TOTEM

à Roland Barthes

«Nous n’aurons plus à nous tourmenter
De nos grandes fautes éblouies
Ni du vertige du vide
O Vid»
(Alain Grandbois)

le vide ô solitude           arche des gémeaux en transit sous les pas du pollen

 

vide de la liberté d’une main dans l’écrit ――― des deux dans les cassures du cri pendant l’amour            dans le rut des échos / des blessures par souffles de rumeurs

 

ô vide de l’amitié gagnée sous la léchée des gestes en otages de la joie           arche du capricorne ――― épaule nue de la blessure

 

le vide / la solitude du texte           des écritures d’enfants en colonies d’apprentissage sur le chemin du globe

 

ô pirateries           des cinq points sur ma poitrine           métaphysique langage / l’iris de mon âme

cavalerie de signes et mots de ma main           codés dans les sous-sols / les fûts de ma source en brouillons de pupilles

ô grimoires que j’ai violés jusqu’au bout de mon plus petit doigt

 

écrits des forges / fous de la page           les marges au van des lanières de thyrses et d’anges            suée de belles fleurs pressées en grumeaux infinis           terres d’enfance en couples des cavernes au plus vaste de l’exil

 

le vide / l’exil            arche des mèches froides en chardons de voyelles

 

vide de la présence et de l’absence d’une main dans l’écrit

jusqu’au sel de l’as de cœur           jusqu’au ceps de la prochaine victoire sur la langue

 

jusqu’à mon poème trébuchant au-delà de la folie des cors           jusqu’au chant suprême et jusqu’à l’haleine des yeux je m’installe

           par lacis de rêves aux plus hautes tours de vos hanches           Ô femmes de nos veilles

 

entre trois pelletées de sable et le fou de l’oiseau           les pinçons qui sucent les mots et le sang des syllabes fatiguées des équations sans maîtres ――― lettres et alphabets des lettres jusqu’au faîte de la dernière victime

 

Villon / Rimbaud / Racine           grandes orgues du silence des archives et des métamorphoses brutes de l’écriture laminée sous le signe de la danse

 

par enjambées de rêves hirsutes nous lirons           Hugo / Baudelaire / Eluard / Mallarmé / René Char et Perse           poètes de la liberté du nu au grand désordre de l’humain ――― grands

magiciens / envahisseurs chevauchant les mots pour l’écrit de la nuit

 

par l’écrit de l’ophrys / de l’opaque lierre des ratures de la giroflée / du pers et du fuchsias / de l’interdit merisier ――― orphées sans mors dans l’outrance des hautes feuilles           d’assauts de mots envisagés par ramées vers le chant

 

par l’écrit de l’orme du bouleau et du cèdre jusqu’au regard double du pin captif dans l’anse ancillaire de la débauche ――― je me promène dans la vallée des mots et des mésanges en grue sous la supervision formelle de l’homme dans l’écrit de chaque nuit

 

Montréal, août 2004


 

 
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