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«Traduire en créole» à la bibliothèque universitaire 18.10.2012 Judes Duranty, Raphaël Confiant, Karen Lauréote et Jean-Marc Rosier. |
Le mardi 16 octobre dernier s’est tenue dans le cadre des manifestations «KANPIS KREYOL» organisées par la Bibliothèque Universitaire du campus de Schoelcher une conférence-débat à l’initiative de Mme Alice Gradel. Cette dernière avait invité quatre traducteurs en créole à venir présenter leurs publications: Judes Duranty (traducteur de Maryse Condé), Raphaël Confiant (traducteur de «L’Etranger» de Camus), Jean-Pierre Arsaye (traducteur de Maupassant) et Jean-Marc Rosier (traducteur de «Caligula» de Camus). Animée par Karen Lauréote, professeur d’espagnol et doctorante en traductologie, cette conférence a réuni un public intéressé d’environ soixante-dix personnes.
J. Duranty a ouvert les débats en expliquant comment il est parvenu à convaincre Maryse Condé de la traduire en créole, elle pour qui une traduction doit aller vers l’Autre c’est-à-dire l’étranger (anglais, allemand etc.). R. Confiant a, pour sa part, évoqué la grande difficulté qu’il a eu à rendre le passé composé, inhabituel dans un roman, que Camus emploie tout au long de «L’Etranger». Jean-Pierre Arsaye, lui, a surpris son public en déclarant qu’il reniait aujourd’hui sa traduction de Maupassant car à l’époque où il l’avait réalisée, il n’était pas véritablement armé pour le faire. Enfin, J-M. Rosier a fait part de ses hésitations quant à la traduction du titre, «Caligula», de la pièce de théâtre de Camus, titre qu’il a rendu par «Kaligula» en remontant à la prononciation latine de ce nom d’empereur romain.
Le public a ensuite interrogé les traducteurs sur la question de la capacité du créole, langue encore dominée par l’oralité et ne disposant pas encore d’un niveau littéraire, à rendre des chefs d’œuvres de la littérature européenne. J-P. Arsaye a expliqué comment il avait dû forger de nombreux néologismes afin de pouvoir restituer l’univers normand des nouvelles de Maupassant. J. Duranty a préféré, lui, partir à la recherche des anciens mots créoles, des archaïsmes, affirmant que le créole martiniquais disposait là d’une source lexicale inexplorée. A l’inverse de ses collègues traducteurs, R. Confiant a privilégié le «pan-créole» c’est-à-dire l’emprunt à tous les créoles à base lexicale française, se refusant à traduire à l’aide du seul créole martiniquais.
L’avenir du créole a aussi été évoqué, les traducteurs mettant l’accent sur les graves dangers qui pèsent sur lui à cause de la décréolisation massive qui a commencé à la fin des années 70. Si les écrivains et traducteurs sont, en effet, de plus en plus nombreux, si le créole est entré à l’école et à l’Université où il dispose d’une licence et d’un master, rien n’est gagné car il n’y a pas de politique linguistique forte comme en Catalogne, par exemple, pour propulser la langue dans la vie publique, notamment au niveau de l’écrit. Ce qui est fait jusqu’ici relève surtout du symbolique et n’a pas le pouvoir de contrecarrer le mouvement de décréolisation tant qualitative que quantitative qui affecte notre «zépon natirel».