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Dalhousie French Studies

Dossier spécial
Léon-Gontran Damas

sous la direction de Kathleen Gyssels

His Master's Voice: avons-nous écouté Damas?

Kathleen Gyssels

Article en pdf

Black Americans were sustained and healed and nurtured by the translation of their experience into art above all in the music. That was functional.... My parallel is always the music because all of the strategies of the art are there. All of the intricacy, all of the discipline. All the work that must go into improvisation so that it appears that you’ve never touched it. Music makes you hungry for more of it.... It slaps and it embraces, it slaps and it embraces. The literature ought to do the same thing. I’ve been very deliberate about that.... I have wanted always to develop a way of writing that was irrevocably black. I don’t have the resources of a musician, but I thought that if it was truly black literature, it would not be black because I was, it would not even be black because of its subject matter. It would be something intrinsic, indigenous, something in the way it was put together--the sentences, the structure, texture and tone--so that anyone who read it would realize [it].... Sometimes I hear blues, sometimes spirituals or jazz and I’ve appropriated it. I’ve tried to reconstruct the texture of it in my writing--certain kinds of repetition--its profound simplicity. (italique ajouté) (Toni Morrison, “The Site of Memory”)

je vois toute une nuit de ragtime et de blues, traversée d’un pêle-mêle de rires et de sanglots d’enfants abandonnés. (Aimé Césaire, “Damas, Feu sombre”, Moi, laminaire, 1982)

Après avoir été enchantée par Jany Jérémie et son montage pour “Les Migrateurs et le Théâtre du Merlan”, après la découverte et rencontre avec Mylène Wagram “crachant le feu” de Léon-Gontran Damas sur scène (Sylvestre1), après le Belge Patrick Moreau et son équipe créant à Cayenne, Damas! Fragments en marge du colloque du Centenaire de la naissance du poète2, après Bernard Ascal chantant à la guitare des poèmes damassiens3, voici le sextet nantais du pianiste-compositeur Guillaume Hazebrouck et du slammeur de Kinshasha Nina Kibuanda, qui montent un projet décapant, Pigments & The Clarinet Choir. Porté par la « Cie Frasques », Pigments & The Clarinet Choir associe le slammer et poète Nina Kibuanda aux musiciens Guillaume Hazebrouck, Olivier Carole (basse-chant), Olivier Thémines (clarinettes), Nicolas Audouin (clarinettes), Julien Stella (clarinettes, beatbox). Lors de notre rencontre, Hazebrouck me dit avoir découvert Damas à travers Langston Hughes, ce qui me paraît une circonstance des plus heureuses:

Formidable que tu mentionnes le poème de Hughes : « What happened to a dream defered »... je l’ai “joué” récemment avec la traductrice Sika Fakambi qui lisait des textes de Hughes, Kamau Brathwaite, Sonia Sanchez, etc... […]. Elle a notamment traduit pour les éditions Zulma le roman de Zora Neale Hurston, There Eyes Were Watching God4.

Leur sélection de poèmes et les fragments du discours de Taubira5 surprennent par le “nerf” qu’ils savent toucher.
Si j’ai choisi avec eux trois extraits, c’est pour infléchir la vision stéréotypée d’un Damas protestataire, d’un poète engagé et jazzy. À l’antipode de ce portrait réducteur, il y a aussi le frêle souvenir d’un député de la IV ième République. Les trois extraits à contre-jour donnent l’image d’un poète amoureux, accent qui leur parut tout à fait légitime, voire nécessaire:

Je te confirme aussi ton intuition par rapport à notre choix de textes. Il est vrai qu’on a délibérément mis en avant la dimension amoureuse, souvent malheureuse, de Damas, sans occulter la dimension politique, protestataire... Et puis finalement, le volet intime, sentimental, charnel, de sa poésie est tout aussi subversif, peut-être encore plus fortement, que les poèmes ouvertement “contestataires” (ce mot lui va très peu). Tout est politique, chez Damas. (Hazebrouck mail du 27 10 2019)

.... à suivre en pdf

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Résumé

Comme l’ont bien vu de nombreux critiques, la musicalité de la poésie damassienne serait l’expression du rythme «nègre» et de ceux de sa génération, il aurait été le plus jazzy. La poésie de Damas mérite mieux: il suffit de l’écouter mise en musiques par Pigments & The Clarinet Choir, pour comprendre combien elle transcende l’Afrique noire et la Caraïbe car à travers la valeur ajoutée d’une interprétation instrumentale en plus d’une récitation poétique rare, ce sont les drames de l’individu déraciné et démotivé par un corps social et un entourage inamical. Drame de la solitude et drame de l’incompréhension, espérance de réconciliation et rage contre l’impasse de la question raciale dans une France prétendument multiculturelle se relaient. Dans trois extraits de leur projet décapant, Pigments & The Clarinet Choir offrent une partition époustouflante du «Master’s Voice».

As many critics have seen, the musicality of Damassian poetry would be the expression of “negro” rhythm, and of the poets of his generation, he would have been the most jazzy. The poetry of Damas deserves better: it is enough to listen to it set to music by Pigments - The Clarinet Choir, to understand how it transcends Black Africa and the Caribbean, because, through the added value of an instrumental interpretation and a rare poetic recitation, these are the dramas of the individual uprooted and demotivated by a social body and an hostile environment. Drama of loneliness and drama of incomprehension, hope for reconciliation and rage against the impasse of the racial question in a supposedly multicultural France take turns. In three excerpts from their amazing project, Pigments - The Clarinet Choir offer a breathtaking score of the “Master’s Voice”.


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 Viré monté