D'accord, d'accord! Peu de gens anticipaient la nomination de la Journaliste animatrice à la plus haute fonction de l'État Canadien. Et cette promotion dérange beaucoup. Elle surprend même les meilleurs alliés. Alors, il fallait s'y attendre à la contrariété des opposants visibles, la frustration des ennemis sournois, aux coups bas des antagonistes à deux faces. Et après… Après, il faut s'en méfier. Non, ce n'est pas du tout ce que imaginez. Nous, Haïtiens, nous ne déborderons pas la prudence préventive.

Sous l'ombrelle de cette soudaine ascension qui transforme Michaëlle Jean en personnalité spectaculaire, n'est-elle victime des témoins du mensonge… Soyons circonspectes. Si la conjoncture favorisait une surenchère de ce poste, lui aurait-on laisser une chance équitable entant que citoyenne à part entière et concurrente d'y accéder? La série noire d'offensives visées à la déstabiliser puis attaquer son intégrité morale suffisent pour démasquer les préjugés qui entourent l'effet de pigmentation sur la perception élitique de la société Québécoise de même que la masse. Je m'indigne toujours quand je suis obligée de soulever la question de la discrimination raciale en 2005, surtout dans une société dite démocratique comme le Canada, le Québec. Il m'est d'autant plus inconfortable et douloureuse, la tentative d'ignorer le sujet lorsque le contexte s'y prête. Je me suis faite une terrible violence en gardant le silence malgré la foudre qui se déchaînait sur l'une des rares figures noires qui représente une valeur sûre tant pour la société d'accueil que pour la communauté haïtienne. Tansdis que le tonnerre grondait, toute mon énergie s'en trouvait estropiée par la stupeur. Pourtant, plusieurs compatriotes dépassés par les événements, presqu'en désespoir de cause ont dû hausser le ton. En passant, j'applaudis leur courage.

La seule petite voie que j'entendais au loin dans mon cœur formulait un vœu. Vœu ou prière qu'importe. Ce désir intense se voulait scientifique. J'avoue perdre un peu patience dans l'abandon de la prière traditionnelle. Je me tourne vers la prière plus objective qui n'est qu'une question d'attitude rationnelle dans le rituel de la croyance. Bref, je ne me ferai pas prier pour vous dévoiler le contenu: «Puissance Infinie! Fais en sorte que Michaëlle Jean, une force de la Nature ne baisse pas les bras et qu'elle n'abandonne pas la bataille. Accorde-lui les nerfs d'une guerrière devant tous ces adversaires qui tentent de miner la confiance de la majorité à son égard. Ne leur laisser point lui obstruer la voie du discernement de son cœur. Accomplie tout cela pour ta gloire et pour l'honneur du Peuple Haïtien. Ces immigrants qui sont longtemps demeurés des hommes et femmes de service de la société d'accueil.»

Parler-moi d'une sagesse humaine accessible… Michaëlle Jean possède l'expérience, la maturité, la connaissance, la maîtrise de soi ainsi que de la résistance envers et contre tous. Les conditions ne sont-elles pas déjà réunies pour vous faciliter la tâche, Dieu tout Puissant!

Dans le feu de l'action, par les flèches des paroles de feu, je ne parvenais plus à distinguer si c'était véritablement une devise de conviction ou un banal slogan qu'est la notation «JE ME SOUVIENS» adoptée ici, au Québec. Sans jeu de mots, la journée souveraine du 4 août 2005, je ne suis pas prête de l'oublier, moi! Ce jour là, je contemplais une rayonnante et compétente femme des Antilles qui a déclaré devant les médias: Je n'aurais jamais cru que le Destin frapperait si fort. (…) Cette affirmation a été une courte promenade sur un nuage. Car le ciel se préparait déjà à lui tomber sur la tête.

Dans la tempête médiatique qui a suivie et qui se poursuit, je me suis souvenue de la tragi-comédie de Corneille: LE CID dans laquelle pièce où un des protagonistes s'écria «Mon bras qui tant de fois à sauvé cet empire. Tant de fois a servi le trône de son roi, trahit donc ma querelle et ne fait rien pour moi.» Ma douleur s'est intensifiée. Je me suis soudain imaginée dans la peau de cette journaliste qui a contribué à l'épanouissement de son Pays d'accueil avec fierté et qui se voit presque dilapider sur la place publique au nom de la transparence. Sentir en elle la flagellation de confronter non pas l'éthique de la transparence, mais sa déformation. Être l'autre moitié d'une victime à qui on tourne sa propre arme contre elle pour l'exécuter. Quelle horreur… Être témoin des assaillants qui tentent de lui ravir son cheval de bataille en la pourchassant. Quelle ironie!

Comme par hasard, j'ai fait une petite découverte littéraire particulièrement intéressante et qui colle bien à l'Affaire Michaëlle Jean. LE TÉMOIN DU MENSONGE de l'auteure Mylène Dressler, des Éditions Philippe Rey. C'est l'histoire d'un éminent professeur qui retrouve chez une antiquaire un objet presque fétiche qui appartenait jadis à sa famille dans son pays natal. Or l'antiquaire lui décrit l'objet comme si elle connaissait l'identité réelle de sa collection d'art alors que ce n'en est rien . Je vous laisse l'opportunité de trouver les autres points d'intérêts qui coïncident. Après coup, vous me donnerez raison ou tort.

Nous nous souviendrons sans rancune dans le registre de l'Affaire Michaëlle Jean de toutes les tentatives d'intimidation visant à la laisser en rade. Des ultimatums pour la forcer de céder à ses obligations. Toutes ses tensions de fragilisation la contraignant à trancher en deux sa carrière et sa vie conjugale. La pousser au bord du gouffre émotionnel. La refouler au dessus de ses moyens décisionnels. Comme Bernard Landry eut à le signaler dans une entrevue accordée à l'animateur, Claude Charon: «Cela ne sert à rien. La rancœur détruit celui qui la cultive.» D'une manière ou d'une autre, la future gouverneur générale n'inspire-t-elle pas la sagesse humaine. Le 27 septembre 2005, date de son investiture, préparons-nous mentalement à nous réjouir de sa rentrée triomphale en fonction entant que la représentante de la Reine.