tige éclatée de poèmes
germe de circonstance
pour les dimanches d’enluminures
Ô toi poète dans mes mots
navigateur de nos premières empruntes
tu fus le chant de mon pays que voici
page d’accès à la mémoire et aux témoins posthumes
tu fus après Vilaire
après Brierre la dernière plainte qui dit nos sortilèges
pour n’être que homme et compagnon d’espoirs
des lampions qui jouent aux devinettes
une abeille que célèbrent les longs songes des cathédrales
ô toi poète dans nos rêves et prières
épi de la famille des orchidées
chef-lieu des grandes humiliations
amant de la patience et de la configuration
des phrases
comme tant d’autres entre nous et à voix basse
j’épouse ta voix qui ne suit que l’écho des douleurs humaines
si contrarié le poème qu tu chantes
je renouvelle mon quota d’allégeance
à celui qui a tout permis des mots
misé sur l’espérance des condamnés à vivre
libres et mourir sans la chaleur des amitiés
et comme tant d’autres
je veille sur des textes interdits au grand passage
textes très féminins partagés au cortège des madeleines
des mots toujours des mots sur papier et de mémoire
au feu de la chandelle d’un jour sans précédent
une heure parmi les hommes
a nommé ton passage dans ton pays retrouvé
ce pays que voici comme une tache d’encre
sur la mer
seulement une heure
parmi les femmes de ta terre
et c’est la fin du voyageur assigné à la margelle
des géométries des sans fin
une volée de mots et des vèvès de céruse
à nos morts
de longs poèmes compliqués et de beaux dessins
dans la marge de nos cahiers d’écolier
le salut catégorique à nos déshérités par milliers
à nos frères désertés dans l’inhumaine condition
à nos filles acquittées de notre amour et de nos ressemblances
que laisses-tu en héritage sinon l’haleine des trépassés
qui redisent leur tristesse
des malfrats qui se cherchent au giron d’une ruelle
et tant pis pour la poésie des autres
porteurs d’os de notre histoire d’île si vénérée
poèmes de conquérants accrochés aux alcôves
palmes feuilletées sur chaque paume d’un ouvrage à paraître
qu’est-ce après coup que ce pays de misères des fleurs
ce pays de l’enfance dérobée par les vautours
de la petite fille violée et qui n’a plus de rêves
de jeune mariée dans une feuillée de lampions
des morts toujours des morts qui doivent payer leur passage
tel est le lot de ce pays que voici
que tu as chanté avec témérité
dans la poussière de tout ce qui bouge
sous les jurons des mauvais airs que l’on connaît
fût-ce après Vilaire
après Brierre que tu sois marchand d’étincelles
et d’indigo à la merci de nos feuilles
et de nos racines mauvaises pour la rédemption des cœurs
mais pour n’être que homme et partisan de la terre
compagnon d’espoirs qui dit avec les mots et le ton bourru
du sorcier
les quatre saisons à venir
Poète souviens-toi de la fragilité de l’amphore
Pierrefonds (Montréal),
printemps 2003
|