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Plantule de
Rhizophora mangle, Mang wouj, palétuvier rouge.
Photo FP |
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LE 10è PRIX
DE LA CREOLITE A L’HAITIENNE GARLIOTTE
Dimanche 26 octobre dernier a été décerné
dans la ville de Saint-Anne (Martinique) le 10è
Prix de la Créolité. Ce prix est décernée
à une personne qui œuvre pour la promotion de la culture
créole dans tous ses aspects (littérature, architecture,
artisanat, agriculture, cuisine etc…). Il est à noter
que la ville de Saint-Anne a pour maire Garcin MALSA, dirigeant
du MODEMAS (Mouvement des Démocrates et Ecologistes Martiniquais),
seul parti politique martiniquais dans le programme duquel figure
la défense de la Créolité.
Cette année le Prix est revenu à une Haïtienne,
Mme Marcienne GALIOTTE,
qui milite au sein de l’association «Mouvement Fraternité
haïtienne pour l’entente entre les peuples». A
la veille de la célébration du bicentenaire de l’indépendance
de la patrie de Toussaint-Louverture et de Dessalines, un tel choix
ne pouvait être que le bienvenu.
Notons qu’un deuxième prix de la Créolité
– attribué celui-ci par le Conseil Municipal des Enfants
et réservé à un Saint-Annais – est revenu
à Mme Euranie SAUBY, employée à l’école
maternelle qui est récompensée pour son dévouement
et ses talents de cuisinière créole.
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24/08/01 |
XAVIER ORVILLE TRAPE LANMO'Y |
Sé lè 20 out, matjè Xavier Orville trapé
lanmò'y lakay li, atè Kaz-Pilot, anlè lakot
karayib Matinik. I té ni 69 lanné anlè tet-li.
Dépi yonn-dé lanné, Orville té ka pwan
fè anba an mové kansè laposta men i pa janmen
bésé tet, i pa janmen ped kouraj. Tout lavi'y i té
pwofésè panyol men i fè yonn-dé lanné
Sénégal éti i té konséyé
kiltirel nan lépok Léopold Sédar Senghor té
met-a-manyok péyi-a. I ansénié adan fakilté
dé Let Linivèsité lé Zantiy ek La Guiyàn
tou.
Moun plis konnet Xavier Orville kon an matjè. Karyè'y
koumansé nan koumansman sé lanné 1970 épi
dé liv kon "Délice et le fromager" oben "La
tapisserie du temps présent". Sé lakay an gran
éditè fwansé, Grasset, i té pibliyé.
Adan sé dènié lanné-a ki fini pasé
a, i pito pibliyé lakay Stock, an lot gran éditè
fwansé. Kanman litérè Xavier Orville ka sanm
sa yo ka kriyé "le réalisme merveilleux latino-américain"
oben kanman Jacques-Stephen Alexis, gran matjè ayisien an.
Orville, abo ou té ka wè lang kréyol ka tijé
anba sé zimaj-la i té ka sèvi a, té
kont Mouvman Lakréyolité ek lè Patrick Chamoiseau
trapé Pri Goncourt an 1992, i déklaré adan
jounal "France-Antilles" ki "Texaco", roman Chamoiseau
a, "sé créolade" ki la! Konmva i té manm PPM,
parti Césaire la, sa té tibwen nowmal ki i pa té
ka djè aprésié Chamoiseau ek Confiant. Men
lè tan ké kité tan, moun ké wè
ki istil Orville pa té fondalnatalman diféran di ta
yo a.
Sé nan senmitiè komin-li, Kaz-Pilot, ki yo téré
Xavier Orville, lè 23 out ki pasé a. Tonm-li bò
ta an lot gran Matinitjé, misyé Victor Sévère
ki té mè Fodfwans pannan pres 50 lanné. |
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25/08/01 |
LES YEUX D'ACIER |
Les écrivains n'écrivent pas avec
les yeux: ils tracent avec l'imaginaire du monde.
Xavier Orville, que j'ai côtoyé l'an dernier au service
d'ophtalmologie de l'hôpital de la Meynard, surmontions ensemble
nos douleurs respectives par un échange de point de vue de
la sorte. Mieux que de remuer le couteau dans la plaie, qui d'une
cataracte, qui d'une brûlure à l'acide, nous étions
parés à "donner du gaz" à la lecture optique.
Ceux-là qu'on appelle Homère nous
laissent dans l'acceptation d'un bel désordre imperceptible
aux chanceux du lire-écrire, hélas le plus souvent
des pseudos lettrés. Car, Homère, le père de
la littérature d'Occident fut non seulement multiple mais
aveugle. Obscurité première de la parole. Modestie
des lettres inventées ensemble, loin des droits d'auteurs.
J'épelle ceux, Diderot, Borgès, Mafouz, qui en eurent
le sentiment. Saufs de l'idée de faire école. C'est
que l'écrivain ne saurait écrire sous la dictée,
fusse d'une organisation politique qu'on prêta à Sonny
Rupaire ou Vincent Placoly. Les bonhommes de lettres sont las des
récupérations. Xavier Orville collait à ses
personnages, en particulier le vent des cerf-volants et la couleur
fauve des hauts de Case-Pilote en saison de carême.
La dernière image que j'ai de lui, fut une
image opaque forcément. Je devinais à peine sa silhouette
racée, son déplacé tout en vertiges en notre
seuil commun et dans les couloirs. Dans ces conditions inhospitalières,
je lui dit: "Bonjour, vous êtes bien monsieur Miguel Angel
Asturias?" Il rit du rapprochement; y consentit malignement. Car
la gent écrivaine (l'écriture étant d'office
féminine), se rejoint forcément à travers le
temps et l'espace. Les contingences d'accidents terrestres lui sont
si dérisoire au regard de ce pourquoi leurs cœurs palpitent:
la parole, qui n'est réduite à faconde, gouaille,
style ou éloquence.
Xavier Orville, c'est pour moi, outre cette dernière
rencontre, des bonheurs de lecture empreints des houles de fond
des Amériques rivées au particulier de sa relation
au monde. Mais, dans ce pays où personne ne lit, où
tout le monde fait littéralement semblant de lire, les lecteurs
ne pullulent donc pas comme les merles et se font plutôt rares
comme les carouges. Paradoxe de ce pays que les écrivains
n'y soient pas reconnus pour leurs écrits! C'est une tendance
liée à l'éclat mythique et paternel d'Aimé
Césaire: tout le monde connaît papa-Césaire,
peu lisent Aimé Césaire. Face à la mer, pour
échapper sans doute au bovarysme, nous préférons
la pêche à la lecture.
J'ai appris la mort de celui qui écrivit
Le marchand de larmes (une poétique sur l'intolérance)
par l'écho d'un avis d'obsèques radiophonique. Et
je ne peux limiter la douleur de cette mort (laquelle n'est pas
"disparition" pour ses proches et ses amis) à une frontière
communale. Son rayonnement allait au-delà du pays-Martinique,
surtout en ces temps où les terres se rejoignent en se déplaçant
sur le mode d'un ballet avec la mer dans laquelle l'homme est si
fragile - fut-il poète et prêt à traverser le
temps qui passe et le temps qu'il fait comme Xavier Orville. Car
il était d'abord poète, n'hésitant pas dès
lors à contaminer les autres genres.
Nous avions des divergences et n'avions pas moins
échangé, sans concessions démagogiques, sur
des questions où le candide de sa production littéraire
est inséparable d'une virulence critique. En particulier,
sur le mouvement littéraire de la créolité
dont il était un contempteur et qu'il avait jadis qualifié
de "créolade", cependant qu'il l'illustrait malgré
lui; sa génération avait en effet refoulé ce
sixième continent sous les vocables d'exotisme ou de créolisme.
La créolité est au créolisme ce que le reggae
est au calypso: une continuité et un dépassement.
Mieux: une refondation du terme créole.
Au royaume des aveugles, là où les
borgnes sont rois, Xavier Orville demeure ainsi en ma mémoire:
aussi inaltérable que le songe de ses yeux gris d'acier.
Manuel NORVAT |
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APPRENDRE À LIRE LE CRÉOLE |
Leçons d'une expérience
Dans le cadre de la Fête de la Science, une
expérience d'apprentissage de la lecture du créole
s'est déroulée au Lycée Acajou II, le jeudi
18 octobre, de 13 h à 15 h. Il s'agissait de démontrer,
devant les médias, que des lycéens créolophones
peuvent apprendre à lire le créole en un temps fort
limité (en quelques heures) et, donc, que le système
d’écriture du créole n’est pas si rebutant que l’on
veut parfois le laisser entendre.
Douze élèves de seconde et un adulte
(professeur au lycée) se sont prêtés à
l'exercice. Ils ont déclaré n'avoir jamais lu de textes
en créole et n'avoir pas encore appris à lire le créole.
Mme Marie-José Saint-Louis, professeur de créole au
lycée Acajou II, a d'abord procédé à
un test qui devait consister à les faire lire, sans aucune
préparation, des phrases simples. Les élèves
ont déchiffré les textes avec quelques hésitations
et, parfois, avec des prononciations erronées ("pa" au lieu
de "pas", "Alen" au lieu de "Alin"...) qui témoignaient de
la méconnaissance de certaines règles orthographiques
et, partant, de leur manque de compréhension parfaite des
énoncés.
Par la suite, Mme Saint-Louis a procédé,
pendant une heure, à une "leçon de lecture du créole".
Les différents signes du créole ont
été présentés avec des exemples simples,
l'orthographe standard du créole étant basée
sur des principes phonologiques (un son, un signe). Par exemple,
le son [a] est toujours représenté par la voyelle
/a/, comme dans le mot "ababa".
Voici des exemples:
a rat
é épi
è flè
i pit
o loto, poch
a ankò
ou doubout
en lanmen
an adan
on zong
p pijé
b ba
t toch
d jaden
k kay
g gadé
f fennen
v vini
ch chaben
j jaja
s sek
z zizing
h hisalé
tj tjenbé
dj ladjè
gn lakanpangn
r rat
y wouyé
w wistiti
Quelques règles de segmentation (blanc graphique,
tiret, apostrophe) ont été expliquées.
Exemples:
bat ou / bat li
gadé'w / gadé'y
tab-la / tab-tala
tab-mwen / an tab
chouval-bwa / chouval-bwa a
Le son [y] peut s'écrire de deux manières
selon le contexte: /y/ ou /i/.
Exemples:
i au milieu d'une syllabe chien
y en début de syllabe ou de mot yanm
y en fin de mot papay
Pour conclure cette leçon, une dizaine de
mots devaient être écrits par l'assistance:
moun, makandja, mennen, ayen, pwason, latjuizin, lariviè,
terbolizé, chapo-dlo, chapo-dlo a, vè-tè.
Cet exercice (plus difficile que la lecture) devait donner des résultats
mitigés.
Pour le test final, les élèves devaient
lire de nouveau des petites phrases, soit les proverbes suivants:
Kanna ni dlo pou i benyen, i lé trouvé
pou i najé.
Anba latè pa ni chouval-bwa.
Chien pa lé bannann jòn, i pa lé poul pran’y.
Fok alé bò dlo pou konnet langaj pwason.
Ou pa ka travay an farin Fwans pou lanmen’w sòti nwè.
Puis, quelques élèves (et même
un chercheur non créolophone) se sont lancés dans
la lecture d'un texte beaucoup plus long (traduction d'un texte
de G. Mauvois), que nous reproduisons ci-après.
Lanmò krab la (extrait)
Traduction du texte de G. Mauvois
par l’atelier Langue et culture régionale de l’Université
du Temps Libre
Mi sa an jenn krab di, lè i rivé
adan paradi sé bet-la apré lanmò’y.
“Té ja ka fè gwo nwè,
lè mwen désidé kité bò dlo-a
épi travèsé lari-a. Ayen pa té ka oblijé
mwen fè sa. Toubannman, mwen té anvi wè sa
ka pasé.
Sé pa manjé mwen té mantjé bòd
larivyè-a. Zòdi té ka fè siwawa. Mwen
té pé chwazi kon mwen té lé. Men man
té tèlman anvi konnèt sé kay anfas la
éti mwen pa té janmen antré a! Mwen pa menm
pran an minit pou travèsé Boulva Aleg, pens mwen anlè
pou siyanka.”
“Té ni an dalo bòdaj twotwa-a.
Mwen glisé kòmwen adan. Malè pou mwen, pres
an menm tan, mwen wè anfas mwen, lantré yonn sé
ti kannal-la ki ka mennen dlo sal sé kay-la déwò.
Mwen antré adan san réfléchi èk lamenm,
mwen twouvé kòmwen lot bò masonn-lan, bò
an ti basen dékoré épi kawo wouj. Mwen té
antré adan yonn sé ti lakou-a yo ka twouvé
an tjè tout kay mitan lavil. Ek mwen koumansé maché
toupatou ka chèché tjek bagay entérésan.
Mwen jwenn an bagay ki té bien bon. An fon lakou-a, té
ni an kaloj monté anlè kat pat. Dèyè
griyaj-la, an kok té koumansé brennen pas jou té
ka ouvè. Tanzantan, lè i té ka bekté
adan manjwè-a, yonndé grenn mayi té ka pran
lavol anlè kawo-a. Zot sav byen grenn mayi épi piman
wouj, sé manjé mwen simyé. Menm lè bouden
mwen plen, toujou ni an ti plas pou yonndé grenn mayi. Tout
moun enmen wè mannyè mwen ka fè yo disparet
lè mòdan mwen platjé yo asou fal mwen.
(Pas mwen pa ni tet, yo ka konprann mwen pa ni machwè). Alow,
mwen pasé tout lèrestan lannuit-la ka manjé
grenn mayi, pa pas mwen té fen, an, mé pas man té
voras.”
Selon l'avis de tous les participants, il était
évident que des progrès certains avaient été
accomplis (en l'espace d'une heure). Ce texte a été
lu d'une manière assez fluide, sans beaucoup d'hésitations
et avec très peu de "fautes", les rires dans l'assemblée
témoignant de la compréhension de la plupart des auditeurs.
Devant le succès étonnant de cette
expérience, qui représentait un certain défi,
nous avons invité une lycéenne non avertie et lui
avons demandé de lire à voix haute un passage de ce
même texte.
Surprise: cette lycéenne (qui n'a jamais appris à
lire le créole) lisait relativement facilement ce texte avec,
toutefois, quelques blocages sérieux.
Quatre remarques en guise de conclusion.
- Le mode de transcription du créole proposé par
le GEREC-F est loin d'être aussi "barbare" que certains
voudraient le laisser entendre. Pour apprendre à lire
le créole, il suffit d'apprendre quelques règles
élémentaires.
- Des jeunes lycéens semblent avoir une pratique de
la lecture du créole sans même le savoir consciemment
(affiches dans la rue, messages à la télévision,
textes dans certains journaux...).
- Un apprentissage minimal suffirait pour que ces compétences
"virtuelles" se transforment en compétences "réelles".
- A défaut d'une formation "longue" de langue et culture
régionale, il paraîtrait intéressant de
tenter d'assurer une vulgarisation de cet apprentissage minimal
de la lecture du créole par des moyens audio-visuels
(télévision, internet...).
L'événement avait été
annoncé dans le Journal France-Antilles et par deux radios:
Radio-Caraïbe et Radio-Martinique. Deux radios ont rendu compte
de l'expérience: Radio-Martinique et RLDM.
Daniel BARRETEAU Marie-José SAINT-LOUIS
Linguiste Professeur de créole
Directeur de recherche Lycée Acajou II
Membre associé du GEREC-F Membre du GEREC-F
Directeur du Centre IRD Martinique-Caraïbe |
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