écoute
Même si son message
Nous déroute
Un poète, on le goûte
Tout en dégustant
La saveur de ses vers
Un poète, on l’élève
Parce qu’il transcende
Et parce qu’il est
Un poète

anis

Dans le jardin d’à côté

Tu m’effraies, tu m’épouvantes
Dans ta course effrénée
Contre une dite liberté
Avec une fausse sérénité
Tu éludes toute possibilité
D’un amour durable
A l’invite à te laisser aller
Tu te trisses, tu te débines
Et abandonnes sans discours
Le fruit talé
Autrefois délicieux à ton palais

Tantôt le désir
Tantôt le mépris
Te sentant invincible
Tu finis par ne plus pouvoir
Différencier les goûts
Les couleurs et les formes
Tu deviens fatal
Et tu pédales sans escale
Pas besoin de prendre l’exil
Fais seulement le tour de l’Ile
Et de ta pensée
Tu retrouveras le fil…
Te voici à tes sens revenu
Pour étreindre à nouveau
Ton fruit jadis méprisé
Son agréable parfum d’antan
Que tu prenais plaisir
À humer dans ton jardin
T’interpelle
Plus tu t’approches et flaires
Plus cette fragrance
Semble s’éloigner
Ce fruit rendu blet
Par ta maladresse
a été mis
En récupération

Récupération
Réparation de dommages
Ou reconstruction
Peu importe
Quelqu’un accepte le défi
De tenter d’en faire
Une œuvre d’art

Aboutissement positif
Ce fruit qui était tien
Mais ne l’est plus
A été placé
Dans le jardin d’à côté
Sa verdure et sa fraîcheur
Lui ont été rendues
Se faisant arroser
Quotidiennement
Il reçoit toute l’attention
Des mains de son nouveau jardinier
Qui travaille ardemment
Afin de l’immortaliser

anis

Ce n’était qu’un rêve

Je rêvais de trouver en toi
Un chanteur pour me charmer
De mélodies grandiloquentes
Un poète pour me faire vivre
L’illusion de son art

Je rêvais de pouvoir
Ouvrir les yeux chaque matin
Te voir, te toucher et te sentir
Pour parfois être accompagnée par toi
Au cinéma, au théâtre ou au gala

Je rêvais de passer des heures
Des nuits et des jours sans sommeil
Pour célébrer avec toi
La chanson, la poésie et la vie
Une vie que personne
n’a jamais connue

Lorsqu’enfin s’affirma le poète
Qui me charmait par ses textes
Et ses talents de chanteur
Je me croyais portée au pinacle
L’apogée espérée était atteinte
J’étais au comble de mes espérances
Félicité éphémère
Puisque surgit un revers monstrueux
Une expérience très amère
Ayant un goût de fiel
Et bouleversant le tréfonds de mon être

Mais ô bonheur
Mes yeux s’ouvrirent
Un beau matin
Pour contempler la clarté du jour
Qui clamait tout haut
Du bord de ma fenêtre
Réveille-toi, Réveille-toi
Ce n’est qu’un triste rêve

anis

Délaissé ou Désiré?

Alors qu’à mes yeux
Tu es majesté, sincérité
Prestige inégalée
Tu te compares
À cette mangue mûrie
Prête à être dégustée
Mais abandonnée sous le manguier
En suscitant l’indifférence

Alors que ma voix résonne
Même quand tu n’es pas là
Pour laisser échapper les aveux
D’un amour naissant
Tu t’arrêtes en chemin
Pour écouter en vain
L’écho des mille voix
Qui se sont éteintes
Il y a si longtemps

Alors que pour toi
Je nourris déjà
La plus noble des passions
Tu t’attardes à rêver
D’être un jour
Le fruit désiré
Alors que loin de moi
Ton cœur s’épanche
Pour mieux déverser
La rosée abondante
Je saisis ta photo
Et y dépose un baiser
Aussi grand que le monde

anis

Rencontre éphémère

Rencontre éphémère
Désir assouvi
Espoir déçu
Un nouveau jour commence
Et c’est la fin d’un rêve

Pourtant la ballade continue
Les élans se changent
Soit en désir
Ou en délit de fuite

Pourtant te lire
Te voir ou t’entendre
Fait renaître l’espoir perdu.

Ma voix t’appelle
Mon corps t’interpelle
Je ne suis plus la même
Depuis que tu m’aimes

Tu me rassures
Tu me censures
Tu voudrais me garder
Mais tu m’interdis de t’aimer

Nos routes se sont-elles croisées
Pour appareiller nos destinées
Si c’est non, je me ressaisirai
Pour enfin te dire Adieu

anis

Ballade

La courtisane assise
À la Cour Ti-Zane
Déguste tranquillement
Sa courte tisane
Alors qu’Hanan courtise Anne

Un fanal éclaire sa tente
Quand soudain un âne
Chargé d’ananas
Pavane dans la savane
Avec Hanan au contrôle
Désireux de revoir Anne

Elle avait disparu
Une année entière
Mais le souvenir d’Hanan
A hanté son âme
Elle n’a pu y résister
Et la voilà revenue
À la Cour Ti-Zane

anis

TOI

Ton visage
Reflet de ta beauté intérieure

Ton expression
Témoin de ton cœur d’écrivain

Tes lèvres
Porte-parole de tes amours non avouées

Tes mains
Messagers infatigables de ta tendresse

Tes yeux
Porteurs de tes désirs inassouvis

Ton corps
Aimant attirant le pôle opposé

anis

DAM-SARA, FEMME D’HAITI

Courageuse est ton nom
Toi qui déambules
Au ras de la Ravine
Ton panier bien assis sur ta tête
Te foulant au sol
Et ton foulard ceignant ta taille
Pour te protéger des faux pas
Et des faux mouvements

Vaillante est ton nom
Toi qui viens de si loin
Jusqu’au village de Camp-Perrin
Pour d’abord prendre part
À la Réforme de la veille
Où tambours, mandolines et guitares
Grages et man-noumbas
S’unissent à la voix du chanteur
Qui s’engage à t’étourdir de musique
Afin de t’égayer et te faire oublier
Les peines et misères
Du train-train quotidien

Tu as donc veillé toute la nuit
À la belle étoile…
Alors que la vie se dresse
Sur ses ergots de misère
Remplie d’ardeur
Tu es déjà debout
Pour affronter la journée
Du grand Marché
Le vendredi d’espoir
Habile dans tes négoces
Te voilà prête à livrer
Tes denrées alimentaires
Et à les transformer en argent

Hein! Et quel argent!
Argent qui ne verra
Ni ne connaîtra le chemin
Emprunté pour l’acquérir
Car sur le sentier du retour
Il aura changé de nom
Il s’appellera Savon, miroir
Chaussure ou tissu
Il aura été troqué…
Pour faire ton bonheur
celui de ton tant aimé
et de ta progéniture

Dam-Sara, femme ingénue
Ô femme d’Haïti
Éternelle mineure
Lèvres cousues
Tu traînes ce statut qu’on te colle
Et assumes ta tâche
D’épouse docile
De mère infatigable et dévouée
Femme belle et sereine
Tu te plais dans ton état
Sans questionner qui que ce soit

Déesse de mon pays
Ouvre grand tes yeux, et vois :
Toi aussi, tu as droit
A des jours meilleurs
Femme, ma sœur, mon amie,
Ma mère, mon exemple
Sois fière et altière
Prends ce qui t’appartient
Et que jamais, plus jamais
Tu ne marches la tête baissée!

anis

FOU DESIR

Je n’avais pas le courage
De te dire non
Ce serait déshonorer l’amour

Je ne pouvais pas résister
À ton élan
Ce serait donner raison
À ma raison

Je n’avais pas l’envie
De contredire mes propos
Ce serait manquer
De constance

Je ne pouvais pas
Refuser ton baiser
Ce serait te fermer
La porte de mon cœur

anis

TON FRANC SOURIRE

Ton franc sourire
Une source d’émotions
Qui ne peut tarir

Une invitation
Chargée de désirs

La représentation
D’une histoire à écrire

Une poignée de chansons
Entonnées en délire

L’annonce d’une saison
Qui tarde à venir

Ton franc sourire
L’image de ton nom
Que je me plais à redire

boule

 Viré monté