Désormais, le cinéma haïtien ne saurait se passer du talent de l’actrice Fabienne Colas depuis qu’elle a percé l’écran dans son fabuleux personnage d’Odile dans Barikad. Ce rôle taillé sur mesure a été comme une ruche d’abeille dont elle serait le miel. Tout semble croire qu’elle est bénie de Dieu. Car la jeune Star du Cinéma Haïtien, en mi vingtaine, nous relie de force à la cadence des étroites d’Hollywood. Absolument, la famille Colas, du Cap Haïtien, est destinée à transcender artistiquement dans l’ère de l’Immortalité. De son vivant, le regretté Chanteur Roger Colas en a fait des siennes! Tous les mélomanes qui ont souffert de la «Rogercolamanie» le confirmeront. Il demeure encore en tête de peloton en matière de création musicale et performance vocale. Attendez de voir le duo Lubin-Colas sur grand écran! Vous m’en donnerez des nouvelles. Pour ceux qui l’ignoraient, Fabienne Colas a participé activement à la 22ième Festival Vue D’Afrique de Montréal qui se tenait du 20 au 30 avril dernier. Membre du Jury, elle m’a confié que cette tâche bien que très exigeante a été une expérience particulièrement enrichissante pour elle. Elle a eu l’occasion dit-elle de découvrir de multiple talents à travers le visionnement d’une vingtaine de films dans la catégorie REGARD SUR LE MONDE.
Madame Colas, le film Convoitise fait bonne figure dans la programmation du Festival Vues d’Afrique. Quand on sait que c’est surtout les films d’auteurs qui sont sélectionnés. D’après vous, Convoitises est-il un film de répertoire ou un film commercial? Autre qu’une meilleure visibilité, quels impacts qu’une telle participation peut entraîner?
J’étais très honorée de voir convoitises recevoir une mention à la 22ième édition du Festival Vues d’Afrique. Je pense que Convoitises est un film tout court. J’évite le plus possible de cataloguer un film dans tel ou tel catégorie, ce qui risquerait de ne pas rendre service au film. C’est d’abord un film indépendant qui pourrait être considéré comme un film de repertoire mais c’est aussi un film divertissant, commercial qui ouvre les yeux sur beaucoup de problèmes sociaux.
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F. Colas et Handy Tibert. |
F. Colas et Lorraine Victor. |
Quand peut-on espérer vous voir performer au côté de l’acteur Réginald Lubin?
Plus tôt qu’on pourrait s’attendre. Nous sommes en train de concocter quelque chose pour cet été. Le film en question sera tourné à Montréal. J’en serai la productrice et il en sera le réalisateur. Evidemment nous serons aussi des acteurs du film.
Le film Convoitises se développe dans une perspective de violence conjugale en quelque sorte. Et on sait que vous avez été bouleversée par la disparition brutale de l’Actrice Ginoue Mondésir. Si la tragédie s’était produite avant la réalisation de Convoitises, pensez-vous que cela aurait une incidence quelconque sur votre personnag?
Je n’en sais rien. Peut-être que oui, peut-être que non. Ce sont des choses qu’on arrive difficilement à prévoir. Le film Convoitises n’est pas vraiment un plaidoyer contre la violence conjugale et le rôle que j’y tiens montre beaucoup plus qu’une simple victime de violence conjugale.
Êtes-vous devenue une actrice engagée par la force de cette tragédie survenue dans le monde cinématographique?
Je pense que beaucoup de choses horribles arrivent dans la vie, surtout dans notre société, parce que tout le monde se tait. La grande majorité n’ose pas parler ou dénoncer. Mon métier me donne accès au média et je pense qu’il faut en profiter pour dénoncer certaines choses afin de toucher certains cœurs et de changer certaines mentalités. L’actrice engagée que je suis se manifeste à travers mes choix de personnage, à travers certains de mes interviews et à travers des gestes que je pose tous les jours.
Êtes-vous le genre d’actrice qui pourrait refuser un rôle qui n’est pas conforme à ses convictions?
Tout à fait. Et j’en ai refusé quelques uns comme ça. A quoi bon jouer un rôle qui ne m’interpelle pas ou que je déteste. Même en jouant les rôles les plus dures, il faut que j’aie du plaisir et il faut qu’après 20 ans, je puisse être encore fière d’avoir contribuer à quelque chose en me regardant dans ce rôle à l’écran. Ceci qu’il s’agisse d’une comédie, d’un drame, d’une tragédie ou d’un film historique…
Avez-vous l’impression que de jouer un personnage désœuvré, un être en détresse est plus valorisant que d’incarner un riche excentrique?
Je ne dirai pas plus valorisant car tout dépend de chacun. Dépendamment du côté qu’on se met du demi-cercle il peut être concave ou convexe. Je pense que chaque rôle est important car sans le riche exentrique on ne peut bien décrire le pauvre désouevré. Toutefois, il importe d’aimer le personnage qu’on a choisi de jouer dans un film, qu’il soit un riche ou un pauvre, un intellectuel ou un analphabète.
A quelle actrice Américaine ou autres vous identifiez-vous et pourquoi?
Plus le temps passe, plus je m’identifie à Oprah Winfrey. Son parcours, ses origines, la lutte qu’elle a mené toute sa vie… C’est une femme extraordinaire, plus forte et plus grande que nature. Même en étant milliardaire aujourd’hui, elle se souvient de son passé, d’où elle vient. Elle sait qu’elle est issue de la grande pauvreté et elle est très reconnaissante pour tout ce qu’elle a aujourd’hui. Elle est extrèmement généreuse. J’aimerais comme elle, toujours me rappeler d’où je viens dans la vie, peut importe le degré de richesse que j’atteindrai. J’aimerais comme elle, toujours avoir les pieds sur terre toute ma vie et ne pas croire que je suis «une star» et faire chier tout mon entourage. J’aimerais comme elle, toujours rester modeste et ne jamais manquer de modestie. Surtout, j’aimerais comme elle, rester engagée et mener les batailles qui me tiennent à cœur et qui vaillent la peine d’être mené.
Vous semblez adorer les rôles de personnage démuni. Pourtant votre personnalité révèle un personnage de rêve, une femme presque inaccessible qui nourrit à souhait les fantasmes du côté féminin que masculin. Quelle satisfaction en tirez-vous à vous mettre dans la peau des misérables de ce monde?
Les misérables de ce monde sont sans voix et personne ne s’y intéresse vraiment. Je m’identifie tellement à leur souffrance, leur misère mais aussi à leur grande hospitalité, leur grande simplicité et leur générosité de cœur. Ils sont peut-être sans le sou mais ils ne sont pas bêtes comme on aurait tendance à le croire. Bien qu’étant une fille qui croque la vie à pleine dent et qui est une malade de travail, la misère, la tristesse, la paysannerie, l’illetrisme, la souffrance, la violence, sont des thèmes qui m’interpellent particulièrement. Je pense que c’est une thérapie pour moi que de me mettre dans la peau des misérables de ce monde et cela me rend plus humaine et m’aide à garder les pieds sur terre.
Il n’en reste pas moins que vous affichez un look super sexy. N’avez-vous pas peur que vous soyez cataloguée de sexe symbole?
Je suis comme toutes les vraies femmes qui aiment être traiter avec amour et qui raffolent de vrais compliments. J’aime bien cette idée de sexe symbole, ça me fait plaisir, ça me fait rire mais je n’y crois pas tellement. Parce que c’est un terme qui réfère au look extérieur. Et je suis convaincue que je suis bien plus sexy à l’intérieur qu’à l’extérieur.
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Fabienne Colas et sa sœur Joyce F. Colas.
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Venons-en à la tradition familiale. Vous êtes actrice, votre sœur cadette vous suit à grand pas. Mais il y aussi votre père, Ulrick Colas qui œuvre aussi dans le monde cinématographique. Après la famille afro-américaine Jackson de la musique se dessine-t-il une famille Colas du cinéma haïtien?
Ma mére jouait beaucoup au théâtre à l’école. Elle a une voix incroyable (je crois que ma jeune sœur Joyce a hérité de sa belle voix).Quant à mon frère, être devant la caméra ne l’intéresse pas du tout. Mon père, lui, est arrivé dans le cinéma tout à fait par hazard. Il fallait qu’on remplace un comédien dans Barikad et je lui ai demandé s’il voulait jouer le rôle de Monsieur Palmier. A ma grande surprise, il a accepté. J’en étais ravie. Nous avons eu une expérience inoubliable pendant le tournage. Puis il a joué dans Le Miracle de la foi (le prêtre catholique). Je pense qu’il aime ça, c’est un vrai artiste car il est d’abord photographe de métier.
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Ma sœur Joyce aussi a pu faire une petite apparition dans Barikad et elle a aimé l’expérience. Mais quand je devais aller tourner dans Profonds Regrets en Floride, je lui ai demandé si elle voulait m’accompagner pendant le tournage. Elle m’a suivi, on y est resté un mois et à notre grande surprise, Mora Junior Etienne voulait absoluement lui attribuer un rôle dans le film (elle joue mon amie, on la voit dans la voiture décapotable avec moi…). Joyce a pris des cours d’acting et de chant à l’école et je dois vous dire qu’elle est la plus talentueuse de toutes les jeunes actrices que j’ai pu voir ou rencontrer et elle chante tellement bien. J’aurais voulu pouvoir chanter comme elle… Pour l’instant, elle est très intéressée par les langues, elle en parle déjà 5. Je lui ai écrit un rôle important dans un film qui sera tourné à la fin de l’année ou au début de l’an prochain. Avant, elle jouera dans un court métrage aux Etats-Unis ou elle tiendra le rôle principal.
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Une famille Colas du cinéma haïtien, pourquoi pas (rires).
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En tant que directrice de la Fondation Fabienne Colas qu’espérez-vous de mieux dans le processus de développement du cinéma haïtien?
Je pense que le cinéma haïtien est sur la bonne voix. Nous avons mis sur pied, pour la première fois en Amérique du Nord, un grand Festival de Films Haïtiens à Montréal qui ne vise pas seulement les gens de la communauté haïtienne mais aussi les Canadiens et les Américains. Il est temps qu’ils connaissent ce que nous faisons de bon chez nous! C’est l’opportunité pour nos acteurs et cinéastes de rencontrer un nouveau public et aussi la chance d’obtenir de nouveaux contrats ou de vendre leurs films à des distributeurs.
Nous travaillons à mettre sur pieds un fonds dans la Fondation pour aider la production de films haïtiens. J’avoue que ce n’est pas chose facile mais nous y arriverons peut importe le temps que cela prendra. Au Québec, les producteurs ont accès à des fonds du gouvernement pour les aider à produire leurs projets. J’espère que notre nouveau gouvernement ne négligera pas le cinéma. Aussi, j’incite le secteur privé à investir dans la production de films haïtiens car c’est un marché rentable avec un vrai public consommateur. J’espère particulièrement que le public continue à acheter les DVD originaux afin de décourager le piratage.
Une dernière question Fabienne, que peut-on espérer de la deuxième édition du Festival du Film Haïtien cette année?
J’ai hâte tout comme vous le résultat. Pour le moment, ce n’est pas l’engouement organisationnel qui manque. Les dates retenues pour l’événement seront du 15 au 24 septembre 2006. Nous avons déjà débuté la présélection des films qui sont soumis. Nous invitons les cinéastes et les producteurs qui manifestent leurs intérêts de continuer à inscrire leur film. Car la sélection finale terminera au début du mois de Juillet. Les candidats peuvent s’adresser directement au responsable de la programmation et coordonnateur du Festival au moyen de ce courriel: Email, en attendant la mise en ligne du site concernant le Festival. Les gens qui veulent soumettre leur copie de visionnement peuvent le faire par voix postale: 235 Fleury Ouest, Montréal, Québec. J3L 2T8. Je vous rappelle que mon site à moi est ici et le site de la Fondation est indépendante Fondation.
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